Robert Castel à l'Autre Rive
Robert Castel
mercredi 13 mai 2009 à 18h30 |
Comment donner un sens à la crise que nous traversons aujourd’hui ? En prenant du recul et en lisant le sociologue Robert Castel, qui poursuit dans son nouvel ouvrage intitulé La montée des incertitudes, les réflexions sur lesquelles il travaille depuis un demi-siècle : comment penser les mutations modernes du travail, en quoi bouleversent-elles l’identité des individus et la cohésion sociale, n’observons-nous pas l’avènement d’une société de plus en plus individualiste ?
Développant le concept de désaffiliation (sentiment d’être inutile au monde), Robert Castel nous rend attentifs au phénomène de l’exclusion qui atteint désormais des segments de population jusqu’ici encore récemment intégrés socialement (aujourd’hui être salarié ne suffit parfois plus à assurer son indépendance économique, preuve en est de l’importance croissante du travail précaire dans nos sociétés).
Et il pose une question centrale : quel est le rôle de l’Etat et des entreprises dans ce nouveau contexte ?
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La terre tourne d'Anne Brouillard
On ne résume pas un livre d’Anne Brouillard mais on a envie de dire à quel point elle réussit à traduire avec art ce regard emprunt de métaphysique qu'elle porte sur les êtres et les choses.
Auteur, elle choisit de parler de cette ronde de la vie qui ici ou là fait naître vivre et mourir les humains que nous sommes. Metteur en page, elle donne une dimension cosmogonique à son propos grâce à de petites vignettes illustrées ouvrant sur l'infini. Peintre, elle recourt à des images chaleureusement colorées pour incarner la simultanéité de ces gestes accomplis par quelques personnages que l’on suit de page en page : des humains et des animaux. Il y a ceux «qui veulent voir ce qu’il y a derrière le tournant du chemin" et ceux « qui restent parce qu’ils sont très bien là ». Il arrive que les sédentaires aussi partent en balade, alors on va, on vient, on se croise, on se perd, on se rejoint. Des animaux bienveillants nous regardent avec empathie et sont invités à la table qui réunit in fine tous les protagonistes alors qu’une porte s’ouvre, poussée par un jeune enfant souriant.
Pour parler de la terre, ronde, et de la ronde de la vie, elle convoque ici et là dans ses images des formes rondes bien sûr : bulles dorées jaillissant de l’obscurité et disant le bouillonement d'un volcan ou le frémissement de la vie fœtale, lucarnes éclairant une salle de cinéma dont la magie est délivrée par l'oeil rond du projecteur, mer aperçue à travers un hublot, visage surgi de l’ombre et souriant.
Texte et image dansent en parallèle et se rejoignent pour nous communiquer une vision de la vie à la fois douce et grave, comme apaisée.
Merci aux éditions du Sorbier pour avoir réédité cet album d’Anne Brouillard !
Claude
La terre tourne, Anne Brouillard, le Sorbier,
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Têtes de pioche de Delphine Chedru
Prenez un robinet, un sécateur ou encore une prise électrique. Collez-y deux yeux, un nez (si l'on veut !), une bouche et tout un tas de chapeaux rigolos, vous ferez d'un petit volant de badminton Monsieur V., véritable super-héros !
C'est ce que nous propose Delphine Chedru dans son nouvel album "Têtes de pioche".
Une trentaine de photographies en noir et blanc, d'objets tout simples, et une ribambelle de gommettes repositionnables pour les personnifier et personnaliser à volonté. De la grande créativité !
Marjorie
Têtes de pioche, Delphine Chedru, Albin Michel jeunesse,11.90€
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Ici Londres de V. Cuvelier et A. Herbauts
Tout nous intrigue dans cet album, objet non identifiable, véritable objet introuvable. C’est sous les auspices du surréalisme que les auteurs en grande complicité avec leur éditrice ont choisi de raconter aux enfants et à leurs parents l’histoire des messages personnels émis sur Radio Londres durant la deuxième guerre mondiale.
Un titre difficile à déchiffrer (normal puisqu’il annonce la rencontre du lecteur avec des messages cryptés), imprimé sur des ronds rouges, sûrement des cerises, convoitées par un merle. Cerises ? Merle? Tiens ! ça ne vous rappelle rien ? Les cerises rouges d’Anne Herbauts roulent de page en page (en gouttes de sang ?) et nous entraînent avec elles. La couleur noire annoncée par le merle (moqueur ?) se fait ombre souvent et s’impose parfois : soldats combattants ou morts, silhouettes figées dans l’attente, animaux foudroyés : entre crainte et action les images nous guident. Il y a aussi ces petites phrases si étranges, ces fameux messages immortalisés jusqu’ici par les films sur la résistance et imprimés sur la page de gauche que jamais l’illustratrice n’explique mais que toujours elle incarne, au pied de la lettre. Cette approche sensible est complétée de trois façons. D’abord l’album s’ouvre sur un joli texte de Vincent Cuvelier, à l’origine de ce projet et qui raconte à la première personne comment un gamin caché derrière un tas de bois surprend son père en train d’écouter la fameuse émission interdite par l’occupant Les Français parlent aux Français. Ensuite on découvre, inséré entre deux pages, un vrai-faux journal, rédigé par l’historienne et journaliste Aurélie Luneau et qui explique de manière très précise le rôle que la radio joua dans l’aide à la résistance. Vive la radio ! Enfin, sur le dernier plat, est fixé un CD réalisé avec les bandes son conservées par l’Ina et mises en musique avec beaucoup d’inventivité par O. Mellano. Ce CD fait chanter à nos oreilles qu’« Alberte a les yeux noirs, que Tante Amélie fait du vélo en short ou qu’Athalie est restée en extase… ». N’oublions pas qu’un des journalistes de cette émission n’était autre que Pierre Dac.
A la fois livre CD, album et livre documentaire cet album transcende tous les genres et s’impose grâce au talent de tous ses auteurs. Il est fait pour être partagé en famille car toutes les générations s’y retrouveront et y trouveront du sens : bien évidemment il s’achève sur ce message, emprunté à l’un de nos grands poètes et qui annonça le débarquement « Les sanglots longs des violons… ». Une superbe rencontre entre Histoire et poésie.
Claude
Ici Londres, V Cuvelier, A. Herbauts, A. Luneau, O. Mellano, ed. du Rouergue, 22 €
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La reine des lectrices d’Alan Bennett
Aimez-vous les bonbons anglais, à la fois sucrés et délicieusement acidulés ? Si oui, précipitez-vous sur ce court roman qui distille avec finesse bien des observations pertinentes sur l’art de lire et les joies que nous procure la lecture.
L’héroïne de ce roman n’est autre qu’Elisabeth II, comme dans le film si caustique de Stephen Frears, The Queen. La reine donc, voulant remettre au pas ses chiens qui aboient fort désagréablement, découvre dans la cour des communs de Buckingham le bibliobus de Westminster. Elle y pénètre avec quelque hésitation, en ressort avec un roman d’Ivy Compton-Burnett et le mal est fait. Ayant commencé de lire elle ne pourra plus s’arrêter. À travers cette fiction Alan Bennett, romancier et dramaturge à la plume incisive, dresse le portrait d’une femme très occupée, soudain tombée en lecture comme on tombe en amour. Les notations de l’auteur sur la façon dont nous accaparent peu à peu ces histoires de papier sont d’une réelle finesse. Chaque lecteur est unique, son entrée en lecture a une histoire et celle-ci mérite qu’on s’y attarde. Car on ne vit plus de la même manière quand on fréquente assidûment les livres. Cette façon dont notre vie soudain prend du sens, dont nos moindres réflexions entrent en écho avec tant d’autres, cet enrichissement de notre « théâtre intérieur », tout cela est magistralement dit.
« Sa charge impliquait qu’elle manifeste de l’intérêt envers un certain nombre d’activités, non qu’elle s’y intéresse pour de bon. De surcroît lire n’était pas agir. Et elle, elle était une femme d’action ». Ce temps-là est révolu, sa majesté est passée de l’autre côté du miroir, de ce côté où on prend le temps de penser, de rêver… Rejoignez-la vite !
Claude
La reine des lectrices, Alan Bennett, Denoël, 12 €
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