Rencontre avec le poète
Richard Rognet
mardi 29 mai 2012
à 18 h 30
Élégies pour le temps de vivre (Gallimard)
Flâneries le long des sentiers de la mémoire, ces Élégies de Richard Rognet convoquent des instants d’enfance, d’amour et d’amitié, mais aussi le bruissement des feuillages, le déplacement des nuages, les mousses des forêts et les fleurs des jardins, les reflets et les ombres. Bien que teintés de nostalgie, de celle qu’éprouve un homme conscient d’être parvenu « aux lisières du monde », ces poèmes ne sont pas plaintifs. Ils célèbrent la vie, à travers l’évocation de ses mouvements les plus divers, de ses éclosions fragiles, de son invincible pouvoir de renaissance et de métamorphose. Les vers libres de Richard Rognet, au lyrisme contenu, mais parfois impétueux, vont du murmure au chant et du chant au murmure.
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Après tant et tant de pluie, il fallait
bien que s’étranglent les nuages et
que se reconstruise la forteresse
du soleil. Tout commence au fond du parc,
les merles ragaillardis enchantent la lumière,
les herbes qu’on dit mauvaises, avec
les roses à moitié mortes, les cosmos,
les soucis, le romarin, célèbrent
à nouveau la vie autour de la maison.
Tout recommence, on est rassuré, on sent
qu’un souffle venu des champs se pose
calmement sur notre solitude. On
pourra lire encore, dans l’air apaisé,
les méticuleuses arabesques du temps.
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Mathis et l'ogre
MATHIS
LES FILS DE L’OGRE
NOUVELLES
éd. Thierry Magnier
VENDREDI 25 MAI 2012 à 18H30
LECTURE PAR L’ EQUIPE DE L’AUTRE RIVE
ET RENCONTRE AVEC MATHIS
Après Maçon comme papa, Faire et défaire, Mathis continue d’explorer les chemins de l’autofiction, à sa manière. Douze nouvelles pour dire l’angoisse permanente de Fred et Max, deux frères soudés face à leur père alcoolique, dépressif, destructeur. Avec distance et sobriété Mathis dit le quotidien plus que difficile mais aussi la force de résilience de l’enfance.
« C’était maintenant que ça allait se passer. Au fond, il était presque heureux qu’ils en soient arrivés là. Presque soulagé. A l’avenir, peut-être devrait-il faire en sorte de recevoir sa raclée dès le matin, comme ça il serait tranquille pour la journée. »
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Pour saluer Maurice Sendak
Maurice Sendak est mort. Parti outside over there, where the wild things are... Parti, le plus grand des créateurs de livres pour enfants, celui qui, secouant le cocotier des idées reçues, imposa cette idée que les enfants aussi ont un inconscient. Relisons sa trilogie : Cuisine de nuit, Max et les Maximonstres, Quand papa était loin, savourons ses textes magnifiquement elliptiques et ses images qui disent mieux que tout discours la complexité et la richesse de la vie intérieure.
Pourquoi j'aime Max et les maximonstres de Maurice Sendak :
Max et les Maximonstres, édité aux États-Unis en 1963, publié pour la première fois en France par Robert Delpire en 1967, déclencha les foudres des rares critiques s’intéressant à l’édition pour la jeunesse, avant que d’être publié en 1973 à l’École des loisirs et de trouver la consécration que l’on sait. L’esprit de 1968 commençait à souffler sur la création et sur la critique, autorisant la prise en compte de l’inconscient dans les albums pour enfants.
J’ai découvert Max et les Maximonstres il y a presque 30 ans, alors que j’étais bibliothécaire et jeune maman d’un petit garçon terrible à qui je l’ai lu souvent. C’était la première fois que je voyais un enfant porter un costume de loup et cet enfant du livre ainsi vêtu me fascina d’emblée, car beau et terrible à la fois, comme un jeune animal sauvage.
En lisant cet album à mon fils comme à d’autres jeunes enfants j’ai souvent constaté que l’enfant à qui on lit Max et les Maximonstres pour la première fois ne manifeste pas d’enthousiasme, ne dit rien et reste songeur.
Plus tard il demandera qu’on lui relise cet album qui le trouble, et moi après toutes ces années je reste face à Max comme ces enfants, songeuse.
On ne peut revenir autrement me semble-t-il de ce voyage « where the wild things are », de cette plongée au cœur de notre intériorité.
Découvrant l’œuvre de Maurice Sendak, avec ceux de mes collègues de la Médiathèque de Metz qui partagèrent avec moi l’aventure de la revue Bouquins/Potins, j’ai lu tout ce qui était alors publié de Sendak et sur Sendak, en français comme dans la langue originale, mais cela n’empêcha pas et n’empêche toujours pas que je continue de me heurter à la force de cet album, à sa belle opacité. Je suis attirée par Max et les Maximonstres, j’aime la beauté du trait, la finesse des couleurs, la musique du texte, mais quand je prends cet album en main c’est comme si je venais de trouver au bord d’un rivage un beau galet. Je le ramasse, le regarde, le touche, le caresse, il me fascine par sa perfection plastique certes, mais aussi et surtout à cause de tout ce qu’il contient d’informations qui me restent inaccessibles car je ne connais rien à la géologie ni à la minéralogie. Pourtant, même si je ne les mets pas à jour, savoir qu’elles sont là enfermées, comme l’image dans le tapis, me donne du contentement.
Au fil du temps j’ai avancé dans ma compréhension de cet album. J’ai profité de lectures expertes qui m’ont révélé la subtilité de ce texte ô combien elliptique, l’orchestration de ces images qui nous emmènent sans prévenir de l’autre côté du miroir. Je me suis intéressée aux yeux ouverts et aux yeux fermés de Max, à ce jeu de ses pieds dressés et de ses pieds posés qui en dit long sur sa satisfaction. Je sais tout le travail accompli par Maurice Sendak sur lui-même, pour retrouver au plus près les sensations du jeune enfant qu’il fut. Je vois bien que Max s’embarque vers l’imaginaire grâce au principe de plaisir et revient à cause du principe de réalité…
J’observe ces monstres, terribles, leurs griffes leurs cornes et leur crocs, mais ils me semblent en même temps si débonnaires. Ils me font sourire car je vois bien qu’ils font tout pour être terribles et que cette jubilation qu’ils manifestent vient de ce qu’ils jouent à faire les monstres. Ils agissent à la commande de Max, ils donnent une représentation, regardant bien leur public comme des enfants lors d’un spectacle de fin d’année et Max, qui les a convoqués, les domine totalement. Trois petits tour et puis s’en vont…
Mais les regardant à nouveau la fois suivante je m’interroge encore et encore sur ce qu’ils ont à me dire.
Chaque fois que je lis Max et les Maximonstres c’est comme si tout recommençait.
C’est comme dans une histoire d’amour. Je l’aime, mais je ne sais pas pourquoi. Peut-être aussi que je l’aime parce qu’il me résiste.
Claude André
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Quand le livre jeunesse explore la guerre d’Algérie
Cinquante ans plus tard, interroger l’histoire
Du côté de la littérature jeunesse, ou plus précisément dans ce champ qu’on nomme « littérature pour adolescents », de beaux, de grands, de vrais récits questionnent la guerre d’Algérie, cette guerre qu’on nomma parfois la sale guerre.
Il se passa du temps avant que la littérature ne s’empare de ces années douloureuses et entreprenne de brasser la grande histoire avec des histoires individuelles, pour en faire un roman. Encore plus de temps du côté de la littérature jeunesse. Ce fut chose faite quand Gallimard publia en Folio junior L’Algérie ou la mort des autres, texte vibrant de Virginie Buisson, d’abord paru à la Pensée sauvage en 1978.
En cette année 2012, c’est en Scripto que l’éditeur fait à nouveau reparaître ce récit, de même que deux romans de Jean-Paul Nozière : Un Été algérien et Le Ville de Marseille, précédemment parus l’un en Folio junior et l’autre au Seuil jeunesse.
Dans le même temps chez Gulf Stream on publie un roman de Lilian Bathelot : Kabylie twist qui lui aussi brasse magistralement réalité et vies fictionnelles pour accoucher d’un roman foisonnant et limpide à la fois, permettant qu’aboutisse son projet didactique sans que jamais la fiction ne s’éteigne au profit du discours.
La lecture de ces quatre textes permettra aux adolescents d’aujourd’hui, pour qui la guerre d’Algérie ne signifie sans doute pas grand-chose, de découvrir concrètement, charnellement parfois, les hésitations, les peurs, les déchirements qu’affrontèrent les jeunes gens que cette guerre emporta dans sa violence, qu’ils soient Algériens ou Français.
Un Été algérien, Jean-Paul Nozière, éd. Gallimard, 8 €
Eté 1958 : Salim, jeune Algérien, vit avec ses parents sur les terres de la Maison rose, la propriété d’Edmond Barine. Collégien doué, le jeune homme voudrait poursuivre ses études mais il y a besoin de bras supplémentaires pour soigner les vignes et Salim, comme son père, devra travailler la terre. Il n’ira pas au lycée, contrairement à Paul, le fils des Barine. C’est ainsi que l’histoire de Salim croise celle de son pays l’Algérie. Révolté par le paternalisme auquel obéissent ses parents, il découvre la haine et c’est le moment que choisit Lakdar, le contremaître, pour lui faire rencontrer un militant du FLN. Devenu agent de renseignements Salim facilitera l’incendie de la maison Rose. Dans ses hésitations s’est engouffrée la parole d’un adulte, pleine de certitude, c’est ainsi que l’histoire s’écrit avec des convictions opposées et sans héros.
Le Ville de Marseille, Jean-Paul Nozière éd. Gallimard, 8.15 €
Printemps 1962. Ne pouvant rester sur les terres de son Bel Oranger et ne pouvant se résoudre à quitter Algérie, Paula Rosselle, Française d’Algérie, choisit de mourir. Son fils Paul, sidéré par les évènements familiaux et historiques, se terre dans une pièce aux volets clos. Si le corps de Paul est immobile, son esprit s’agite. Sa voix s’élève évoquant dans un grand désordre chronologique ses années d’enfance fusionnelle avec sa mère et cette dernière nuit vécue à ses côtés. D’autres voix se font entendre, celles de Tahar et de Fatma, les employés de maison, celle aussi du Dr Costantini, partisan de l’OAS. Chacune de ces voix a sa propre inflexion, sa propre musique affective et culturelle, donnant à ce roman une véritable dimension polyphonique.
L’Algérie ou la mort des autres, Virginie Buisson,
éd. Gallimard, 7 €
Récit, et non roman, récit plutôt que témoignage, contrairement à ce que prétend maladroitement le bandeau rouge publicitaire que Gallimard a cru bon de joindre à cette réédition, l’Algérie ou la mort des autres est un texte essentiel et inclassable dans lequel l’auteur évoque ses jeunes années (Virginie Buisson avait 11 ans en 1954). Fille de militaire, elle suit avec sa mère et ses deux jeunes frères son père dans ses différentes affectations, plus près parfois ou plus loin des lieux de combats, de torture. En ville ou dans le bled, elle survit avec les contraintes qu’impose le danger, enfermée dans une caserne, terrée derrière des volets clos. Impatiente comme toute jeune fille, elle désobéit, s’approche du danger, aime clandestinement un jeune soldat.
Son Algérie c’est celle d’une guerre subie dont elle ne comprend rien, c’est aussi celle de la mer violette, du ciel bleu, du vent violent, d’un appétit de vivre insatiable et de la mort qui rôde et s’abat sans cesse autour d’elle. C’est cela aussi la guerre : voir tomber les autres.
Le découpage de ce texte en un seul chapitre, fait de courtes séquences, le choix d’évoquer plus que d’expliquer, l’écriture incisive de Virginie Buisson, permettent très paradoxalement que le lecteur se sente à la fois si proche et si loin des évènements évoqués par la narratrice.
Kabylie Twist, Lilian Bathelot, éd. Gulf Stream, 14.50 €
Le projet même de ce roman le met au cœur d’une démarche didactique efficacement servie par une construction polyphonique :
Richard, alias Rickie, batteur d’un groupe rock, son ami Sylvie qui conduit pieds nus son Aston martin, Najib tout jeune spectateur clandestin d’un cinéma de Djidjelli, Lopez promu inspecteur de police à Oran au sortir du Bac, Claveline fillette pied-noir, autant de figures qui vont incarner plus de 300 pages durant les affres de jeunes gens emportés par la guerre d’Algérie, de 1960 à 1962. Au travers de Richard, soldat envoyé dans le bled, et de Najib, adolescent recruté par le FLN, tous deux confrontés à la torture subie et exercée, l’auteur amène ses lecteurs à se questionner, à se positionner… Cette guerre est violente, tordue, la réalité en est complexe, parfois indéchiffrable… La succession de chapitres où l’on entend tour à tour le point de vue des uns et des autres permet que la complexité soit révélée et tous les fils que tient l’auteur et qu’il disperse volontairement se rejoignent évidemment lorsque tous ses personnages vont se croiser, se rencontrer. La violence qui sévit de part et d’autre abat injustement des victimes innocentes et l’on découvre cette réalité d’un conflit redoutable, pas à pas. Lilian Bathelot conduit magistralement son intrigue, menant de front le souci didactique et l’imprévu nécessaire à la tension de son récit.
Claude André
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De Loin d'hagondange à Tout un homme
en partenariat avec le Théâtre de la Manufacture
Rencontre avec JEAN-PAUL WENZEL
vendredi 27 avril 2012 à 18 h
De Loin d’Hagondange à Tout un homme,
30 années d’écriture et de mise en scène… en passant par la Lorraine.
Jean-Paul Wenzel, auteur dramatique, metteur en scène, acteur, directeur de la compagnie Dorénavant, évoquera son parcours théâtral et ses liens avec le Pays-Haut, à l’occasion des représentations de Tout un homme au théâtre de la Manufacture, du 24 au 28 avril 2012.
Tout un homme – livre et spectacle – rend hommage aux travailleurs partis d’Algérie et du Maroc pour devenir mineurs de fond en Lorraine.
Tout un homme – le livre – est publié aux éditions Autrement.
Librairie l’Autre Rive 19 rue du Pont-Mouja Nancy tél. 03 83 30 63 29
http://librairielautrerive.hautetfort.com
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