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jeudi, 07 mai 2009

Ma Dolto de Sophie Chérer

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L’École des loisirs donne une seconde vie à un livre que les éditions Stock avaient publié l’année dernière dans une collection destinée aux adultes. Le mot « ma », dans son titre, se lit comme un adjectif possessif – le livre peint Françoise Dolto telle que la voit Sophie Chérer, telle que l’aime Sophie Chérer –, mais aussi comme le terme anglais qui sert à dire familièrement « maman ». Une soixantaine de chapitres brefs, témoignant d’un art consommé du montage, entremêlent les principaux événements de la vie et de la carrière de Françoise Marette-Dolto, des récits de cures, des exposés sur ses méthodes d’analyse, mais aussi des souvenirs personnels de Sophie Chérer, une apologie du père Noël, un résumé de la vie de Van Gogh, un dialogue entre Béatrix Beck et Roger Nimier, le récit d’une erreur tragique de Georges Simenon.

Romancière avant tout, Sophie Chérer raconte des événements, fait revivre des échanges, et part du quotidien pour mieux faire comprendre les distinctions théoriques élaborées par la psychanalyste : par exemple, pour résumer le fameux débat sur « l’enfant roi », la différence qu’il y a entre satisfaire un besoin et satisfaire un désir de l’enfant. Certes, lorsque Sophie Chérer invente (ou restitue ?) un dialogue, à propos d’un bonbon de rêve, entre une mère particulièrement disponible, créative, et son enfant, ce dialogue sucré m’a semblé parodier le difficile précepte énoncé par Dolto plutôt que le mettre en pratique… Mais en général les réflexions qui accompagnent les récits ne manquent ni de justesse ni de clarté ; d’autant plus que l’auteur de Ma Dolto a su, à l’instar de son modèle, éviter le dogmatisme et le verbalisme.

Le dispositif narratif que Sophie Chérer a mis en place est presque constamment au service de la parole de Dolto elle-même, et le livre a le mérite de ne faire parler Dolto à la première personne qu’en citant ses textes et ses propos (et en donnant, à la fin du livre, la référence précise de chaque extrait cité). En lui cédant la parole le plus souvent possible et en abordant son œuvre sous des angles variés, le livre nous offre d’elle un portrait en kaléidoscope et en mouvement, brûlant de vie et d’énergie.

Françoise Marette, la future Dolto, eut avec sa mère une relation difficile, même traumatisante, et dut se battre contre elle pour gagner le droit de devenir une femme active. Puis il lui fallut répondre aux reproches de son père polytechnicien, écrivant un jour à celui-ci, comme Kafka, une lettre, qu’elle lui envoya en 1938, qui resta sans réponse et qui inspire à Sophie Chérer ce commentaire conclusif : « Il faut croire que les lettres au père ne sont pas faites pour être lues. Seulement pour être écrites. » (Parce qu’une lettre est restée sans réponse, elle n’a pas été lue ?) Enrichie par son vécu, s’étant trouvée très tôt en pleine possession de ses moyens d’analyste et de cette intuition si nécessaire pour soigner des enfants qui ne peuvent pas tous formuler eux-mêmes leur souffrance, Dolto commence par aider ses jeunes patients à prendre confiance en leur désir, avant de leur enseigner comment apprivoiser les pulsions qui les tyrannisent. « Professeur de désir », elle possède au plus haut point le génie de la relation humaine. Et Sophie Chérer nous fait saisir à quel point la manière qu’a Dolto de parler et d’écrire incarne ce que peut être la parole vraie que l’adulte doit aux enfants.

Au cœur du livre, se glisse un témoignage plaisant et même truculent de l’illustrateur Philippe Dumas, entré en analyse chez Dolto en 1948, à l’âge de huit ans, et qui prolonge lui-même les anecdotes qu’il nous rapporte par de savoureux dessins. « La plupart des gens ont un âge mental de sept ans, lui a dit Dolto. Toi, tu y es, à cet âge. Tu ne le dépasseras peut-être pas, mais tu l’as, ça suffit. » Dumas nous révèle qu’à un garçon dominateur et violent Dolto aurait imposé le traitement suivant : « Tu veux la bagarre, bien, mais tu dois choisir de te battre avec des gens forts ! Tu vas prendre des cours pour devenir dompteur. » Ce qui fut fait… non sans quelques conséquences fâcheuses (je vous invite à les découvrir par vous-mêmes dans Ma Dolto).

Voilà donc un livre qui aidera beaucoup d’adolescents à vivre mieux. Pour les jeunes lecteurs, garçons et filles, à partir de treize ans : une initiation à Françoise Dolto. Pour leurs parents : une invitation à relire, ou à découvrir, les livres de cet esprit libre qui fut aussi un authentique écrivain.

Jean-Michel

 

Sophie Chérer, Ma Dolto, L’École des loisirs, collection « Médium ». 11 €

Prix Sorcières 2009

Le 16 mars 2009, au Salon du Livre de Paris, ont été remis les Prix Sorcières 2009, délivrés par l’Association des Libraires Spécialisés Jeunesse, en partenariat avec l’Association de Bibliothécaires de France. Symbole de complémentarité entre deux métiers, ce prix affirme le souhait de partager avec les enfants, du plus petit au plus grand, des livres qui ne laissent pas indifférents, des livres pour se construire en toute liberté, en toute curiosité.

 

Catégorie Tout-petits

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Raymond rêve

d’Anne Crausaz, éd. Mémo

 

 

Un coup de cœur.

 

Catégorie Albums

garmann.jpgL’été de Garmann de Stian Hole, éd. Albin Michel

Un album surprenant sur la peur de grandir. Venez découvrir également son nouvel album : La rue de Garmann, aussi réussi.

 

 

 

 

 

 

 

Catégorie Romans 9-12 ans

 

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L’Arche part à huit heures d’Ulrich Hub, éd. Alice jeunesse

Rencontrez-donc ces pingouins et cette colombe embarqués sur l’arche de Noé. Un livre drôle et frais qui est aussi un petit roman philosophique.

 

 

 

 

 

 

Catégorie Romans adolescents : Ex-æquo

 

 

be safe.jpgBe safe de Xavier-Laurent Petit, éd. Ecole des loisirs

Un regard critique sur la guerre quelle qu’elle soit.

 

 

 

 

 

 

 

Le dernier Orc de Silvana de Mari, éd. Albin Michel

images.jpgRoman de fantasy de haute tenue qui mène également une réflexion intelligente sur la guerre.

 

 

 

 

 

 

 

Catégorie documentaires

jolivet.jpgLes costumes de Joëlle Jolivet, éd. Panama

Après Zoologique et Presque tout, Joëlle Jolivet se lance, avec Caroline Laffon pour les textes, dans une histoire aléatoire du costume à travers le monde.

 

 

 

 

 

 

Venez découvrir ces ouvrages à la librairie ainsi que le dernier numéro de la revue Citrouille, consacré, entre autres sujets, aux prix Sorcières.

 

samedi, 18 avril 2009

La terre tourne d'Anne Brouillard

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On ne résume pas un livre d’Anne Brouillard mais on a envie de dire à quel point elle réussit à   traduire avec art ce regard emprunt de métaphysique qu'elle porte sur les êtres et les choses.

Auteur, elle choisit de parler de cette ronde de la vie qui ici ou là fait naître vivre et mourir les humains que nous sommes. Metteur en page, elle donne une dimension cosmogonique à son propos grâce à de petites vignettes illustrées ouvrant sur l'infini. Peintre, elle recourt à des images chaleureusement colorées pour incarner la simultanéité de ces gestes accomplis par quelques personnages que l’on suit de page en page : des humains et des animaux. Il y a ceux «qui veulent voir ce qu’il y a derrière le tournant du chemin" et ceux « qui restent parce qu’ils sont très bien là ». Il arrive que les sédentaires aussi partent en balade, alors on va, on vient, on se croise, on se perd, on se rejoint. Des animaux bienveillants nous regardent avec empathie et sont invités à la table qui réunit in fine tous les protagonistes alors qu’une porte s’ouvre, poussée par un jeune enfant souriant.

Pour parler de la terre, ronde, et de la ronde de la vie, elle convoque ici et là dans ses images des formes rondes bien sûr  : bulles dorées jaillissant de l’obscurité et disant le bouillonement d'un volcan ou le frémissement de la vie fœtale, lucarnes éclairant  une salle de cinéma dont la magie  est délivrée par l'oeil rond  du projecteur, mer aperçue à travers un hublot, visage surgi de l’ombre et souriant.

Texte et image dansent en parallèle et se rejoignent pour nous communiquer une vision de la vie à la fois douce et grave, comme apaisée.

Merci aux éditions du Sorbier pour avoir réédité cet album d’Anne Brouillard !

Claude

 

La terre tourne, Anne Brouillard, le Sorbier,

 

vendredi, 17 avril 2009

Têtes de pioche de Delphine Chedru

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Prenez un robinet, un sécateur ou encore une prise électrique. Collez-y deux yeux, un nez (si l'on veut !), une bouche et tout un tas de chapeaux rigolos, vous ferez d'un petit volant de badminton Monsieur V., véritable super-héros !
C'est ce que nous propose Delphine Chedru dans son nouvel album "Têtes de pioche".
Une trentaine de photographies en noir et blanc, d'objets tout simples, et une ribambelle de gommettes repositionnables pour les personnifier et personnaliser à volonté. De la grande créativité !

 

 

Marjorie

 

Têtes de pioche, Delphine Chedru, Albin Michel jeunesse,11.90€



Ici Londres de V. Cuvelier et A. Herbauts

londres.jpgTout nous intrigue dans cet album, objet non identifiable, véritable objet introuvable. C’est sous les auspices du surréalisme que les auteurs en grande complicité avec leur éditrice ont choisi de raconter aux enfants et à leurs parents l’histoire des messages personnels émis sur Radio Londres durant la deuxième guerre mondiale.

Un titre difficile à déchiffrer (normal puisqu’il annonce la rencontre du lecteur avec des messages cryptés), imprimé sur des ronds rouges, sûrement des cerises, convoitées par un merle. Cerises ? Merle? Tiens ! ça ne vous rappelle rien ? Les cerises rouges d’Anne Herbauts roulent de page en page (en gouttes de sang ?) et nous entraînent avec elles. La couleur noire annoncée par le merle (moqueur ?) se fait ombre souvent et s’impose parfois : soldats combattants ou morts, silhouettes figées dans l’attente, animaux foudroyés : entre crainte et action les images nous guident. Il y a aussi ces petites phrases si étranges, ces fameux messages immortalisés jusqu’ici par les films sur la résistance et imprimés sur la page de gauche que jamais l’illustratrice n’explique mais que toujours elle incarne, au pied de la lettre. Cette approche sensible est complétée de trois façons. D’abord l’album s’ouvre sur un joli texte de Vincent Cuvelier, à l’origine de ce projet et qui raconte à la première personne comment un gamin caché derrière un tas de bois surprend son père en train d’écouter la fameuse émission interdite par l’occupant Les Français parlent aux Français. Ensuite on découvre, inséré entre deux pages, un vrai-faux journal, rédigé par l’historienne et journaliste Aurélie Luneau et qui explique de manière très précise le rôle que la radio joua dans l’aide à la résistance. Vive la radio ! Enfin, sur le dernier plat, est fixé un CD réalisé avec les bandes son conservées par l’Ina et mises en musique avec beaucoup d’inventivité par O. Mellano. Ce CD fait chanter à nos oreilles qu’« Alberte a les yeux noirs, que Tante Amélie fait du vélo en short ou qu’Athalie est restée en extase… ». N’oublions pas qu’un des journalistes de cette émission n’était autre que Pierre Dac.

A la fois livre CD, album et livre documentaire cet album transcende tous les genres et s’impose grâce au talent de tous ses auteurs. Il est fait pour être partagé en famille car toutes les générations s’y retrouveront et y trouveront du sens : bien évidemment il s’achève sur ce message, emprunté à l’un de nos grands poètes et qui annonça le débarquement « Les sanglots longs des violons… ». Une superbe rencontre entre Histoire et poésie.

 

 

Claude

 

Ici Londres, V Cuvelier, A. Herbauts, A. Luneau, O. Mellano, ed. du Rouergue, 22 €