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vendredi, 09 avril 2010

Yasmina Khadra

Les Rendez-vous de l’Autre Rive - Les Rendez-vous de l’Autre Rive

en partenariat avec le Forum IRTS de Lorraine

 

 

Rencontre avec Yasmina Khadra :

dédicaces de 17h 30à 18h30

lecture et discussion à 18h30

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l’Olympe des infortunes

éditions Julliard, 2010

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Mardi 6 avril à 18h30

Dans l’Olympe des infortunes, Yasmina Khadra met toute sa verve romanesque au service d’une fable corrosive qui nous plonge dans l'univers des clochards, plein de tendresse, de cocasserie, de rêves invraisemblables et de terribles déconvenues.

Yasmina Khadra est un romancier algérien de langue française. Salué dans le monde entier comme un écrivain majeur, il est l’auteur, entre autres, de Cousine K (Julliard 2003, Prix de la Société des gens de lettres), La Part du mort (Julliard, 2004, Prix du meilleur polar francophone), Les Hirondelles de Kaboul (Julliard, 2002, Newsweek Award, Prix des libraires algériens), L’Attentat (Julliard, 2005, Prix des libraires 2006) et de Ce que le jour doit à la nuit (Julliard, 2008, Prix Lire du roman 2008). Son œuvre est traduite dans trente-huit pays.  

 

 

Commentaires

« Les aventures de Percival : un conte phylogénétique » de Pierre Senges, Illustrations de Nicolas De Crécy (10, Editions Dis voir, 128p).« Comme il s’agit d’un protocole expérimental, le plus simple est d’imaginer une table et une chaise : sur la table, une machine à écrire, la vieille mécanique de type Remington (ou Underwood, ou Olympia) ; sur la chaise, un primate : un chimpanzé, pan troglodyte pour être précis, appelé Percival. » A partir de cette mise en scène, somme toute assez sommaire, on va assister à la tentative du singe assis pour l'éternité devant une machine à écrire avec l'espoir de le voir composer, par une suite de hasards, une comédie, disons Hamlet. L’expérimentation suivante devrait être de composer la critique même du bouquin ainsi composé.
Conte illustré pour adultes ou expérimentation philosophico-scientifique de l’improbabilité des choses. « That is the question » aurait dit le bon William. Mais voilà, Pierre Senges est intervenu dans le débat et tout doit être remis à plat. En effet, son argument es simple. Admettre l’existence purement aléatoire du singe et du récit revient à imaginer le singe comme un pur mécanisme immortel, lequel serait couplé à une machine à écrire uniquement composée de touches et de rubans encreurs. On aurait donc affaire à deux êtres sans refuser la moindre intelligence ou sensibilité artistique. Là où tout se complique, c’est quand on installe Percival devant la machine à écrire. On a alors affaire à un singe réel, vivant, donc pensant (aurait dit Pascal). Il aura fallu attendre Samuel McIntosh, jardinier, mathématicien et docteur en Probabilité & Comportement Animal, ainsi que le récit de PS qui nous raconte les expériences. Quid du ou des résultats ? Les différentes versions (99) de la même fable ne concordent pas toujours. Et puis, bon, je ne suis pas là pour vous déflorer ce charmant conte (phylogénique pour adultes).
Heureusement, pourrait on dire, PS nous livre en prime deux tables pour nous aider à comprendre ces 99 fables. Une table générales des éthogrammes reprend les sous-titres des chapitres, de « L’animal entre en scène » à « L’animal s’escamote ». Cette première table est suivie par une Classification générale des éthogrammes : comportements d’approche et de négociation, comportements affiliatifs ou sexuels, comportements agonistiques, comportements solitaires et mélancoliques, comportements heuristiques (malins), comportements d’ordre ludique ou paresseux, comportements littéraires, comportements végétatifs, comportements d’adieux.

Très sérieusement les Editions Dis Voir font état de ce livre comme étant « le premier titre de notre nouvelle collection de « Contes illustrés pour adultes » où des écrivains contemporains, renouant avec une tradition de la littérature scientifique, explorent par la fiction les plus récentes recherches en science cognitive. » Vaste programme, auquel on ne pourrait que souscrire.
Les illustrationsde Nicolas de Crécy apportent un brin de fantaisie à la rigueur scientifique de Pierre Senges (et lycée de Versailles dirait l’autre).

Écrit par : jlv-percival | dimanche, 04 avril 2010

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bonjour,auriez-vous l'amabilité de m'informer de la prochaine séance de dédicace de monsieur yasmina khadra au cas oû vous le sauriez ? en vous remerciant par avance.

Écrit par : bachir-cherif | jeudi, 08 avril 2010

« Tol », de Murat Uyurkulak (10, Galaade, 379 p ). A nouveau une « petite » maison d’édition, et à nouveau une découverte étonnante. Eh oui il y a même des auteurs autres que Marc Lévy, (heureusement, et là ca sera « la première lecture intelligente », désolé Marc pour avoir dorénavant pris ce titre).

Le nouveau roman turc, ou les auteurs turcs récents. J’avais déjà à plusieurs reprises fait état de la littérature dans ce pays. (Voir les critiques sur Orhan Pamuk, que j’ai découvert en octobre, puis Nedim Gürsel et Asli Erdogan et surtout « La chute des prières » de Sema Kaygusuz, roman fabuleux en février). Et à nouveau un choc avec ce « Tol » (vengeance en kurde), premier roman de MU.

L’histoire, impossible à résumer, si ce n’est que cela se passe à bord d'un train roulant vers l’est de la Turquie (la région kurde). La Turquie vient d’être secouée par une violente explosion. Les deux personnages, Sair, le Poète et Yusuf, enfant du coup d’Etat et forcément suspect aux yeux du pouvoir totalitaire, sont liés par un terrible secret. On va alors découvrir, bribes par bribes, toute une histoire de brimades, tortures (toutes bien entendues formulées avec discrétion et beaucoup de pudeur), mais aussi de révoltes, et d’histoires d’honneur (en famille ou en couples) et surtout de vengeance.
Cependant, et je crois que c’est assez courant dans la littérature turque, on y fait fréquemment référence à la culture. La plupart des livres font état de lecture ou d’écriture de poèmes, qui semblent baigner la culture turque. Ici on croise Sair (donc le poète) et son ami Yusuf, le narrateur qui lui aussi écrit et lit volontiers ses poèmes. On retrouve donc Nâzim Hikmet, on croise aussi un certain nombre de figures « historiques », tel Che Guevara ou de Rosa Luxemburg (cf le personnage de Gül, la rose en turc) ou Staline (Rahip, le curé) ou Trotski (Keci, le bouc), mais aussi des personnalités politiques turques Ata Kemal, Adnan Menderes ou Kuru Bülent. C’est à dire, presque toute l’histoire de la Turquie des années depuis le coup d’état militaire qui renverse Menderes (et le pend) en 60, jusqu’au second coup d’état en 80 et interdiction des partis politiques. Entre temps, l’armée secrète arménienne de libération de l'Arménie (ASALA), puis le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) vont manifester de plus en plus leur volonté d’indépendance vis-à-vis du gouvernement d’Ankara (pour des raisons différentes il est vrai). On croise laconiquement à la fin du livre la chute du mur de Berlin «Le mur est tombé » et Ceausescu « Mais à Bucarest, ils ont tué beaucoup de monde, ces pédés »
Le roman, car c’en est un (bien que ...) s’ouvre par ce paragraphe assez révélateur de la suite. «Autrefois, la révolution était une fort séduisante possibilité. Je me rappelle ces jeunes civils regardant avec curiosité les somptueuses résidences. Ces êtres rachitiques arpentant les larges avenues, ces femmes en noir mangeant des mûres, ces bouches desséchées proférant des mots implacables... La bouche de ma mère était affreusement mutilée. Lorsque je trouvais la force de la regarder sans terreur, elle ouvrait cette bouche, au milieu de son visage tout couvert de cicatrices, et répétait toujours la même chose : «Ils nous ont baisés et ils baiseront aussi nos enfants. Tout ce qu'il y a en eux d'histoire, de prières, d'armes et même de gloire, ils le vomiront sur nous...». ».
Par la suite, on va apprendre, chapitre par chapitre, sous formes de petites histoires toutes aussi décousues les une des autres, le reste de la vie des deux personnages et de leurs antécédents. Parmi eux Oguz, le père de Yusuf, boiteux devenu amnésique après un interrogatoire (et qui va changer de nom, pour s’appeler Ahmet), qui va regagner symboliquement les 7 cm de différence entre ses deux jambes. Etudiant d'extrême gauche, il finira rebelle dans les monts Gabar dans la partie kurde au sud-est de la Turquie. Sa mère, Canan, s’enfuit de chez elle, et envoie en retour un morceau de son visage. « Je suis resté inachevé, je n'ai jamais mangé à ma fin, crié tout mon soûl, empoigné les choses. Le couteau cheminait dans mon esprit comme un terrible chuchotement et j’ai été coupé en deux. » La rencontre de ses deux parents devient une métaphore des blessures et ravages de tout le peuple kurde « Le boiteux s'est épris du visage estropié. »
On résume par là toute l’écriture de MU. Style incisif, chapitres courts (29 dans trois parties, chacune introduite par une lettre de TOL), soit d’environ 12 pages chacun. Dans ces chapitres un lambeau de la vie des deux personnages, de leurs amis et parents. A chaque fois une petite histoire dans le roman. Le tout s’emboite finalement pour reconstituer l’histoire et les tenants et aboutissants de ce voyage en train, entrecoupé de boissons diverses, raki, vin, whisky et autres fumeries diverses. Les chapitres à dialogues, quelquefois fort imbibés sont numérotés. Ils alternent avec des récits des fantômes du passé, qui eux sont numérotés, mais également titrés (les perles, les mouches, les poissons, les pluies…). Dans la seconde partie (O), le style change, en évoquant le passé et l’histoire du dossier vert qui concerne le père de Yusuf. MU se sert alors de sa langue comme forme de combat. Le turc est une langue dite agglutinante, on ajoute des suffixes les uns aux autres (un peu comme les noms composés en allemand, contrairement à la syntaxe en français qui énonce le plus souvent (sujet - verbe - complément). Cela donne des choses parfois surprenantes (à la Queneau) « Il y a un homme nommé tantpissitu nemecomprendspasaisessaiedecomprendre et puis un autre, du nom de lafleurdoitsetrouveraudessousdemonmembreviril, et puis ça a été jaimebienmesconfituresarchicuites ensuite les bouteillesdrelindrelinducircassienauxcheveuxcrasseux les a rejoints, suivi de ilesttempsdeteréveillerallezbonsangréveilletoi »
Pendant tout ce temps (et durant le long voyage en train), le pays est dans le chaos provoqué par les bombes qui éclatent un peu partout et dont les deux personnages ont les informations par les journaux et la radio achetée à un arrêt). « Les mécaniciens poursuivaient le voyage en dépit du bon sens. Ils traversaient sans s’arrêter de grandes gares, s’arrêtaient dans des bleds complètement perdus et restaient des heures à papoter avec leurs collègues dans les baraquements qui faisaient office de bureau de gare ». Et pendant ce temps… « Les stations radio n’émettaient plus rien d’autre que les nouvelles. Il y avait tellement d’attentats à la bombe qu’on avait renoncé à dresser la liste des sites qui avaient sauté. ». « Les révolutionnaires s’étaient emparés d’un certain nombre d’émetteurs et s’étaient mis en tête de diffuser du matin au soir des marches entrainantes, mais il y avait eu tant de protestations qu’ils étaient passés à de jolis airs de clarinettes et à des chansons orientales, et tout le monde était content ».
Je ne dévoilerai pas l’ultime fin, mais il faut se rappeler la phrase du début «Autrefois, la révolution était une fort séduisante possibilité ».
Ceci dit, il reste à décerner un grand merci et bravo à Galaade éditions (on en parle ce mois ci dans Le Matricule des Anges). « Petite » maison d’édition, créée en 05, mais qui ne sort que des livres de qualités (http://www.galaade.com/auteurs/ ) avec une très grande ouverture sur le monde. C’est si rare de nos jours. Il faut s’intéresser de près à ces petites maisons (gardez en mémoire l’interview des éditeurs d’Absalon, la semaine dernière chez votre libraire préféré).

Écrit par : jlv-tol | dimanche, 11 avril 2010

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« Le troisième Reich » de Roberto Bolaño (10, Christian Bourgois, 412 p)

On peut lire le journal de vacances sur la Costa Brava d’un couple, Udo Berger et Ingeborg, apparemment sans histoire. Udo est venu dans cet hôtel avec ses parents, il y a une dizaine d’années (et a d’ailleurs déjà subi le charme de Frau Else, la patronne). Udo est le champion d’Allemagne de wargames, et compte mettre ce temps de vacance à profit pour perfectionner son jeu et écrire sur le jeu (le Troisième Reich), qui reprend la trame de la seconde guerre mondiale. Il va donc rejouer toujours les mêmes scénarios ludiques pour aboutir aux meilleurs parties. Il est donc en quête d'une partie parfaite, sur les deux plans de la stratégie et de l’esthétique, bien que ce soit pratiquement impossible à atteindre. «La perfection sur un plateau de jeu, que signifie-t-elle, sinon la mort ? Le vide ? »

A noter que RB poursuit une quête similaire dans la mesure où la fiction dérègle le monde et les êtres, mais leur donne cependant du sens. Les jeux de stratégie sont également une passion de RB, que celui ci évoque dans « La littérature nazie en Amérique » (06, Christian Bourgois, 278 p) et « Etoile distante » (06, Christian Bourgois, 180 p). dans ces deux ouvrages, on mélange à la fois le roman (noir forcément) et l’horreur, sous forme d’assassinats (sous une forme artistique, toutefois). C’st un peu aussi le fond du roman 2666 (08, Christian Bourgois, 1015 p) qui a pour thème les assassinats répétés de jeunes femmes à la frontière du Mexique avec les USA.

Cependant, dès que la nuit est venue, le couple rencontre deux autres Allemands, Charly et Hanna. Dans la première parti du livre, cette rencontre sert de trame à tout le reste. La rencontre entre l’imprévisible Charly et des personnages locaux plus ou moins louches et vulgaires tels que le Loup et l’Agneau. On n’en saura pas beaucoup plus sur ces deux personnages mystérieux, sinon qu’ils vont emmener les quatuor dans des boites louches et sordides. Charly s’y saoule gaillardement, avant de prendre ensuite des paris stupides, comme nager très au large ou partir en planche à voile. Sont-ce des défis qu’ils lancent aux espagnols ou à lui même ? On croise également le Brûlé, un homme défiguré dont personne ne sait rien, même si le bruit court qu’il serait étranger (allemand ou russe) et aurait été torturé dans son pays. La suite d’un de ces paris stupides, Charly se perd en mer et disparaît. (On le retrouvera plus tard, le visage quasi dévoré par les poissons).

Après ce fait divers, le roman bascule. Hanna repart en Allemagne, bientôt suivie par Ingeborg. Udo reste seul, et une relation avec Frau Else s’élabore doucement. (Une autre, plus rapide et quasi impulsive va se lier entre Udo et Carlita, une jeune soubrette de l’hôtel). Le jeu de rôle devient lors la partie centrale du roman. Au point que les titres de chapitres (comptés en jours dans la première partie) comprend parfois des dénominations relatives au jeu (printemps 42 ou hiver 43). Des longues pages retracent l’avancée et le recul des différentes unités sur les fronts de l’Est et de l’Ouest (passages nécessaires ou remplissage ?). Le Brûlé acquiert également un statut spécial, puisqu’il est invité dans la chambre de Udo pour jouer. On n’en saura d’ailleurs pas beaucoup plus sur son histoire. La relation entre Udo et Frau Else devient également de plus en plus équivoque, et la maladie (bientôt fatale) du mari de cette dernière ajoute au trouble.

Livre ancien (89) de RB. Alors que son livre posthume (2666 », 08, Bourgois, 1015 p) m’avait enthousiasmé, celui ci (et quelques autres d’ailleurs aussi) ne me laissent pas un souvenir impérissable. Cela se lit bien, c’est sûr. L’action et le suspense sont maintenus tout du long (hormis les passages techniques du jeu).

Écrit par : jlv-bolano | mercredi, 14 avril 2010

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Aux sources de Malcolm Lowry

Le fait que vienne de ressortir la lettre de Malcolm Lowry (« Merci infiniment », 10, Allia ed., 96 p.) m’a poussé à relire « Au dessous du volcan » (abrégé par la suite en ADV) (71, Denoël, 436 p., traduction de Stephen Spriel, avec la recherchée couverture jaune). La nouvelle traduction (87, « Sous le volcan », Grasset, 447 p, traduction Jacques Darras, sous couverture rouge) (et qui me parait moins porteuse de souffle et de prégnance que l’édition originale) est celle que l’on retrouve en poche (95, Malcolm Lowry. Romans, nouvelles et poèmes, Le Livre de Poche, coll. « La Pochothèque », 1088 p.). J’ai acheté cette dernière pour pouvoir l’emmener et la relire plus facilement. Les références que je donnerai sont donc de cette édition, (par exemple, ADV, 43, signifie Au dessous du volcan, p.43, début du ch.1), sauf pour « En route vers l’ile de Gabriola (RIG), qui est l’édition Denoël Lettres Nouvelles, 72, non repris dans la Pochotèque.
J’en ai profité également pour me remettre en mémoire certains textes liés à ML (ses sources) ainsi que des critiques (nombreuses) et des ouvrages (2-3) sur sa bibliographie et ses caractéristiques éditoriales. Parmi ces dernières œuvres un très beau site de Chris Ackerley, University of Otago, NZ (« A hypertextual and illustrated companion to Under the Volcano » http://www.otago.ac.nz/english/lowry/index.html ), une biblio-critique de Christine Pagnoulle « Malcolm Lowry. Voyage au fond de nos abimes » (77, L’Age d Homme, 173 p.), ainsi que le « Pour Lowry, Les Rencontres de Fontevraud », (10, MEET ed., 308 p) et le livre de Perle Epstein (69, “The private labyrinth of Malcolm Lowry. Under the Volcano and the Cabbala”. Holt, Rinehart & Winston, 244p.). Y ajouter également un texte non fini, non encore traduit en français « La Mordida » (La petite morsure en traduction littérale, en fait il s’agit plutôt de l’argot mexicain qui désigne une amende, on pourrait dire aussi « la Propina » qui aurait plus valeur de pourboire) (96, Patrick A. McCarthy (éd.), The University of Georgia Press, Athens, 424 p) et des textes divers (en fait des extraits) « The Voyage That Never Ends » (07, The New York Review of Books, 536p). Le fond littéraire des manuscrits et documents de ML est rassemblé à Vancouver, University of British Columbia http://www.library.ubc.ca/welcome.htm . Enfin, je dois signaler un nombre certains de sites ou d’extraits de livres, tant sur des sites anglophones que hispanophones (mexicains en général) très bien faits et documentés (et quelques autres plus fumeux).

Pour les sources, il convient de citer Conrad Aiken et le norvégien Nordahl Grieg, et bien sûr la Kabbale (je reviendrai sur ces auteurs plus loin). Deux ou trois œuvres, cela va somme toute assez vite à lire. Enfin, et ce n’est pas la moindre des sources, il convient de relire quasi toute l’œuvre de ML pour apprécier (et comprendre) ses livres, dans la mesure où l’histoire de ADV est aussi bien explicitée dans sa longue lettre à son éditeur Jonathan Cape « Merci infiniment » (LJC), reprise dans « Sombre comme la tombe où repose mon ami » (SCT), ses ennuis littéraires dans « En route vers l’île de Gabriola » et sa vision du paradis dans « Ecoute notre voix, O Seigneur ». C’est donc ce que j’ai fait, ce qui veut dire relire le quelque millier de pages de l’édition de la Pochotèque, y rajoutant « La Mordida » et m’efforçant de revenir aux originaux quand il y avait un problème quelconque. Cela m’a pris un peu plus de 6 semaines, y compris des moments pendant lesquels j’ai fait (ou lu) autre chose. Il est vrai que dans sa lettre à son éditeur « D’ailleurs les poèmes ne doivent ils pas être lus plusieurs fois avant que leur sens ne se manifeste pleinement et n’explose dans l’esprit ? » (JCA 409). Je n’avais pas encore tenté ce genre d’exercice. Cela prend un temps certain, mais permet finalement de découvrir des à cotés de l’auteur qu’une première lecture ne permet pas de voir. C’est finalement une intéressante approche. Si j’avais un peu plus de courage, (ou si j’y étais un tant soit peu poussé ou incité), je m’attaquerais volontiers à « Ulysse » ou mieux à « Finnegans’ Wake » (d’ailleurs croisé au cours de ce travail).
Enfin, et c’est une très heureuse coïncidence, il se trouve que j’ai eu l’occasion, pendant ces lectures, de séjourner à Valparaiso, Chili. Bien entendu, ce n’est ni Cuernavaca, ni même le Mexique, mais tout y est. Les collines, séparées par une barranca dans laquelle on jette toute sorte de détritus ; les cantinas, en nombre, pleines de toute sorte d’individus, y compris anglais en mal de leur pays ou arrivés (et oubliés) au gré des navires en escale (il y même à Valparaiso, sur le Cerro Concepcion, une cathédrale anglaise (sans clocher ni cloches pour ne pas faire concurrence); des alcools divers et variés, rhum, pisco, et autres « traine-la-patte » ; la langue bien sûr, et la distinction entre américains (gringos) et autres (« nosotros no somos americanos ricos… ». Manquent les volcans (quoique…), mais les tremblements de terre et tsunamis (terremoto y maremoto) remplissent bien leur rôles (et mon attention). Enfin l’Aconcagua (quasi 7000 m), qui domine Santiago et ses montagnes avoisinantes (3000 m), fait largement office de pendant au Popocatepetl et à sa compagne l’Ixtaccíhuatl. Personnellement, je garderai le nom de Popocatepetl, et non celui de Popeye comme le fait le Consul (c’est somme toute lui faire bien trop peu de respect).

La Kabbale tout d’abord, quoique il n’est pas question de faire une exégèse complète du Zohar (le Livre de la Splendeur), du Yetzirazh (le Livre de la Création) ainsi que du Bahir (le Livre de la Clarté) et Hasidim (le Livre des Dévots). Ces deux derniers sont du XII siècle. (Allez voir votre libraire préféré, Rue du Pont Mouja, il doit bien avoir tout cela en stock).
A l’origine, c’est la « Loi orale et secrète », en même temps que la « Loi écrite et publique » (la Torah), données par Yahveh (YHWH) à Moïse au Mont Sinaï. Ce n’est donc pas un dogme sensu stricto, mais c’est plutôt un état d'esprit, voire un courant à l'intérieur du judaïsme. C’est surtout un outil d'aide à la compréhension du monde. Pour cela, elle incite à modifier notre perception du monde avant de proposer des réponses à l'origine de l'univers, au rôle de l'homme et son devenir. Une définition plus large assigne à la Kabbale les courants ésotériques successifs développés depuis la période du second Temple, c'est-à-dire en gros 538 av JC (l’exil de Babylone). La kabbale se répand surtout après 1492, date de l'expulsion des juifs d'Espagne, dans le bassin méditerranéen et dans toute l'Europe occidentale. Les espérances messianiques, à la base des spéculations mystiques, et surtout l'influence de Maimonide (« le Guide des égarés »), qui tente une approche plus rationaliste des traditions mystiques anciennes, ont incité les kabbalistes à écrire, diffuser et enseigner ces pensées, jusqu'alors réservées aux seuls initiés.
La Kabbale postule l'idée d'un Etre Infini (Ein Sof), transcendant et insaisissable, et l’émanation de cet Etre par ses puissances constitutives (les Sefiroth) qui s'activent à créer le monde, à révéler la Loi qui règle ce monde (la Torah), à racheter ceux qui aiment et appliquent cette Loi (Le Peuple Juif élu).
Pour cela, la Kabbale propose un diagramme synthétique : l'Arbre de la Vie ou des Sephiroth et un Arbre de Mort ou Qliphoth. (Attention ça va devenir technique, et on va y retrouver ML (d’ailleurs ces notions sont introduites dans le chapitre 1 de ADV).
Les Sephiroth (une sephirah, des sephiroth), « émanations » ou « nombres », au nombre de 10, sont schématisées par des cercles placés sur un hexagone auquel est accolé un triangle équilatéral et son centre de gravité. Ces 10 figures sont en fait les 10 nombres, numérotés de haut en bas (de Kether tout en haut, le 1) à Malkuth (tout en bas, le 10) (on retrouve 2 de ces Sephiroth, Binah (3) et Chesed (4) dans ADV, 78, soit vers la fin du premier chapitre). Donc l’Arbre de Vie représente la structure de l'homme et de l'univers, symbolisant les forces à l'œuvre dans les voiles placés entre l'homme et la connaissance pure, et les interactions entre ces forces. Ces interactions sont schématisées par les voies qui relient entre eux les Sephiroth. Elles sont au nombre de 22 en tout, soit les lettres de l’alphabet hébreu, soit aussi les 22 arcanes du tarot. Les chemins ne sont pas discontinus, et de plus les 10 Sephiroth en font partie, il y a donc en tout 32 sentiers. Ces sentiers sont perçus comme des voies de communication ou canaux, introduisant une notion d’écoulement dans l’Arbre de vie, ou flux qui alimente notre existence. De même que les Sephiroth sont numérotées, les sentiers ont aussi leur numérotation, allant donc au total de 1 à 32. Un parcours rapide de ces sentiers allant du haut en bas (Kether à Malkuth) est représenté par l’éclair fulgurant (on retrouve cet éclair un peu partout dans ADV).
Naturellement, s’il y a un arbre de vie, il existe aussi un arbre de mort avec les 10 Qliphoth (ou Sephiroth inversés). Les Qliphoth, (soit « écorces » ou « coquilles »), se réfèrent aux forces du mal ou aux impuretés de la matière lors de la Création. Elles représenteraient donc le côté instinctuel, lunaire et féminin associé à Lilith, Celle Sans Visage. Elles sont reliées entre elles par les tunnels de Set, inversions des Sentiers de l’Arbre de Vie. Le monde du mal est un monde symétrique, dont l’homme porte la responsabilité, via la faute d’Adam, le premier homme. Cette faute conduit à la rupture du système harmonieux des Sephiroth. Le mystique a donc la tâche de réunifier l’unité perdue et de renvoyer les forces divines à leur source unique. Pour cela, l’âme, d’origine divine, doit retrouver son unité première (avant d’être chassé de l’Eden), lorsqu’elle s’est séparée, en deux parties différenciées sexuellement. Cette réalisation ne peut se faire que grâce aux retrouvailles des parties masculine et féminine séparées, lorsque l'homme est uni en permanence à la Shekhinah (la Présence). D'où la quête de « l'âme sœur », un sujet de prédilection dans les écrits des kabbalistes. (Et là on retrouve la dualité du couple Yvonne et le Consul, qui ne cesse de se faire et défaire). Ce thème est à rapprocher du mythe de l'androgyne primordial (voir la philosophie platonicienne) où tout être avait en lui les principes masculin et féminin.
A la base de toute cette faune kabbalistique, il y a Aleister Crowley. Son père, riche brasseur anglais fait partie des Darbystes, ou Frères de Plymouth, une secte protestante, intransigeante et rigoriste, ne croyant qu’à la vérité littérale absolue de la Bible. Il sombre donc très tôt dans l’occultisme avec l’Apocalypse comme lecture favorite. Le jeune Aleister ne retient de ce livre que les passages sanglants, la grande Bête à Sept Têtes et Dix Cornes hante ses nuits ainsi que le mystère du Nombre de la Bête 666 «La Bête de l'Apocalypse ». Il effectue également des rencontres avec d’autres fervents, comme Julian C. Baker. Résultat de ces diverses rencontres, hantises et lectures, il est initié en 1898 aux rites secrets de « The Order of the Golden Dawn of the Outer » (l'Ordre de l'Aube d'Or à l'Extérieur). Cette société d'occultisme, ou Golden Dawn, étudie la plus haute magie pratique. Elle inclue hommes et femmes, mais chacun s'engage, sous serment, à garder secret l'enseignement communiqué. Les deux sources essentielles des rituels sont « La Monade Hiéroglyphique » de John Dee et « Le Livre d'Abramelin » écrit par Abramelin le Mage vers 1350, qui prétendait détenir son savoir des anges, qui lui auraient appris la manière d'invoquer et d'asservir les démons.
En fait ce n’est pas tant Crowley qui va influencer ML, mais un de ses disciples Charles Stansfeld Jones, plus connu sous le nom de Frater Achad, auteur de « Passage de l'Æon Ancien à l'Æon Nouveau ». Il a également signé des œuvres sous divers noms, tels Adeptus Minor ou Tantalus Leucocephalus. (Il va falloir que j’en parle à Jean Bernard pour changer le nom de sa librairie). Il devient « enfant magique » de Alistair Crowley, avant de devenir le Grand Trésorier Général de l’Ordre. Naturellement, ils se fâchèrent à propos de la gestion des fonds, d’où expulsion de CSJ en 36. C’est dans la cabane de Dollarton, BC, Canada (Eridanus dans les bouquins de ML) que la rencontre va se faire entre ML et « Ce Gallois de haute taille, au teint cadavérique, Charles Stansfeld-Jones ». Une curiosité de ML, puis une amitié va se lier entre le couple de ML et Margerie, sa seconde femme, et ce voisin, Stan. On doit à ce dernier une phrase qui synthétise cette période féconde : « La vie est une lumière entre deux obscurités ». On pense que c’est lui qui introduira la Kabbale auprès de ML (quoique celui-ci soit déjà familier de cette approche, via Baudelaire).

Conrad P. Aiken, auteur américain, prix Pulitzer en 30 pour une sélection de poèmes, peu connu en France où deux titres seulement ont été traduits : «Au-dessus de l'abysse » (94, Mercure de France, 454 p.) et « Un cœur pour les dieux du Mexique » (91, La Table Ronde, 174 p.) malgré une cinquantaine de titres édités. A signaler une « autobiographie narrative » « Ushant : an essay ». Il y raconte sa découverte de ses deux parents, suicidés par le père, lorsqu’il avait 11 ans. Evidement, une telle expérience peut marquer le gamin qu’il était et influer par la suite sur ses œuvres. Il nous y informe aussi de sa rencontre avec ML (et T.S. Eliot).
Dans «Au-dessus de l'abysse », le dramaturge américain William Demarest s'embarque à bord d'un paquebot pour retrouver Cynthia Battiloro, la femme (idéale) qu’il idéalise. La traversée de l'Atlantique de New York à Londres sert de cadre au récit durant 8 chapitres. Unité de lieu et de durée. De fait, le titre original « Blue Voyage » ne correspond pas à sa traduction, qui fait plus référence à « En dessous du volcan ».
Ce voyage est en quelque sorte un voyage sans espoir, ne serait ce que par la différence de milieux dans lesquels évoluent William et Cynthia. On n’en retiendra que le fait que ces deux personnages voyagent en fait sur le même bateau (coïncidence) mais l’un est en seconde tandis que la seconde est en première. Une excursion (interdite) un soir les fait se rencontrer par hasard. L’avant dernier chapitre 7 est d’ailleurs une suite de 5 lettres de plus en plus courtes, de non envoyée à non écrite, à Cynthia. On se demande en fait de quelle sorte de sentiments partagent ces deux là. Le livre s’achève sur une liaison entre William et une garçonne (Miss Faubion) qui a aguiché tous les males des secondes. Le livre est quelque peu ennuyeux à lire. Sur les 454 pages, les deux chapitres centraux forment un pavé indigeste de près de 170 pages pendant lesquelles on a droit à un monologue intérieur et un dialogue entrecoupé de conversations diverses d’autres passagers. Le chapitre 4 (102 p.); contient ce monologue assez surprenant. On y croise Goya dans Portobello Road « Goya dessina un cochon sur un mur…. Goya vit la Grande Salope cueillir les marionnettes humaines qui piaillaient comme des moineaux » , « A son réveil prit le luth de sa dame ; son cœur était en grand émoi ; et dans les plus tendres accords ; joua une ancienne chanson ; tue depuis fort longtemps ; et qu’en Provence on appelle la belle sans merci ». Tout cela parce que William dort dans la cabine voisine de cette mystérieuse et envoutante Miss Faubion. (et pourtant, on ne manque pas de seaux d’eau sur un bateau). D’autres passages sont un peu du même tonneau « Mon père sifflait la Lorelei au chat ; il prétendait que la Lorelei, sifflée lentement, rendait les chats furieux » (A essayer chez vous si vous savez siffler). On y retrouve également quelques éléments de bibliographie « Le Docteur Kiernan affirma qu’à son arrivée à 7 heures 13, il y avait encore une lueur de vie » (référence claire à la découverte macabre de ses parents).
Bref un voyage (initiatique ? je ne crois pas) ou plutôt la recherche (désespérée ?) d’un amour ( ??), non pas impossible, mais irréaliste (Yvonne et le consul ?).
Le second roman traduit en français, « Un cœur pour les dieux du Mexique » raconte l’errance en train, de Boston jusqu’à Mexico de trois personnages au bout de leur destin. Il s’agit d’une femme (Noni) qui sait qu’elle va mourir, et de deux hommes (Gil et Blomberg), chacun aimant la femme à sa manière. Un quatrième personnage (Hambo) fait son apparition, à la fin du livre (chapitres 4 et 5) et à Cuernavaca (c’est une façon de voir). Parmi ce personnage de Hambo, flanqué d’un couple indien (Pablo et Josefina) qui ne cesse de boire, l’un d’entre eux ne serait, parait-il, autre que ML. On retrouve bien sûr d’autres aspects caractéristiques du volcan : l’endroit Cuernavaca et sa barranca, les éclairs et les chiens à demi estropiés, le sang et la mort (celle de Noni).

Nordahl Grieg, auteur norvégien dont ML disait dans une lettre « La majeure partie d’Ultramarine n’est que paraphrase, plagiat ou pastiche de votre œuvre ». Son seul roman traduit en français « Le navire poursuit sa route », (08, Ed. Les fondeurs de briques, 176 p.) (merci encore aux Fondeurs de briques).
Le livre : Benjamin Hall (en fait l’auteur) a embarqué comme simple matelot sur un cargo « Le Mignon » (cf l’épisode où ML embarque sur son rafiot « Œudipus Tyrannus », amené par son père, riche cotonnier de Liverpool, en Rolls au pied de l’échelle de coupée, sous le regard goguenard des autres matelots). On y trouve tout, des rixes entre marins, les furieuses bordées, l’oubli, les MST. « Car des hommes nouveaux comblent vite les places libres, grimpent dans les couchettes vides et rencontrent les mêmes femmes que ceux qui sont partis et dont le nom est déjà oublié ». Ce livre est dans la suite de « Lord Jim » de Joseph Conrad, de « Deux Années sur le gaillard d’avant » de Richard Henry Dana et de « Redburn » de Herman Melville. Il annonce « Le Vaisseau des morts » de B. Traven. On découvre en plus une relation étonnante que ML a entretenue avec Nordahl Grieg. ML a tenu a le rencontrer avant de commencer vraiment à écrire. En fait, ML a adapté « Le navire poursuit sa route » pour le théâtre après avoir vécu des aventures similaires et par la suite, il s’est complètement identifié au héros du Navire au point d’être « jeté dans de vrais troubles psychiques ». Il en fit un roman, « In Ballast to the White Sea », disparu dans l’incendie de sa maison (cf les épisodes de « l’ile de Gabriola » ou RIG). C’est l’histoire d’un étudiant qui veut écrire mais ne peut pas le faire, car ce livre existe déjà.

Les compagnes successives de ML ont aussi eu une certaine influence, puisqu’on les rencontre sous des noms divers dans ses œuvres, soit Jan Gabriel, tout d’abord et Margerie Bonner ensuite.
Jan Gabriel est la première épouse de ML (34-37), mais ils divorcent officiellement en 40. Leur union est pour le moins tumultueuse. Le couple se forme à Grenade, en Espagne, puisse séparent une première fois pour éthylisme en 33, se revoient et ils rentrent en France où ils se marient en 34. Ils partent ensuite à New York. Episode pendant lequel ML fait un séjour de désintoxication au Bellevue Hospital, qui sera à l’origine de « Lunar Caustic », puis ensuite ils gagnent Holywood, où ML fait ses premières armes d’écrivain. En 36 ils partent au Mexique, et s’installent à Cuernavaca, avec l’espoir de sauver, si tant est, leur mariage. Occasion ratée, puisqu’en 37, Jan quitte le Mexique, laissant ML seul, cette fois à Oaxaca, jusqu’à ce qu’il soit expulsé vers le Canada, pour éthylisme aggravé en 39. L’année suivante voit le divorce prononcé. Jan a servi de modèle au personnage d’Yvonne. Un livre est sorti récemment, sorte de mémoires posthumes « Inside the Volcano : My life with Malcolm Lowry » (00, Palgrave Macmillan, 240p). Jan raconte dans son bouquin ses débuts de vie en France avec 4-5 mots de français, et son budget de 2 dollars par jour.

Margerie Bonner est une petite actrice à Holywood. Née en 05 sous le nom de Marjorie Bonner, elle quitte le domicile en 14 pour gagner Holywood. Le 7 juin 38, au carrefour de Hollywood Boulevard et de Western Avenue, elle rencontre ML. Ils se marient en 40 et partent s’installer en Colombie Britannique, au Canada. Ce sera l’épisode de Dollarton (transformé en Eridanus dans « En route pour l’Ile de Gabriola »), au nord de Vancouver. C’est aussi l’épisode de la vie en cabane, plus ou moins en tant que squatters, et l’incendie de ladite cabane (avec destruction de manuscrits). Période un peu de repos pour ML, pendant que Marjorie écrit des scripts pour la radio et deux petits bouquins de nouvelles (« Last twist of the knife » et « The shapes that creep »). On lui doit une relecture et un travail éditorial important (jusqu’à quel point ce fut une ré-écriture ??) sur les ouvrages de ML postérieurs à sa disparition. Le couple écrit également un script « Tender is the night » de 455 pages, adapté de l’ouvrage éponyme de F. Scott Fitzgerald, qui ne semble pas avoir été plus loin que l’écriture. Il est cependant édité au Canada par M Mota et P Tiesen (90, « The Cinema of Malcolm Lowry: A Scholarly Edition of Lowry's “Tender is the Night”», UBC Press, 276 p.). Elle persuade ML de retourner en Angleterre, et en 55 ils regagnent le Sussex, 2 ans avant la mort de ML. C’est elle qui éditera « Sombre comme la tombe où repose un ami » (70, Denoël, 300 p.) et des poèmes de ML (05, Denoël, 294 p.).

Deux autres personnages importants dans la vie de ML : un anglais, Paul Leonard Charles Fitte, et un mexicain Juan Fernando Marquez. Ils n’ont pas de relation directe avec la vie de ML et du couple, mais ils apparaissent et rythment quelquefois ses livres. Le premier, Paul Fitte, était étudiant à St. Catharine's College, Cambridge avec ML (29-32). Ils ont commencé à boire ensemble, jusqu’à une sorte de pari stupide, ou de provocation de la part de ML. Paul se suicide (le 15 novembre 29) en se gazant après s’être enfermé dans une pièce hermétiquement fermée avec l’aide de ML d’ailleurs. On notera plusieurs passages où il est question de cet événement. Que ce soit le « near death experience » ou « about the death of P. » dans « La Mordida ». Dans VIG, Peter Cordwainer n’est pas exactement Paul Fitte, mais bien un de ses fantômes. Ethan se souvient du 7 octobre car c’est la date anniversaire (il y a 19 ans), du suicide de son ami, Peter Cordwainer, après qu’il l’ait encouragé à le faire « go ahead (Va de l’avant) » (RIG 233). La différence réside entre le gaz et la corde. Une grande scène d’explication avec Jacqueline « Ethan, tu n’avais que dix-neuf an, un gosse. Tu ne vas pas remâcher ça ta vie entière » (RIG 232). Mais il faut reconnaître que la scène se passe en bateau, après que celui-ci ait dépassé Hangman’s Point (la pointe de l’homme pendu) à la sortie du port de Nanaimo, en face de l’ile de Gabriola (RIG 270, 359). Les deux personnages de ML et Paul Fitte apparaissent d’ailleurs explicitement dans un livre de Charlotte Haldane sur Cambridge (« I Bring Not Peace », 32, Chatto ed, 313p) avec de notoires scènes d’ivrognerie et d’homosexualité. Le livre est par ailleurs dédicacé à ML.
L’anniversaire de Paul est le 27 juin. Curieusement on retrouve cette date éparse dans les œuvres de ML. C’est tout d’abord celle de la mort de ML par overdose médicamenteuse et alcool (suicide ?, suicide induit par Margerie, comme cela a pu être évoqué ?, mais jamais prouvé), le 27 juin 57. C’est aussi une date que l’on retrouve dans la première nouvelle « Brave Petit Bateau » dans « Ecoute notre voix, O Seigneur » (ENV) dans laquelle Sigurd Storlesen, un petit garçon de 10 ans lance une bouteille à la mer de Cape Flattery, WA, le point le plus au nord-ouest des USA, le 27 juin 22 et qui sera finalement trouvée à marée basse par Astrid, une jeune fille de 7 ans le 27 juin 51 à Stanley Park, Vancouver, soit à 200 km de son point de départ (BPB 723). C’est ainsi qu’ils firent connaissance et qu’ils trouvent « l’un des vingt et un chemins qui mènent à l’Eden » (LSS 959) (les 21 chemins font de toute évidence référence à l’Arbre de Vie). La date de l’anniversaire de son suicide (15 novembre) se retrouve également dans « La Traversée du Panama ». En effet celle-ci se déroule du 7 novembre 47 avec départ de Cape Flattery pour se terminer en principe à Rotterdam, après avoir déposé le couple Wilderness à Bishop Light le 17 décembre. « Signification de notre départ, le 7…La date véritablement fatale de Martin Trumbaugh est le 15 novembre. » (TPA 734). Entre temps, le bateau a fait escale, « quittant Los Angeles le 15 novembre » (TPA 803). Ce jour là « Nous avons un nouveau passager. Son nom ? Charon, Bien entendu » (TPA 739) « Quant à M. Charon, il est là aussi » (TPA 739).
Le second personnage, Juan Fernando Marquez que ML a rencontré lors de son séjour à Oaxaca en 36-38, sert de modèle au Dr Vigil et aussi à Juan Cerillo dans ATV. Il devient Fernando Atonalzin (c’est peut être son vrai nom) dans l’essai « Garden of Etla », Fernando dans « La Mordida » et Juan Fernando dans SCT. C’est en fait la fin du livre où Sigbjørn et Primrose découvrent que Fernando est mort. Le personnage est tiré d’un employé de la Banque Populaire Ejidal, un indien zapothèque, compagnon de mescal (à la cantina El Farolito) et avec qui ML a été à Parian (que l’on retrouve dans ATV). Lors de leur second voyage au Mexique (SCT) ML et Primrose partent à la recherche de Juan Fernando, pour apprendre que celui-ci a été tué de six coups de feu six ans auparavant dans un bistrot de Villahermosa. « Le Dr Vigil est mort, comme le Consul. », « Fernando est enterré à Villahermosa. Assassiné. Il a bu trop de mescal. Whiky messicain » (TPA, 741) L’implication de Juan Fernando dans la réforme agraire du Mexique sous le gouvernement Cardenas est évident. En effet son travail consistait à transporter à cheval des sommes d'argent destinées aux fermiers dispersés dans la région. Cela en fait pour ML un modèle « d’idéal de l’humanité » et « Murio a Villahermosa » (SCT, 547), ce qui termine ce livre (SCT).

Des différentes critiques, en français, anglais ou espagnol, on retiendra le très remarquable travail de Chris Ackerley (Univ. d’Otago, NZ) et la biblio-critique de Christine Pagnoulle. On peut oublier sans peine les rencontres de Fontevraud. A vrai dire j’ai été très déçu par ce livre récemment sorti. Deux parties, l’une critique (140 p), et la seconde (146 p) proposant des textes soit disant pour honorer ML et quelques pages de notes bibliographiques. Le public : des écrivains actuels, aussi divers que Mathias Enard, Pierre Michon, Jacques Darras, Rodrigo Fresan, Maurice Nadeau, Olivier Rolin, Jean-Marie Blas de Roblès ou Nicole Caligaris. Je n’ai rien contre eux, en particulier, certains écrivent même bien. J’ignorais cependant qu’ils fussent lecteurs et admirateurs de ML (Nobody is perfect). Ce qu’il y a de surprenant dans ces entretiens, c’est que parfois, lorsque le discours est intéressant (et quelquefois fondé, cf celui sur la Kabbale), le meneur coupe la parole pour passer à des propos de salon. (On reconnait bien là une méthode franco-française d’animer les débats). Et pourtant Maurice Nadeau avait des choses à dire, lui qui a édité ML, où Jacques Darras, qui l’a re-traduit.

Bien, maintenant que les bases sont plus ou moins posées, on peut passer à l’analyse de ADV, mais en fait c’est toute l’œuvre de ML qu’il faut considérer, à travers ces sources. D’elles, je retiendrai plus particulièrement trois tendances que l’on va ensuite retrouver dispersées dans les différents ouvrages de ML. Ce sera tout d’abord l’initiation à la mer et la rupture avec le milieu traditionnel (essentiellement basée sur N Grieg). Ensuite je distinguerai la source kabbalistique, avec l’opposition masculin – féminin, ses rencontres et séparations. (La source en est principalement la Kabbale, mais aussi l’histoire personnelle de ML et de ses mariages successifs). Finalement, on retiendra l’introspection à la manière de Aiken avec la recherche de l’idéalisme. Je dirais donc plutôt un examen de l’œuvre de ML à travers trois filtres. (Je l’ai déjà indiqué pour certaines références implicites).
La mer est souvent présente dans l’œuvre de ML, soit par sa présence physique (dans « Ultramarine » par exemple, soit par l’intermédiaire de bateaux ou de marins (« La traversée du Panama »), soit en habitant de la côte (« En route pour l’ile de Gabriola »). La mer, c’est le symbole même du mouvement perpétuel, celui qui ne s’arrête jamais. Pour ce qui est d’ « Ultramarine », la source est claire, et indiquée par ML lui-même (cf supra l’extrait de la lettre qu’il adresse à Nordahl Grieg où il revendique le plagiat et la copie). Pourtant ML sait de quoi il parle, avec son passé d’engagé volontaire à 17 ans sur un bateau partant pour l’Extrême Orient. Univers de marins sur des bateaux rouillés et hors d’âge. « Le bateau t’adoptera si tu le mérites ». Dana Hilliot de « Ultramarine », le marin sans nom de « Chambre d’hôtel à Chartres » dans « Le Garde-Fantome », le Sigbjörn Wilderness de « Sombre comme la tombe où repose mon ami ». On retiendra tout de même que l’ame-sœur de Dana Hilliot s’appelle Janet (une référence à Jan ?). On retrouve cette vie errante et pleine d’aventures, mais aussi de souffrances et de mauvaises conditions de vie dans les nombreux poèmes de la période avant le Canada (33-39) (cf « Le phare appelle à lui la tempête » (05, Points Seuil, 182 p.) et « Poésies Complètes » (05, Denoël, 294 p.). Ces poèmes ne sont pas toujours de la meilleure facture. On n’en retiendra que les scènes d’errance. On retrouve bien sur les scènes de bateau dans « Ecoute notre voix, O Seigneur » avec les nouvelles « Brave petit Bateau », « Eléphant et Colisée » et « La traversée du Panama ». Dans cette dernière nouvelle, ML émet une comparaison hasardeuse, partant du SS Diderot sur lequel voyage Sigbjørn pour en arriver à lui. Donc le point de départ est ce Liberty Ship « fabriqué en quarante-huit heures par des marchands de machines à laver » et en arrive à lui « Et moi alors ? Fabriqué par un courtier en coton en moins de cinq minutes. Cinq secondes peut être ? ». Si ce n’est le bateau lui-même, ce sont les bruits qui en découlent, d’où le lancinant « Frère Jacques » (« bruit des machines de navire et de l’éternité »que ‘on retrouve dans les titres qui viennent d’être cités. Dans « La traversée du Panama », il est repris plus de 25 fois sous une forme ou sous une autre, et ce sont les diverses modifications qui en font l’importance. Ces transformations incluent aussi « Frère Jacques. Frère Jacques Laruelle » (TPA, 740).C’est aussi l’épisode, moins glorieux, du bateau du Consul, le Samaritain, (navire-marchand ou navire de guerre ?) qui capture un sous-marin allemand et dont les officiers ont disparu en fumée dans les chaudières du bateau.
Le Paradis apparait comme étant essentiellement situé auprès de la mer. C’est Eridanus (ou de son vrai nom Dollarton) en Brithish Columbia, où les Lowry squattent une cabane. En cherchant bien, il y a bien un Dollarton, quartier dans le North Vancouver, dans lequel existe une Lowry Lane, où une plaque commémore le passage de ML. Mais les arbres ont disparu, si ce n’est dans un parc de pins, Cates Park, et les cabanes sont maintenant des villas, avec jetée, bien sûr, mais c’est pour y accoster et non plus en plonger comme le font Ethan et Jacqueline dans RIG « Ethan plongea, cheville foulée et tout, Jacqueline le suivit dans la vaste roue turquoise. Ils en émergèrent rénovés. Nés une nouvelle fois. Pour cinq minutes au moins. ». Il est bien plus probable que cet Eridanus soit situé dans l’ile de Gabriola elle-même (ou alors tout cela a bien changé en 50 ans, ce qui est fort possible). C’est encore cette partie du Pacifique qui sous tend « Brave Petit Bateau » et la romance idyllique de Sigurd et Astrid. C’est Nantucket dans « Eléphant et Colisée » (vague réminiscence de Herman Melville et de « Moby Dick ». Ce paradis perdu, du moins celui retrouvé en Colombie Britannique se situe tout naturellement sous le Mont Ararat des Indiens Squamish qui les domine. Et que Ethan précise « à ne pas confondre, songea Ethan, avec l’Ararat (et non pas Arafat, comme la coquille dans RIG le sou entend) au sommet duquel, à en croire la légende musulmane, Adam et Eve se rencontrèrent après leur éviction du Paradis » (RIG 59-60).

ML projetait d’écrire une longue trilogie, quelque peu calquée sur « La Divine Comédie » de Dante, dont le volume ADV représenterait l’Enfer, et la partie canadienne (RIG) le Paradis. Un autre volume « In Ballast to the White Sea » (BWS), d’environ un millier de pages dactylographiées ou écrites à la main, a lui été perdu dans un incendie au Canada. Un ouvrage demeure apparemment inédit à ce jour « The Ordeal of Sigbjørn Wilderness » (le supplice de Sigbjørn Wilderness) (OSW). J’ai eu du mal à en trouver trace. Une édition américaine fait état d’une autre œuvre non traduite à ma connaissance « La Mordida », (96, Patrick A. McCarthy (éd.), The University of Georgia Press, Athens, 424 p). Le plan global de cet ouvrage « The Voyage that never ends » aurait du avoir le schéma suivant. « L’œuvre destinée à s’intituler le « Voyage sans fin » ne devrait pas comporter trois, mais six livres avec « la Vallée » au milieu » (TPA, 744). (La Vallée de l’ombre de la mort étant l’équivalent de ADV).

Le Supplice de Sigbjørn Wilderness 1 partie
Nouvelle maritime (Ultramarine ? Panama)
Le Caustique Lunaire le Purgatoire
Sous le volcan le centre l’Enfer
Sombre est la tombe où repose mon ami trilogie
Eridanus (Gabriola, In Ballast to the White Sea) le Paradis
Le sentier de la source
La Mordida
Le Supplice de Sigbjørn Wilderness 2 partie

Il est vrai qu’une première version (cf la lettre de ML à son éditeur, JCA) « Je conçus le projet d’écrire une trilogie qui s’appellerait « Le Voyage qui ne finit jamais » que je destinais à votre maison d’édition, le « Volcan » constituant la première partie ou l’Enfer, « Caustique lunaire » en version augmentée la seconde ou Purgatoire, et un énorme roman auquel j’étais en train de travailler « In ballast to the White Sea » la troisième ou Paradis » (JCA 412). On voit que le plan a évolué entre 46 et 54, y compris dans son ordonnancement.
Ce qu’il reste du Voyage tel qu’on le trouve dans le livre de The New York Review of Books n’est qu’une pale introduction (des extraits) à ce qui aurait du être l’œuvre de ML. Enfin un court essai « Garden of Etla » a été publié par United Nations World p. 45-47, en juin 1950. ML y fait l’éloge du Mexique et de ses habitants.
Pour revenir à « La Mordida », ce volume raconte le voyage au Mexique de ML et de sa seconde épouse, Marjorie de fin novembre 45 à Mai 46. Il raconte les déboires encourus par le couple, au sujet d’une amende impayée par ML lors d’un précédent séjour (36-38), à la suite duquel il s’est vu expulsé du pays pour éthylisme. Le couple en fait retrace les aventures de Sigbjørn Wilderness (Martin Trumbaugh dans une première version) et de Primrose. Une longue lettre de ML (25 p) sert d’introduction au livre, dans laquelle ML expose ses arguments (propos d’ivrogne, dira t’on). Il semble bien que ces tracasseries administratives et policières soient plus une occasion de soutirer de l’argent à ces deux touristes américains et anglais (« nosotros no somos americanos ricos….. »). Le couple part donc du Canda le 28 novembre 45, s’arrête à Los Angeles et arrive à Cuernavaca le 12 Décembre 45. Ces dates sont importantes, car c’est le moment (01 janvier 46) où ML apprend que ATV est plus ou moins (plutôt moins que plus) accepté par son éditeur. La fameuse lettre à Jonathan Cape (02 janvier 46) dans laquelle ML défend chapitre par chapitre son livre, est de Cuernavaca. Tous se passe assez bien au début jusqu’en mars 46. Le livre fait d’ailleurs place à des chapitres un peu exotiques, comme le séjour à Haiti (p. 121-139) et de Seattle à New Orleans (p. 139-168) dans lesquels figurent des articles de presse (Vancouver Sun). Ce procédé est également celui que l’on retrouve dans « La traversée du Panama ». Il pourrait s’inspirer de James Joyce, bien que ML s’en défende « I never read Ulysses through » (lettre à Jacques Barzin, 6 mai 46). On trouve également « Et en fait, il m’arrive parfois de détester Joyce» (TPA 778). Voilà ce qui est pour « Ulysse » (22), par contre « Finnegans’ Wake » est contemporain de ADV (39). On retrouve quelquefois dans l’œuvre de ML un personnage nommé HCE (Here Comes Everybody) le héros universel de « Finnegans’ Wake ». HCE (Humphrey Chimpden Earwicker), le père dans la famille Earwicker ne cesse de renaître à la suite d'innombrables mutations (Adam, le roi Marc, le géant Finn, le soleil, Cronos, Osiris, etc.) qui lui font revivre le destin de l'humanité jusqu'à devenir Dieu, ainsi que sa femme ALP (Anna Livia Plurabelle), sa part d'ombre et de sommeil Le reste de la famille Earwicker comprend le fleuve Liffey, qui coule à Dublin, dont les deux rives ne sont autres que Shem (l’écrivain) et Shaun (le postier), les fils jumeaux d'ALP et HCE, et de Issy (ou Iseult), la fille souvent avec son double.
On retrouve aussi cette mer sous forme de tempête que l’on voit dans TPA durer du 10 au 12 décembre, juste avant que Sigbjørn et Primrose arrivent en Angleterre. Elle est aussi dans le livre que Sigbjørn écrit (« la Vallée de l’Ombre de la Mort ») dans lequel le personnage n’est autre que Martin Trumbaugh, (nouvelle version de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme). Evidemment, cela ne vaut pas l’orage dans « Lunar Caustic » ou Bill Plantagenet se remémore la scène, toujours en bateau, cette fois sur le Providence qui transporte « son chargement de bêtes sauvages. Il n’y avait pas que des lions, mais aussi des éléphants, des tigres, des jaguars, tous destinés à un zoo » (TPA 823). cela ne vaut pas non plus la scène dans « Eléphant et Colisée » dans laquelle Kennish Drumgold Cosnahan raconte son expérience comme charpentier sur « l’Arche en provenance de Singapour » en 27, avec un « chargement mentionné comme animaux sauvages hétéroclites » (EC 865). Naturellement, tout rentre dans l’ordre, et lorsque la tempête s’apaise, un albatros apparaît. « L’aube, et puis un albatros, oiseau du ciel, plane à l’arrière » (TPA, 803). On retrouve naturellement l’albatros quand le ferry approche de Gabriola (RIG 322)
Une autre particularité, essentiellement dans « La Traversée du Panama », mais aussi dans « le Volcan » et dans « Gabriola » est le niveau d’interconnexion des différents livres. J’ai déjà mentionné que dans TPA, ML écrit sur Sigjbørn qui lui-même écrit sur Martin Trumbaugh. Ce qui fait qu’on ne sait plus bien qui est qui ‘ « je ne suis pas moi » (TPA 744). On note également une étonnante description des différents oiseaux rencontrés (puffins, mouettes, pétrel, oiseaux frégates, tourterelle, condor et particulièrement albatros). On retrouve ce dernier en tant que porte bonheur et secours des marins noyés en mer (TPA 737), ou espèce à protéger (« qui met à mort l’albatros aura malheur et peine atroce » (TPA 737) mais aussi comme oiseau qui s’auto-dévore (« l’insatiable albatros de l’être » (TPA 735). C’est également cet oiseau qui indique la fin de la tempête et termine la traversée. Par évidence on retrouve « Le Dit du Vieux Marin » de ST Coleridge. Lequel s’était déjà signalé tout au long de la nouvelle, voire même en signant des notes de bord (TPA 756) (on retrouve de même William Carlos Williams sous les traits de Wilderness Carmo Wilderness (TPA 757).
Dans « En route vers l‘ile de Gabriola » Ethan Lleweyllen, ancien avocat en retraite, et sa femme Jacqueline, rencontrée en 38 à Toronto, viennent de perdre leur maison à Niagara on the Lake, Ontario, dans un incendie qui rappelle celui qui va arriver à la cabane de Eridanus.
Dans « Gin et verges d’or » (GVO, 895) où l’on retrouve le couple de Sigbjørn et Primrose, il s’agit d’une vieille dette à régler avec un contrebandier d’alcool. D’où une expédition vers la ville, Moloch (la bien nommée) qui réveille les phobies de Sigbjørn. Lequel s’en sort finalement plutôt bien, devançant le retour vers un Eden en Eridanus.
« Le Sentier de la Source » (LSS, 909). Dernière nouvelle qui clôt « Ecoute notre voix, O Seigneur ». Retour ou arrivée au Paradis et à la paix retrouvée à Eridanus, entre voisins, squatteurs. Le narrateur est anonyme, mais on sait qu’il a une femme avec laquelle il vit amoureusement. S’agit il de Sigurd et Astrid ? On ne le saura point. On sait cependant que c’est un ancien musicien de jazz qui compose et se reconvertit dans l’écriture et la menuiserie (je n’ai pas dit langue de bois). On y trouve Kristbjorg le danois, Quaggan le constructeur de bateaux et Mauger que le groupe va enterrer. « Un fragment de l’unique chemin reliant entre elles, à travers la forêt, les maisons d’Eridanus et, à marée haute, à moins de s’y rendre par bateau, le seul moyen de visiter les voisins » (LSS, 910). On retrouve aussi les animaux sauvages, ici un couguar. Mais son opposition avec l’homme se passe très calmement. A vrai dire, c’est quasiment le paradis sur terre. « Etrange, magnifique lune de miel prolongée toute une vie » (LSS 965).
C’est aussi une des rares fois où ML se laisse à évoquer la musique, le jazz bien sûr avec les classiques, comme le trompettiste Bix Beiderbecke, (LSS 942), ou le violiniste (un des rares en jazz à cette époqie), Joe Venuti et le guitariste Eddie Lang (LSS 941) mais aussi de choses plus classiques comme Schönberg, Berg ou Poulenc (LSS 958) et qui se termine finalement par l’évocation de Wozzeck et l’opéra. « Voilà ce que je tentai d’exprimer. Et de décrire le bonheur en termes graves et enthousiastes réservés habituellement aux catastrophes et aux tragédies. Le titre de l’opéra : « Le sentier de la source » ». (LSS 961). C’est un peu une découverte que ce ML musicien, et pourtant il ne quittait guère son ukulélé, qu’il nomme aussi taropatch (ukulélé à cordes doubles) et que l’on retrouve dans ses poèmes « L’ukulélé de Tom le Chauffeur »(P 1003) ou dans son épitaphe «from Malcolm Lowry/ late of the Bowery/ whose prose was flowery/ if somewhat glowery/ who worked nightly/ and sometimes daily/ and died, playing the ukulele » (Malcolm Lowry/ ancien de la Bowery/ avait une prose florissante/ et bien souvent glorieuse/ Il vivait la nuit, buvait le jour/ et mourut en jouant de son harmonica » (P, 1015). En fait, à cet endroit, je ne suis pas sûr que la traduction de Jacques Darras soit la meilleure qui soit, à la fois pour l’avant dernier vers et pour l’harmonica (à cordes ?). Il est surprenant que « Selected Poems of Malcolm Lowry », 62, City Lights Books, 79 p) propose une autre version de cet épitaphe (plus en accord avec la traduction de JD) « Malcolm Lowry / Late of the Bowery / His prose was flowery / And often glowery / He lived,nightly, and drank, daily, / And died playing the ukulele. ». Toujours à propos d’ukulélé, certains poémes de ML sont très clairs là dessus (cf « Le Phare appelle à lui la Tempête » (05, Seuil, 190p) (d’ailleurs acheté à Santiago). Dans « La lune en Scandinavie », les premiers cinq vers, intitulés « Ukulélé au clou » sont d’une clarté évidente : « Un jour j’ai vu un uku dans un clou / Hikopale, hikopale, hilowai, hou ! / Oolaki, walawalaki, waikapona. / Oh, mokuaweoweo ! / Hikapale, hikapale, hilowai, ah ! »

« Chambre d’hotel à Chartres » dans « Le Garde-fantome » (80, La Différence, 142 p.). Courte nouvelle (42 p.) écrite en 34, soit bien avant ADV. Tout juste avant, ML a 24 ans, il part pour l’Espagne en compagnie de C Aiken, et à Grenade, il rencontre Jan Gabrial. Rencontre-passion, le couple rentre en France, où ML sombre à nouveau. Tentative de réconciliation à Chartres. On voit déjà apparaitre la cathédrale, le restaurant Jacques, la ruelle de la Demi-Lune, qui seront à nouveau dans ADV.

De la Kabbale, je retiendrai d’une part la référence implicite (qui apparait dès le chapitre 1 de ADV), mais aussi l’antagonisme du couple qui me parait central à ADV (« entre Chesed et Binah » (ADV 78), c'est-à-dire dans le gouffre qui sépare Pitié et Compréhension. Et on replonge très vite « Le Qlipoth, plutôt » (ADV 78). « Yesod », la 9eme Sephirah figure elle aussi, avec sa signification sexuelle (ADV 126). Par la suite la Kabbale se fait plus discrète. « Ca se passait naturellement bien avant que j’apprenne à me déplacer avec l’agilité d’un singe de Saint Jacques (l’original dit St Iago) sur les échelles de la Kabbale » (ADV 119). Puis plus tard on découvre « Saturne en Capricorne » (ADV 235), lequel représente le passage de Binah à Tiphereth, les Sephiroth suivantes. On est alors dans le chapitre 7 celui qui va voir la mort d’Yvonne. Dans le chapitre suivant Yvonne et Hugh se promènent en suivant une voie « qu’ils avaient choisie le matin parmi vingt autres itinéraires » (ADV 270), rappelant ainsi les chemins internes de l’Arbre de Vie. La Kabbale réapparait curieusement dans le début de RIG (à noter que ce livre a été édité par Margerie Bonner-Lowry en 70, donc bien après la mort de ML, et de façon très discrète dans « Ecoute notre voix » avec « l’un des vingt et un chemins qui mènent à l’Eden » (LSS 959). On retrouve « le Grand Plan Universel » RIG 38), « Le chemin réciproque du Hiérophante qui influerait toujours à l’horizontale suivant l’Abysse de l’Arbre au dessous » (RIG 38), « Le chemin du Pendu qui l’exclura toujours de la voie réciproque de l’Astre ou du Verseau ou de l’Arbre mitoyen quand il est visible au dessous de Tiphereth, oui, c’est lui là-bas sur son Arbre propre… » (RIG 38) (Tiphereth est une des Sepiroth, située au centre de l’arbre de vie, et a pour signification harmonie et beauté). Bref toute une faunistique et un jargon digne de Frater Achad. On peut mettre aussi dans cette rubrique l’éternelle évocation du paradis perdu (cf les indications de la Kabbale sur la faute originelle, et la recherche de la Shekhinah qui doit rassembler les parties males et femelles).
La numérologie revient sans cesse chez ML. Il est de bon ton de rappeler que ADV se déroule pendant 12 chapitres, du 01 novembre 38 au 01 novembre 39, soit sur 12 mois, mais en fait sur 12 heures lors du jour anniversaire de la mort du Consul. Il parait donc normal que ML rappelle que « le mythe est marqué par la kabbale juive où le chiffre douze est chargé de la plus haute signification symbolique » (LJC 415). C’est également le nombre de rayons de la roue, autre symbole omniprésent sous la forme de la Roue Ferris.. Ce n’est sans rappeler les chiffres anniversaires du suicide de Paul Fitte, que ce soit le 27 juin, ou le 15 novembre dans TPA, ou le 7 octobre pour Peter Cordwainer (RIG). Ces correspondances se situent également au niveau du chiffre 7, numéro que porte le cheval qui va tuer Yvonne que l’on croise à plusieurs endroits de ADV. Il apparait dès le chapitre 4 « discerna le chiffre 7 marqué au fer sur sa croupe » (ADV 145), puis au chapitre 7 « l’arrière train portait au fer le chiffre 7 » (ADV 247) et au chapitre 11, celui de la mort d’Yvonne « Elle vit le chiffre 7 marqué au fer rouge sur l’arrière train » (ADV 365), puis enfin aperçu par le Consul dans le dernier chapitre « Impossible de se tromper sur ce chiffre 7 marqué au fer rouge sur l’arrière train » (ADV 383) et plus loin « Il aperçut le cheval attaché à quelques mètres de lui…le numéro 7 marqué au fer sur l’arrière train » (ADV 401). 7 heures, c’est aussi le début de la journée du consul au chapitre 2 (JCA 421), et c’est celle de la mort du Consul le soir au chapitre 12. « Dehors, sept coups brefs retentirent à l’horloge » (ADV 400). On peut noter que 7 est omniprésent dans la mystique juive (les hiérarchies divines, les expressions de louange de Dieu, etc). C’est également le 7, mais en juin 44, que leur maison de Niagara on the Lake brule, et avec elle le manuscrit que ML était en train d’écrire. A noter aussi que 7 + 5 = 12, c'est-à-dire les 5 personnages de ADV (Geoffrey, Yvonne, Dr Vigil, Hugh, Jacques) + 7. De façon plus anecdotique, le tarot 7 est celui du Chariot (d’Ezéchiel). C’est le premier objet nommé par le Tarot, alors que La Maison Dieu en est le dernier. Le troisième objet du Tarot, soit La Roue de Fortune, s’intercale entre les deux. Les choses nommées par le 7 ont la particularité commune d’être de chair. Encore plus anecdotique, 777 était la signature de Frater Achad, c'est-à-dire Charles Stanfeld Jones. Son maître, Aleister Crowley, avait pour signature 666, le chiffre de la Bête. La valeur « sept cent soixante-quinze et demi » (ADV, 116) déjà dans l’édition Penguin, serait une erreur. L’édition de 71 de chez Buchet/Chastel d’ailleurs fait état effectivement de « sept cent soixant-dix-sept et demi (sic) » (adv, p 88-89). Le 666 se trouve aussi sur la plaque du Dr Vigil au titre des maladies urinaires et vénériennes ( ?) « Enfermedas Secretas de Ambos Sexos, Vias Urinarias, Trastornos Sexuales, Debilidad Sexual, Derrames Nocturnos, Emisiones Prematuras, Espermatorrea, Impotencia, 666 » (ADV 381). (A ce propos, la plaque de Arturo Diaz Vigil (ADV 108) fait référence à « Medico Cirujano y Partero, Enfermedades de Ninos, Indisposiciones Nerviosas ». Comme quoi il peut y avoir loin de la coupe aux lèvres..). Enfin 57, c’est le nombre de cantinas dans ADV.
Il y a surtout les 7 livres de la bibliothèque du Consul, qui sont cités en bloc dans deux paragraphes différents du chapitre 6, dont ML dit qu’il est le centre de ADV. (ADV 209, 219). Soit « Dogme et Rituel de la Haute Magie » de Eliphas Lévi, « Goetia du Lemegaton du Roi Salomon », « Traité du Soufre » de Michall Sandivogius, « Le Triomphe Hermétique ou la Pierre Philosophale Victorieuse de Limojon » de Saint-Didier, « Les Secrets Révélés ou l’Entrée Ouverte conduisant au Palais Souterrain du Roi » de Philaletes, « Musaeum Hermeticum » et « Les Mondes Submondains ou Principes Elémentaires de la Kabbale » de l’Abbé de Villars. Tout ceci sans compter LE livre que le Consul est censé écrire « sur « Le Savoir Secret », car alors on peut toujours dire, s’il ne voit pas le jour, que le titre explique son absence » (ADV 78).

Il y a enfin le Jardin. Le jardin c’est le jardin d’Eden, le Parc de Cuernavaca (« Le gusta este jardin que es suyo ? Evite que sus hijos lo destruyan ! »), la Colombie Britannique après l’enfer de Cuernavaca. C’est le jardin saccagé du Consul. Yvonne, Quand Yvonne revoit le jardin dont Geoffrey et elle s’étaient amoureusement occupés a ce cri du cœur : « C’est une vraie ruine, ici ! ». Et à Hugh, le frère du héros : « Quelle catastrophe ce jardin, vous ne trouvez pas ? » (ADV 133)C’est aussi le jardin voisin, avec la pancarte symbolique (« Le gusta este jardin que es suyo ? Evite que sus hijos lo destruyan ! » et entretenu par M. Quincey. C’est encore le sinistre « Jardinier en Chef» « Le Chef de la Municipalité » et « Le Chef des Rostres » (ADV 397-400) qui décident de la mort du Consul dans le chapitre 12 et dernier de ADV. roman. Le Jardinier en Chef est un « double invraisemblable » du Consul qui dirige les Sinarquistas du Farolito de Parian. Ceux-ci vont abattre le Consul à la fin du roman (cf l’assassinat de Juan Fernando dans les mêmes conditions).
Evidement il faudrait indiquer le rôle joué par l’alcool, sous ses différentes formes. A noter à ce propos les débuts de chapitres dans la deuxième partie de ADV. « descente » (chap 8), puis l’« espoir » manifesté par cet indien qui porte son père sur le dos au chap 9, et ensuite successivement « mescal », « soleil » et à nouveau « mescal » dans les trois derniers chapitres. On a donc affaire à des chapitres en montagnes russes qui montrent la déchéance (dans l’alcool) et le salut, tout le programme du couple du Consul et d’Yvonne.

Écrit par : jlv-malcolm lowry-sources | samedi, 24 avril 2010

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