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vendredi, 09 avril 2010
Découvrir la littrérature autrichienne contemporaine
Les éditions Absalon et la librairie L'Autre Rive
vous invitent à une rencontre autour de la
littérature autrichienne
de 1945 à nos jours
de 1945 à nos jours
vendredi 2 avril 2010
à 18 h 30
en présence de
Catherine & Dominique Fagnot,
fondateurs des Éditions Absalon
Trop souvent assimilée à sa grande sœur allemande, l’écriture romanesque de l’Autriche est à bien des égards spécifique et mal connue. À l’exception de quelques grandes figures telles que Thomas Bernhard et Elfriede Jelinek, rares sont en effet les auteurs autrichiens accessibles au public français… quand ils ne sont pas tenus pour des auteurs allemands ! C’est que l’Autriche, minuscule résidu d’un vaste empire, fait de surcroît l’objet des vitupérations les plus véhémentes de la part de ses écrivains majeurs.
Or, sans cette atmosphère étouffante, sans le poids du secret, du passé et de la religion, ce pays ne nous aurait sans doute pas offert une littérature aussi radicale que subtile, aussi intelligente que sensible, dont l’humour, souvent acerbe, toujours distancié, n’est pas la moindre des saveurs.
Cette présentation sera ponctuée de lectures d’extraits, choisis dans les pages des ouvrages de la collection « K. 620 » des Éditions Absalon, collection consacrée exclusivement à la promotion de la littérature autrichienne.
Cette présentation sera ponctuée de lectures d’extraits, choisis dans les pages des ouvrages de la collection « K. 620 » des Éditions Absalon, collection consacrée exclusivement à la promotion de la littérature autrichienne.
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Commentaires
Au programme pour cette livraison, des auteurs germanophones, allemands ou autrichiens essentiellement édités par Absalon qu’il faut saluer - eh oui il y a même une maison d’édition de Nancy (place des Vosges), avec une très belle collection K.620 (est ce en référence à « Die Zauberflöte » ou bien la maison est elle apparue 3 créations après la maison de disques de Sarrebourg ?). Je n’avais pas relu ces notes, écrites il y a déjà quelque temps, lors de la rencontre, l’autre soir avec le couple éditeur, sinon je leur aurais posé la question.
« L’envolée Belle » de Martin Prinz (09, Absalon, 154 p.). Auteur autrichien traduit par Odile Vandermeersch et Chantal Niebisch.
Le livre raconte l’évasion, puis la traque de Johann Rettenberger, excellent coureur de fond, autour de Vienne, Autriche. L’homme, également dénommé par la presse « Pumpgun-Ronnie », voire même « Superman » au journal télévisé, ou encore braqueur au masque de Ronald Reagan, s’est s’échappé au cours d’un interrogatoire, résultat d’une nouvelle arrestation suite à divers braquages et un meurtre. L’histoire est inspirée de faits réels qui ont défrayé la chronique autrichienne à la fin des années 1980.
Excellent coureur, il va tenter d’échapper à ses poursuivants, se cachant dans la forêt ou dans des maisons inoccupées pendant quatre jours, vole au besoin une voiture avant de forcer un barrage de police et de se tirer une balle dans la tête. Le tout s’effectue dans un cadre de 20*20 km, même pas au SW de Vienne. Sachant que les braquages divers lui ont rapporté environ 2 millions d’euros et qu’il continue sa vie de malfrat, sa motivation est donc autre que l’argent. On se pose donc la question de sa fuite en tant que phénomène qui montre sa liberté et par là même son existence. « Parce que tout marchait si bien, pas parce que j’avais besoin d’argent » avoue-t’il lui-même. Donc, il court kilomètre après kilomètre, allongeant ses foulées au point de ne plus effleurer la terre que de la pointe des pieds. Il lui semble qu’il vole au-dessus des sentiers qu’il emprunte. « Je dois courir, c’est une question de vie ou de mort dit-il alors qu’il vient de fausser compagnie aux trois policiers qui le gardaient et de sauter par la fenêtre. En prison, il « ne pouvait ressentir autre chose que le caractère inéluctable de la situation ». Par contre, sa fuite lui offre de multiples possibilités de choix dans ses chemins ou ses rencontres.
En épigraphe, une citation de Kafka « Je ne laisserai pas la fatigue s’emparer de moi ». Et cette affirmation de l’auteur « J’ai voulu écrire un texte sur la tension, sur le souffle qu’on retient et sur la précipitation ».
L’histoire n'a rien de commun avec les faits divers habituels ni avec les récits policiers que l’on a l’habitude de lire. Martin Prinz s’intéresse moins aux motivations et à la psychologie de Johann Rettenberger qu’à la fuite, et au rythme de sa course. Cette course le conduit inexorablement à la mort, dernier envol de celui qui aurait aimé ne jamais toucher le sol que du bout des pieds « Les coudes pliés, il marque le rythme de ses bras qui vont et viennent le long de son torse en un balancement incessant, qui frôlent ses hanches et relèvent inlassablement son corps dès qu’il touche le sol, lui procurant la tension dont il a besoin ». « Chaque fois qu’il augmente la fréquence de ses enjambées sur le terrain de plus en plus escarpé, il a l’impression de décoller, de planer l’espace d’un instant ».
Il se paie même le luxe de semer l’hélicoptère qui le surveille, alors qu’il roule à contresens sur l’autoroute, s’arrête et vole une autre voiture, retourne sur l’autoroute, derrière le flux des policiers à sa poursuite, et comble, les dépasse…
La construction, en trois parties chronologiques « La fuite du voleur », « Le voleur est pris au piège » et « La mort du voleur » ne laisse aucune place au suspense. Ce n’est donc en aucun cas un roman policier classique. Ces trois parties n’ont cependant rien de linéaire, car chacune est entrecoupée de retours sur les faits, braquages, meurtre ou interrogatoire via éventuellement (en italique) des articles de journaux ou rapports de police.
Ce récit des quatre jours de cavale décrit la fuite multiple pour échapper - aux policiers, - à notre monde, - à sa propre personne et aux souvenirs des brimades de son enfance. C’est d’ailleurs surprenant que ces quatre causes se retrouvent ainsi correspondre aux quatre jours de cavale (et se superposent aux trois chapitres du livre). Lesquels font référence aux trois niveaux de l’histoire: la fuite, la vie antérieure et la psychologie du malfrat, ce qui le rapproche d'autres héros tels Robin des Bois.
Livre suivant « Vienne et moi » de Günter Brus (09, Absalon, 192 p.)
Est-ce une autobiographie ou un roman quelque peu étrange et déjanté ? L’auteur, un jeune peintre (né sous le « signe de la Balance ») tire le diable par la queue (est ce seulement le diable ?), et de temps à autres écrit aussi (un roman « Le palais empoisonné de Belladonna » qui finira finalement comme « combustible dans un poêle en fonte »). Il cherche, comme beaucoup d’artistes, la reconnaissance de la société, ici viennoise, d’où s’ensuit un récit décalé, avec jeux de mots ou de langue, calembours et rêves, mais surtout un chant d’amour à sa femme Ana. Cette dernière est venue avec ses parents, y compris le grand père Steiner, de Slavonie en passant par la Hongrie. Naturellement traités de réfugiés, ils subissent toute sorte d’aventures, y compris le vol d’un sac de jambons, lequel se révèle contenir les restes d’une grand-mère. Finalement, les voilà apatrides. (On assistera à un superbe mariage et repas de noce).
En fait, on constate assez vite, au-delà du récit que propose GB, que ce livre est en fait un pamphlet contre la « bonne » société viennoise (« Tous les Viennois sont des membres de la Philharmonie au chômage. Seuls quelques-uns comptent les cordes à leur arc ») rassemblée autour de la Stephansdom, belle cathédrale « entourée d’un tapis de crottin pour fiacres et de purin » (ce qui est parfaitement vrai). On assiste aussi à toute une série de portraits, critiques d’auteurs lus et appréciés par GB. Entre autres Beckett, Dostoievski, Rimbaud ou Robert Walser, mais aussi Robert Musil et Elias Canetti (apparemment pas très gouté par GB). On découvre aussi Vienne « C’était l’époque où je traînais dans Vienne, dans cette ville étrange que personne ne quitte avant d’avoir été marqué par elle. et l’Autriche (qui est « un beau pays. Après la seconde guerre mondiale, elle est devenue plus belle encore, car il n’y avait plus de guide suprême dans les guides de voyage. »
Un autre (parce que c’est le temps de Pâques, et qu’il faut bien des cadeaux) « Murs de papier » de Hanno Milesi (08, Absalon, 122 p).
Petit livre constitué en fait par 10 nouvelles, toutes centrées sur l’enfance, ou plutôt vues du point de vue d’enfants. C’est à vrai dire un genre assez difficile, qui au mieux vaut une certaine condescendance de la part des adultes qui le lisent. Mais très vite, le regard change et l’enfant devient un critique quelquefois acerbe « Hier nous avions donné sens à leur vie, aujourd’hui nous étions là pour les distraire, demain nous aurions à subvenir à leurs besoins. » Peut-on alors s’étonner de constater que la vision de l’adulte ne devienne très vite « appareil de pouvoir qui, si possible, étoufferait dans l’œuf mon indépendance d’esprit. »
On verra aussi rapidement le traitement que va subir les paroles mêmes de cette société adulte « Après quelques séances de cinéma – nous regardions certains films plusieurs fois d’affilée – mon père m’a avoué un jour, sur le chemin du retour, qu’il avait reconnu très tôt en Jean-Pierre Léaud une nature proche de la sienne. Sur de nombreux points, il se sentait semblable au Français, ils étaient comme deux gouttes d’eau, des jumeaux, non seulement par la physionomie mais aussi par la manière de voir le monde. » Laquelle confession se termine par cette conclusion sans appel « On n’avait pas besoin d’examiner longtemps l’idole de mon père pour constater qu’il n’y avait pas la moindre ressemblance entre eux. »
D’autres auteurs de chez Absalon, que je n’ai pas trop aimé ou pas lu.
« Chlore » de Johannes Gelich (08, Absalon, 184 p.) Les vapeurs chlorées des piscines ne m’ont jamais inspirées. Le style de JG non plus. On dirait un bouquin de chez Bourgois, (qui en a pourtant des bons).
« La Princesse Hoppy ou le conte du Labrador » de Jacques Roubaud (08, Absalon, 176 p). il s’agit d’un livre inclassable, conte oulipien «1. Celui qui raconte, c’est le Conte et celui qui raconte le conte c’est le comte, le comte du Labrador. Aussi le conte est il le Conte du Labrador.
2. Quand le conte dit ce que dit le conte, le conte vous dit : voici ce que ut le conte. Qui parle alors, le conte ? Oui, mais n’oubliez jamais que le conte, c’est le conte du Labrador. »
A vrai dire, je n’ai pas réagi quand cela est sorti. J’avais pourtant le projet de lire la somme en (l’assommant) 6 volumes de « Le Grand Incendie de Londres » (Seuil), mais (et peut être surtout) scientifique de formation, ce genre de pavés est quelquefois rébarbatif, et pourtant j’aime bien ce que fait Oulipo (mais point trop n’en faut).
J’ai rassemblé aussi quelques autres de ces nouveaux auteurs autrichiens ou allemands, que j’ai pu découvrir au hasard de mes lectures, et dont je pensais quelquefois pouvoir tirer parti. Parmi eux, j’ai déjà (il y a quelque temps) parlé d’Arno Schmidt et de Hans Henny Jahn. Ils sont hors concours.
Donc allons y, avec Jospeh Winkler, dont plusieurs livres ont déjà été publiés chez Verdier.
Auteur lui aussi autrichien puisque il est originaire de Carinthie, Joseph Winkler, est également en rupture avec cette société autrichienne réactionnaire et extrémiste (que l’on pense au parti que créa Jörg Haider et qui prétendait même faire sécession avec l’Autriche et l’Europe). « Je hais trop mon pays pour le quitter », dit il, lui fils de paysans, élevé dans un fief de l’obscurantisme sous la haute surveillance de l’Église catholique. C’est un trait assez frappant que l’on retrouve partout en Autriche que ce pouvoir (encore actuel ?) de l’Eglise (catholique et apostolique, cela va de soi). Revenons donc à JW, qui découvre Jean genet et son homosexualité à dix-sept ans. Il consacre d’ailleurs un essai à Genet ("Das Zöglingsheft des Jean Genet, 92, Suhrkamp, 116 p ; non traduit, ou Le Livret du pupille Jean Genet ».
Ses premiers livres forment une trilogie (non encore traduite, ce qui est dommage), « La Carinthie sauvage » (trois récits: « Spécimen humain », « Le Laboureur de Carinthie », « Langue maternelle ») où il développe une vision très critique de son terroir d'origine avec des critiques remarquées sur les régimes patriarcal et religieux (catholique cela va de soi) de la province. Chez Verdier on retiendra « Cimetière des oranges amères », (98, Verdier, 416 p) vaste récit contre le catholicisme qu’il soit romain ou autrichien, puisque JW a choisi de s’exiler en Italie, qui engendrer partout le même obscurantisme et la même cruauté. On retiendra de ce livre la splendeur des processions en l’honneur de la Vierge et des saints, la profusion ridicule des magasins en bondieuseries, la superstition partout répandue (ah ces fabuleux marchands du Temple, cela tombe bien pour un temps de Paques…
« Quand l’heure viendra » de Joseph Winkler (00, Verdier, 208 p). Le livre part d’une coutume qu’avaient les paysans carinthiens pour éloigner les insectes « Dans la jarre où se préparait à partir d’ossements d’animaux le pandapigl dont on badigeonnait les yeux, les naseaux et le ventre des chevaux pour les protéger des moustiques et des taons qui les harcèlent,de badigeonner leurs chevaux d’un liquide à l’odeur nauséabonde fabriqué à partir d’ossements d’animaux ». Le narrateur, Maximilien reprend cette coutume et ramasse les ossements des morts que le village voudrait oublier pour rendre justice à leurs vies sacrifiées. C’est ainsi que l’histoire de Ludmilla Felfernig, quinze ans, qui découvrant ses premières règles, « barbouilla de sang son visage, le mur chaulé du calvaire et le crâne cornu du Diable » puis va se jeter dans la rivière.
Je n’ai malheureusement pas (encore) lu les dernières parutions « Sur la Rive du Gange », (04 Verdier, 256) et « Langue maternelle » (08, Verdier, 320 p), un peu par faute de temps et par lassitude ( ?) de Verdier (quels mots malheureux que de dire cela). Mais, je crois que cela ne saurait tarder. (Encore que mon toujours projet de vous faire une critique détaillée des sources de Malcolm Lowry m’ait pris un temps compté, mais cela avance).
Allez un dernier pour la route (en rade lui aussi, cette critique, et que vient elle faire là ?)
« L’humeur indocile » de Judith Schlanger (09, les Belles Lettres, 150 p.). D’elle je ne savais pas grand-chose, hormis « Les Concepts scientifiques : Invention et Pouvoir » avec Isabelle Stengers, que j’apprécie (89, La Découverte, 163 p) et « La mémoire des œuvres » (08, Verdier, 192 p), dans lequel elle décrivait son approche de la lecture. En recherchant ce que l’on en dit, j’ai trouvé ce bel exemple de critique franco-français (à traduire néanmoins) « JS analyse la notion de préfiguration comme catégorie permettant d'interroger l'existence des œuvres culturelles dans le temps ». Et c’est avec cela que les libraires vont trouver des lecteurs….
Donc, pour revenir à ce petit livre qu’est « L’humeur indocile », il y est question de B. Traven, Alexandra David-Neel, Florence Nightingale et autres aventuriers. Cela ne pouvait pas être mal, ayant lu et relu B. Traven (que ceux qui ne l’ont pas lu se dépêchent de le faire, « Le Trésor de la Sierra Madre » est ressorti en 09 chez Sillage, « Le Vaisseau des Morts, la Charette, la Révolte des Pendus » sont ressortis récemment chez La Découverte, et l’immense bibliographie de Jonah Raskin est également sortie l’an dernier chez Les Fondeurs de Briques).
Autre façon de rendre hommage aux « petits éditeurs » que j’apprécie et qui je crois sont nécessaires à notre vie littéraire.
Écrit par : jlv-autriche | samedi, 03 avril 2010
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