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vendredi, 29 janvier 2010

Marguerite Duras

 

 

Écrire  de  Marguerite Duras 

 

LECTURE

(extraits)

 

Texte édité aux éditions Gallimard en 1993

 

marguerite.jpg 

 

« Écrire c’est tenter de savoir ce qu’on écrirait si on écrivait - on

ne le sait qu’après - avant, c’est la question la plus dangereuse que

l’on puisse se poser. Mais c’est la plus courante aussi. » 

                                                                       

Marguerite Duras

 

 

Avec Mawen Noury,

dirigée par Sandrine Gironde - Cie l’escalier

 

 

Mawen Noury est originaire de Nancy. Comédienne, elle participe aux créations de la Cie 4 Litres 12 depuis dix ans. Elle s'accorde régulièrement à l'imaginaire d'autres artistes et joue dans les créations de la Cie Sans Sommeil et de La Mâchoire 36.

 

Sandrine Gironde est directrice artistique de la Cie l’escalier, metteur en scène et improvisatrice vocale. Son travail fait se rencontrer le théâtre, la poésie et la musique.

Elle met en scène actuellement La maladie de la mort de Marguerite Duras. Elle est coordinatrice de LES YEUX VERTS, événement autour de l’œuvre de Marguerite Duras.

 

 

 

VENDREDI 29 JANVIER  À  18 H 30 

 

 

 

Durée : 45 mn

 

 

Entrée libre

 

 

Commentaires

Petite critique en passant

« La Centrale » de Elisabeth Filhol (10, POL éditeur, 141 p.)
Ce livre vient d’avoir des critiques dans à peu près tous les journaux. Ce n’est pas tant du point de vue littéraire, bien que les phrases élastiques soient agréables à lire, mais plutôt en tant que fait de société. Le récit se déroule à Chinon (Indre-et-Loire) puis au Blayais (Gironde). A chaque fois il s’agit de la « centrale », l'une des dix-neuf centrales nucléaires françaises en activité. C’est l’histoire d’un de ces ouvriers DATR (« directement affectés aux travaux sous rayonnements »). Ce sont des salariés d’EDF ou quelquefois d’Areva, mais plus généralement ils sont employés par des sous-traitants, souvent comme intérimaires. Le problème que soulève magistralement ce livre est celui de leur conditions de travail (et de vie). Il est vrai que l’on n’est plus dans Germinal, mais on n’en est cependant pas très loin, avec peut être un rapport à Métropolis de Fritz Lang. Lequel problème soulevé est autrement important que celui de la sécurité nucléaire, tant dénoncé par les écologistes de tout poil (et souvent de peu de science). Il y aurait là matière à réflexion qui dépasse de loin le livre.

Donc, Yann, l’ouvrier type, et ses collègues (qui à force se connaissent presque tous), convergent vers « la centrale » dès qu’un « arrêt de tranche » est annoncé. A eux de faire le sale boulot pour de maigres salaires, jonglant en permanence avec le risque et la précarité. Leur vraie préoccupation : « la gestion de la dose », soit « vingt milli sieverts », la quantité maximale de radiations supportable par homme et par an. Au-delà c’est la mise au repos forcé, c'est-à-dire le chômage, ou, pire, irradiés avec les conséquences prévisibles. Ca sera le cas de Loïc, un ami de Yann. « Chair à neutrons. Viande à rem. On double l’effectif pour les trois semaines que dure un arrêt de tranche. Le rem, c’est l’ancienne unité, dans l’ancien système. Aujourd’hui le sievert. Ce que chacun vient vendre c’est ça, vingt milli sieverts, la dose maximale d’irradiation autorisée sur douze mois glissants. Et les corps peuvent s’empiler en première ligne, il semble que la réserve soit inépuisable. J’ai eu mon heure. J’ai été celui qu’on entraîne à l’arrière du front. »
Cet univers des « centrales », l’auteur, EF, le connait bien car elle travaille dedans en tant qu’audit. Il en résulte une phrase nette, précise comme un rapport scientifique, qui forme un tissu romanesque très original et convaincant. Cette minutie froide décrivant les développements techniques et scientifiques (cf l’accident de Tchernobyl), sont comme autant de plongées hyper réalistes dans le monde de l'industrie nucléaire ou dans celui de la fission et de l'atome. Les deux sont tout naturellement secrets et anxiogènes. Le livre n’est cependant pas un manifeste ou une brochure documentaire écologiste dénonçant les « risques du nucléaire ». Il s’intéresse aux sous-traitants du nucléaire, cette main-d’œuvre qui fait l’affaire d’EDF puisque, s’agissant d’intérimaires, elle n’est pas responsable des irradiations. « EDF encaisse les profits vous encaissez les doses. »
L’histoire de Yann est bien entendu un résumé de bien d’autres. Il y a eux qui se shootent à l’adrénaline et ceux qui deviennent des anciens, rassurants, experts dans leur domaine. Il y a aussi ceux qui arrêtent et ceux qui refusent et craquent dès la première fois. Tout ce petit peuple vit et parle entre eux. On parle de précarité, du stress ambiant, de suicides. « Et l’homme, quel est son point de rupture ? ». Mais ils se serrent les coudes, partagent les mobile homes ou les caravanes dans les campings avant de se quitter et de se retrouver au gré de l’imprévu des itinéraires et des agences d’intérim. « Nomade, ce n’est pas l’exploration continue de nouvelles terres, c’est une façon d’être en boucle, mais alors sur un territoire suffisamment vaste. »
Dans la même catégorie du " prix du roman d'entreprise " inventé par l’actuel ministre du travail (en réponse aux suicides de France Télécom) et décerné à un écrivain « qui aura su aborder la question de l'homme dans le monde du travail »… C’est tombé sur « Les Heures souterraines » de Delphine de Vignan (09, JC Lattès, 299 p.), livre sur le harcèlement moral. On est bien loin du « Daewoo » de François Bon (04, Fayard, 300 p.).

Écrit par : jlv-filhol | vendredi, 12 février 2010

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« La chute des prières » de Sema Kaygusuz (09, Actes Sud, 420 p.)
Pour changer de l’ambiance actuelle (premier roman, mais quel roman…..)
Il a fallu quatre ans et demi à Sema Kaygusuz (38 ans) pour écrire ce premier roman, après quelques nouvelles (4 livres publiés en Turquie). J’attends avec impatience les romans suivants (Yüzünde Bir Yer – Cent une érosion ?, publié en 09).
Revenons à « La chute des prières », livre en deux parties « Raisin » (171 p.) et « Or » (224 p.). Deux parties asymétriques puisque la première a des sous-titres alors que la seconde se décompose en numéros. Les histoires diffèrent aussi, de même que les ambiances. Si l’une est écrite comme un conte, l’autre est un récit allégorique, et ces deux parties se répondent. La première partie raconte la vie de Leylan, jeune fille solitaire qui vit sur une île de la mer Egée avec son père qui se tue doucement dans l'alcool. La seconde partie raconte le voyage d’un jeune garçon (Oeildroit) des plaines anatoliennes qui part sur la route avec sa mère (Femmehomme) et leur cheval (Yasur) pour un voyage assez fantastique à la fin duquel le garçon deviendra Yasur.
La première partie, Raisin, se passe dans une île méditerranéenne, probablement en mer Egée, Leylan se retrouve un jour abandonnée par sa mère, et vit avec son père, muré depuis dans le silence et l’alcool. «Sans subir d’hostilité, de haine ou une quelconque attaque, vous êtes aussitôt projeté au cœur d’une solitude devenant dure comme le roc au fur et à mesure que les jours passent». Elle va voir Letife Keysal, une tzigane, diseuse de bonne aventure, pour comprendre, trouver des réponses, admettre l’abandon où elle se trouve. Elle découvre alors la bibliothèque de livres abandonnés ou oubliés par les touristes quand s’achève l’été. Elle va y chercher son destin. «Le mystère enfoui sous le plaisir de lire et que j’avais été incapable de résoudre avait fini par se dévoiler : les gens ne pouvaient lire que les livres qu’ils connaissaient mais, comme ils ne savaient pas exactement ce qu’ils connaissaient, ils ont été obligés de lire.» Elle invoque alors les divers personnages qui peuplent l’île, avec leurs mystères et leurs croyances puis, toujours insatisfaite, s’éloigne encore du réel pour mieux l’appréhender. L’épisode des chiens abandonnés sur leur île et qui hurlent pendant des jours et des pages sert de toile de fond à la révélation paternelle. Viennent alors s’ajouter les poèmes, mythes et légendes écrites ou issues de la tradition orale. Il en ressort toute une polyphonie métaphorique qui fait écho à sa propre histoire, et l’autorise enfin à devenir adulte. C’est une forme de roman initiatique qui aborde les origines du récit turc et qui s’inscrit au cœur des cultures turques, anatolienne et des iles.
En fait, cet univers est très typique de celui de l’alévisme, la religion actuelle d’un tiers des Turcs, surtout dans la partie anatolienne. C’est une sous-marque plus ou moins issue du chiisme avec des apports chrétiens et du chamanisme. SK a grandi dans cet islam ouvert, (elle est originaire de Samsun, sur les bords de la Mer Noire), où la femme est depuis toujours célébrée à l’égal de l’homme, d’où ses références aussi bien au Talmud qu’à la Bible ou au Coran. «Viens à moi qui que tu sois, juif, chrétien ou apostat». La clef du titre est dans le poème qui conclut le livre : «Même si chacune de mes prières retombe sur cette terre en faisant un bruit sourd, je ne renoncerai pas à ce monde »
La seconde partie, Or, est beaucoup plus fantastique, pratiquement mythique, et également initiatique. Les trois héros, doubles de ceux de la première partie, progressent à leur tour vers des univers inconnus. L’épisode de la forêt (chapitre Six) est à ce point remarquable. Il est suivi d’un long poème en prose.

Les êtres deviennent surnaturels comme la Femmehomme ou simplement métaphoriques comme le voleur, double de la narratrice. « Pendant quelques jours, je cherchai au milieu de la peupleraie une pensée qui me féconderait comme une graine couverte de petits poils qui se dispersent ici ou là. ». Cette partie propose donc au lecteur une véritable quête du sens. Cette recherche est faite par Oeildroit (on découvrira pourquoi ce nom), qui va devenir Yasu (idem, c’est à découvrir, mais on s’en doute). C’est celle de l’histoire, de sa propre histoire, qui n’est qu’enquête sur soi-même.

Assurément SK signe là un grand roman, aussi beau que poétique et beau. A découvrir.

Écrit par : jlv-kaygusuz | vendredi, 12 février 2010

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« Les idiots » de Ermanno Cavazzoni (10, Attila, 187 p.)
Pour changer un peu, la dernière parution de chez Attila (livre vu à Grenoble, aussitôt acheté, et lu dans le TGV entre Lyon et Nancy). Evidemment quand j’ai lu le premier chapitre (il y en a 31 en tout) de ce livre de chez Attila…… Il est consacré à Monsieur Pigozzi qui rêve de faire décoller sa Fiat (en fait qui ressemble à « une faucheuse de conception très moderne, comme on en fait de nos jours en Amérique ». Le chapitre suivant narre la vie de Raffaello Pelagatti et de Jésus Christ extraterrestre (évidement on n’aime ou l’on n’aime pas)… La suite est du même tonneau. Du grand Attila
Ceci dit, ces vies de gens plus ou moins idiots sont des « petites vies ». Des gens atypiques, dont la vie tourne autour d'une obsession. Et il y en a 31, de quoi passer un mois tranquille à en savourer une par jour (c’est dans l’incipit). « Si dans l’univers tout le monde était idiot – en conclut le docteur Consolini – la race humaine ne s’éteindrait jamais »
Vous avez déjà eu un aperçu du premier jour, voila le début du neuvième jour (l’histoire de Govi Naldo et les albanais) « Govi Naldo était employé à la fourrière. Cet après-midi-là un chien s'était échappé du chenil; ils lui avaient couru après, en côte, pendant une heure et demie, lui et un collègue attrape-chiens; ils l'avaient rejoint au sommet d'une colline, où la bête s'était défendue et avait mordu Govi au mollet. »
Pou se reposer, le 7eme jour est formé de petits textes (4-6 lignes) consacrés aux « suicides au travail », tel ce dompteur de 63 ans qui entre dans la cage des tigres déguisé en singe.
Un véritable chef d’œuvre.
Dans la même catégorie, je ne peux résister à vous faire lire ces délicieuses « Nouvelles en trois lignes » de Félix Fénéon (09, Cent Pages, 432 p.)
« On était en gare de Vélizy, mais le train roulait encore. L’impatiente Mme Gieger s’est cassé les jambes » ou bien « Calen, détenu à la prison de Thouars, que venait de manquer la sentinelle, s’est tué en tombant sur les rochers. Il s’évadait. » ou encore « Susceptible comme un mari, Louis Dubé a poignardé dans la rue de Flandres sa maitresse Florence Prévost »

Écrit par : jlv-cavazzoni | vendredi, 12 février 2010

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« Ru » de Kim Thuy (10, Liana Levi, 143 p.)
Pour finir dans un tout autre genre que les précédentes remarques. Cela faisait un bout de temps que je n’avais rien écrit, faute de temps, faute de motivation (y a-t-il quelqu’un qui lit ? qui a des remarques ?). Ce petit livre m’a été signalé par Louise, mais j’en avais lu une critique quelque part.
Petit livre de mémoire. Dès l’incipit, on apprend que « En français, ru signifie «petit ruisseau» et au figuré, « écoulement (de larmes, de sang, d'argent) » (Le Robert historique). En vietnamien, ru signifie «berceuse» ou «bercer». » A lire, tant c’est un sujet sensible et surtout qui pourrait nous arriver (39 ou 62 ne sont pas si loin). L’auteur, se souvient de ses années dorées dans le milieu aisé de Saigon, la fuite en « boat people », le camp de réfugiés en Malaisie et enfin l’enracinement au Canada où elle arrive à l’âge de 10 ans. Toute une jeunesse à reconstruire, car elle arrive « sourde et muette » (on le serait à moins). Récit émouvant livré à cœur ouvert. On remonte le cours de la mémoire de la fillette, de la famille ou des amis et voisins d’errance, avec ces personnalités souvent humiliées, détraquées, déshumanisées. Mais des vies où le courage et la force de rester debout sont constamment présents. « Je me suis avancée dans la trace de leurs pas comme dans un rêve éveillé où le parfum d'une pivoine éclose n'est plus une odeur, mais un épanouissement; où le rouge profond d'une feuille d'érable à l'automne n'est plus une couleur, mais une grâce; où un pays n'est plus un lieu, mais une berceuse. »
Les souvenirs sont parfois drôles, tendres ou dramatiques. Ils partent d’un rien, d’un détail ou d’une silhouette. « J’ai vu le jour à Saigon, là où les débris des pétards éclatés en mille miettes coloraient le sol de rouge comme des pétales de cerisier, ou comme le sang des deux millions de soldats déployés, éparpillés dans les villes et les villages d’un Vietnam déchiré en deux. ».Tout est dit. Idem pour la description de la fuite en bateau (C’était l’époque où les french doctors ne bronzaient pas sous les ors du Quai d’Orsay). « Les gens assis sur le pont nous rapportaient qu’il n’y avait plus de ligne de démarcation entre le bleu du ciel et le bleu de la mer. On ne savait donc pas si on se dirigeait vers le ciel ou si on s’enfonçait dans les profondeurs de l’eau. Le paradis et l’enfer s’étaient enlacés dans le ventre de notre bateau. ». On y voit successivement l'amour maternel, la beauté de ces «femmes qui ont porté le Vietnam sur leur dos pendant que leur mari et leurs fils portaient les armes sur le leur », l’envie de recommencer à vivre sans s’encombrer du passé en mémoire des parents qui « nous ont offert des pieds pour marcher jusqu'à nos rêves, jusqu'à l'infini. »

Écrit par : jlv-kim thuy | vendredi, 12 février 2010

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« Attentat a la mangue » de Mohammed Hanif (09, Ed. des Deux Terres, 474 p.)
Livre sorti à la rentrée (tiens cela fait bizarre) en même temps que «La vaine attente » de Nadeem Aslam (Seuil) dont j’ai déjà parlé ici. Achetés à cette époque, suite de ma période « indienne » avant d’entrer dans la période « turque », peut être un peu bousculé par cette dernière.
Dans les deux cas, un peu la même région. Dans le cas présent, le Pakistan et l’attentat qui mit fin à la dictature du général Zia. Le 4 de couverture est clair : « Pourquoi un Hercules C130, l'appareil le plus sûr du monde, s'écrase-t-il le 17 août 1988, 4 minutes après le décollage, avec à son bord le général Zia ul Haq, dictateur du Pakistan, une brochette de chefs d'état-major et l'ambassadeur des Etats Unis ? ». Le décor est planté, et l’auteur, MH, le connait bien puisque c’est un ancien pilote de l’armée de l’air pakistanaise. On s’embarque donc pour le désert de Bahawalpur, au Pakistan, à la fin des années 80, quand la défaite des russes en Afghanistan est encore soutenue pas ce pays.
Le roman part ensuite en une suite de portraits et d’histoires qui s’enchevêtrent. On y suit celle de sous-officier Ali Shigri, dans sa préparation à la vie militaire. Fils de son colonel de père, très estimé, mais retrouvé pendu par un drap à un ventilateur. Ali partage sa chambre avec Obaid, qui disparait mystérieusement quelques mois avant l’attentat. On suit également le général Zia, (empêtré dans son islam ; il lit le Coran comme un horoscope et interprète chaque signe) qui rêve de devenir prix Nobel de la paix, mais a des problèmes de vers (ce qui nous vaut 2-3 pages mémorables de la consultation avec le médecin personnel « médecin en titre de la bite royale » du prince Naif, d’Arabie Saoudite, qui l’examine, la tète entre deux drapeaux). Ce prince se livre d’ailleurs à une course avec le grand chef de la CIA. On suit aussi divers généraux, tous plus ou moins corrompus. Ainsi le général Akhtar, second personnage de l’état, autant porté vers le devoir militaire qu’il n’est lèche-cul. Il est frustré, c’est évident, mais il protège son chef contre son peuple et tous les traîtres et comploteurs en tous genres. Enfin, dire qu’il le protège est vite dit, jusqu’à ce qu’il se rende compte que si le chef disparait, c’est lui qui deviendrait chef…. « Lorsque l’imam entama la dernière prière, il fallut un moment au général Zia pour s’apercevoir qu’il était une fois de plus confronté au récit de Jonas. Il lui en fallut un autre pour se rendre compte que l’imam n’avait jamais auparavant récité ce verset particulier lors des prières du matin. Il fut alors secoué par des sanglots incontrôlables. Les autres fidèles continuèrent leurs prières ; ils étaient habitués à ce que le général Zia pleure pendant les prières. Ils ne savaient jamais vraiment si la cause en était l’intensité de sa dévotion, les affaires d’État qui le préoccupaient à ce moment précis ou une nouvelle volée de bois vert de la part de la Première Dame. Ils faisaient tout bonnement semblant de ne pas entendre les effusions présidentielles. »
A part ces personnages, on suit également l’histoire de Zaynab, aveugle de naissance, violée et finalement accusée d'adultère. A cause de cette fornication en dehors du mariage, la nouvelle loi introduite par Zia la condamne à être lapidée. On suivra également l’histoire du corbeau, mangeur de miettes de pain avec Zaynab, mangeur de mangues avec Zia. Ce corbeau, porteur de mauvaises nouvelles jouera t’il un rôle dans l’accident de l’avion présidentiel ?
Finalement qui a-t-il vraiment tué le général Zia, entre le fils du colonel Shigri pour se venger, les différents généraux pour accéder au poste, le corbeau ou encore les vers qui le rongent?. « On peut accuser nos guignols en uniforme de tous les défauts du monde mais pas de celui de manquer d’imagination. »
Roman par instant satirique, sur les non communications entre peuples, entre gouvernants (dictateurs) et ses ministres, entre le général et sa femme.

Écrit par : jlv-hanif | dimanche, 14 février 2010

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Malcolm Lowry pour son titre sorti tout récemment « Merci infiniment » (10, Allia ed., 96 p.)

Petit livre 10 x 17 cm et moins de 100 pages, mais très grand auteur. En fait c’est une lettre (longue lettre) dans laquelle ML répond à son éditeur sur les remarques et les coupes que celui-ci veut faire subir à « Au dessous du volcan ».
L‘histoire de cette lettre, c’est un peu la genèse du « Volcan ». ML commence à écrire son livre en 36. Au départ, c’est une nouvelle que ML transforme en roman de 40000 mots en trois mois. Une seconde version est entamée et même oubliée à Los Angeles (bel acte manqué !!). Une fois le manuscrit récupéré, ML le peaufine à Vancouver (on retrouve en partie l’épisode qui servira de cadre à « En route vers l’ile de Gabriola ». Cette troisième version est brillement refusée par les éditeurs new-yorkais car trop obscure. Suit alors un épisode douloureux, violences envers sa secrétaire, alcoolisme aggravé et séjour en hôpital psychiatrique à New York. A cette époque, ML vit alors avec Margerie Bonner, ex starlette qui écrit des polars alimentaires et ils viennent de s’installer à Cuernavaca, au Mexique, sous le Popocatepetl à l’horizon, et l’Ixtaccíhuatl, son petit frère jumeau. C’est déjà tout un symbole. En effet, Cuernavaca est en fait le Quauhnahuac des Aztèques, qui signifie lieu boisé, et non point corne de vache. Il achève son livre, et cette première version est refusée par tous les éditeurs contactés. Profondément remanié, le manuscrit manque de bruler dans l’incendie de leur maison. (C’est une manie chez ML, puisque pareille mésaventure va faire la source de «En route vers l’ile de Gabriola » (72, Denoël, 366 p.), roman posthume. Retour au Mexique fin 44 et installation dans la maison où se passait le « Volcan ». C’est là que ML reçoit la lettre de son éditeur Jonathan Cape, qui a déjà publié « Ultramarine », premier roman d’initiation de ML (84, Denoël, 266 p.). L’éditeur accepte le roman mais envisage des changements importants. Ce sera cette longue lettre d'explication dans laquelle ML se justifie et qui permet en fait de comprendre tout le roman. Lequel roman sort finalement sans coupures en 45, soit après 12 ans de travail. Il sort en France sous une forme revue et corrigée « Au dessous du volcan » (71, Denoël, 436 p., traduction de Stephen Spriel, la fameuse couverture jaune). Une nouvelle traduction (87, « Sous le volcan », Grasset, 447 p ., traduction Jacques Darras, couverture rouge), ne vaut pas la première à mon avis. C’est cette longue lettre qui ressort aujourd’hui dans laquelle ML défend son livre, commente et justifie son travail.

L’histoire est celle d’un couple, formé par Geoffrey Firmin, consul britannique et de sa femme Yvonne. Celle-ci a eu une liaison avec Jacques Laruelle, un français. Le consul, qui a démissionné de ses fonctions, et vit à Cuernavaca, sombre de plus en plus dans l’alcool (les alcools, à vrai dire dont anis, tequila, whisky et mezcal). « Les tremblements, voilà ce qui rend cette vie insupportable. Mais ils s'apaisent, s'y on s'y prend bien, avec la nécessaire lampée, la dose thérapeutique ». « Ne peux tu donc penser à rien, si ce n’est au nombre de verres que tu vas boire ?».

Yvonne l’a quitté, puis est revenue un an après, rendant la présence du demi-frère du consul, Hugh, moins indispensable. Ce dernier est un journaliste idéaliste de retour de la Guerre d'Espagne (« J'avais un copain anglais qui se battait en Espagne. ….. Quand je pense aux hommes que j'ai connus là-bas, ceux qui y sont restés, j'ai l'impression d'être un déserteur. »). Geoffrey fantasme sur ses faits de guerre à propos d’un sous marin allemand fait prisonnier par le bateau de Geoffrey (le Samaritan) qui lui valurent la cour martiale, puis une décoration. (« pas un de leurs officiers ne se trouvait, mystère, avec eux. Ils avaient, disaient on, été kidnappés par les chauffeurs du Samaritan, et brulés vifs dans les chaudières »). Bref, de quoi faire des esclandres lors d‘une soirée mondaine, voire même peut être justifier la mort du Consul.
ML défend tout d’abord ses 12 chapitres. Pourquoi 12, comme les travaux d’Hercule, ou encore les chapitres de l’Odyssée, ou des chapitres d’Ulysse de James Joyce. Pour ces dernières références, ML s’en défend. « Mon approche aura été opposée à celle de M. Joyce » « J’entends par là aussi simplificatrice que possible et non l’inverse ». Il préfère faire référence aux 12 heures du jour ou aux 12 mois de l’année, voire à la Kabbale juive, « en ce qu’elle représente l’aspiration spirituelle de l’homme ».
Viennent ensuite une justification, chapitre par chapitre, de son œuvre, avec emphase sur le chapitre 6, hémistiche (si l’on peut dire) de l’œuvre. Donc le roman débute un jour de novembre 39, jour des morts, un an exactement après la mort du consul, jeté au fond de la barranca (ravin dans lequel on jette habituellement les ordures). Mais un certain nombre de faits se répètent à un an d’intervalle. On projette toujours le même film « Los manos de Orlac », ou les mains d’Orlac, d’après le roman de Maurice Renard (film dans lequel on greffe au pianiste Stephen Orlac les mains d’un étrangleur, condamné qui vient d’être guillotiné Bien sûr les crimes par étranglement vont augmenter dans l’entourage du pianiste….). (On va retrouver le même film au chapitre 2, le jour de la mort du consul). Au chapitre 6 on entre au cœur du roman et au chapitre suivant, une débauche de chiffres 7, qui ne semble pas porter bonheur à ML, et va mettre le consul en face de sa dernière chance (hélas trop tardive) pour se sortir de l’engrenage infernal qui doit le conduire à la barranca. Le chapitre 9 se termine par cette belle image d’un indien qui porte un autre indien, plus vieux, sur son dos « l’humanité qui se débat sous le poids tragique et éternel du passé ».

« Quelqu’un jeta un chien mort après lui dans le ravin » termine le « Volcan », scellant ainsi le sort du Consul, tué et jeté dans la barranca.

Reste aussi cette histoire d’amour entre Geoffrey et Yvonne qui vous prend aux tripes…« Ne te reste-t-il donc plus de tendresse ou d’amour pour moi ? » demanda soudain Yvonne, presque piteusement, en se tournant vers lui, et il pensa : « Si, je t’aime, il me reste pour toi tout l’amour du monde, mais cet amour me paraît si loin de moi, et si étrange aussi, je pourrais prétendre l’entendre, un bruit sourd et un sanglot, mais loin, très loin, un son triste, perdu, et qu’il s’approche ou s’éloigne, je ne saurais le dire. »

J’espère que vous aurez eu envie de (re)-lire « Au dessous du volcan », en tout cas, je vais le faire, tant ce livre (« Merci infiniment » est attachant et livre quelques nouvelles façons dont il convient d’aborder le « Volcan ».

Pour ce qui concerne les autres livres de ML, bien sur qu’il faut les lire.

En 33 ML publie son premier roman, « Ultramarine » (84, Denoël, 266 p.). Que dire de ce livre dans lequel Dana Hilliot qui quitte Liverpool sur un rafiot dont le nom parait prédestiné, l'Œdipus Tyrannus… C’est en partie l’histoire de ML, qui s’embarque ainsi pour fuir sa famille, mais que, délicate attention, son père amène au bord du bateau dans une grosse limousine…. Seul réconfort, ou bagage, du double de ML cet avertissement «Le bateau t'adoptera si tu le mérites.» plus qu’un roman d’initiation, on retrouve les rudesses de l'équipage, les corvées et les brimades, ainsi que les humeurs changeantes de la mer. Cette découverte du monde et cette vie itinérante va poursuivre ML tout au long de sa vie, via la Chine, le Canada, le Mexique…. On retrouve dans ce livre les traces du Conrad Aiken (lisez ou relisez « Au dessus de l’Abysse » (94, Mercure, 454 p.), une des sources évidentes de ML, ou celles de Joseph Conrad (« Au cœur des ténèbres » ou « Lord Jim », le premier ressorti récemment et que j’avais critiqué ici même (09, ed Equateurs, 208 p.).

Deux autres textes de ML, publiés après sa mort. « Sombre comme la tombe où repose mon ami », (87, Denoël, 300 p.) fait le récit d'un voyage au Mexique. Retour de ML, neuf ans après le premier séjour qui lui inspira « Au-dessous du volcan ». Un second « En route vers l'île de Gabriola » (72, Denoël, 362 p.) se passe en Colombie Britannique, au large de Vancouver ou séjourna ML. On y retrouve ses fantasmes de vivre dans une maison de bois, sur une ile sur le thème de la terre promise. Après l'incendie de leur maison, Ethan et Jacqueline décident de changer de décor. Ils bâtissent une maison sur l'île de Gabriola et espèrent (re)-découvrir le paradis. C’est sans compter sans l’alcool (ML connait bien) et le feu (le couple connait aussi).

Les autres livres : « Lunar caustic » (87, Denoël, 216 p.), récit d’une cure de désintoxication alcoolique au Bellevue Hospital, New York (expérience vécue par ML). « Un homme sort d’un bistrot, du cote des docks, au petit matin, une bouteille de whisky dans sa poche. » « Il entre dans un autre bar ». Tout est dit, l’homme est bien au-delà de l'ivresse. La suite, c’est l’hopital « Avec le frémissement d’un vaisseau lancé contre les récifs, la porte se referme derrière lui ». Et on va suivre sur une dizaine de chapitres, l'enfermement volontaire de Bill Plantagenet, avec ses fantasmes et hallucinations « Sur un lit en désordre, maculé de sang, dans une maison à la façade soufflée, un énorme scorpion violait avec gravité une négresse manchote », ses découvertes hideuses dans les couloirs où rôdent sans fin les malades jetés pêle-mêle.

« Ecoute notre voix, O Seigneur » (62, Julliard, 350 p.) est une série de7 nouvelles qui se déroulent en Colombie Britannique. On y suit les voyages de cinq hommes en quête d'une improbable rédemption. Heureux ceux qui auront le courage de le suivre...

Des recueils de poésies aussi, toutes aussi noires.

Écrit par : jlv-malcom lowry | vendredi, 26 février 2010

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