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dimanche, 20 décembre 2009

Les coups de cœur du rayon jeunesse

 

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Bih-Bih et le Bouffron-Gouffron de Claude Ponti

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Après avoir publié un almanach en 2007 et un catalogue en 2008, Claude Ponti renoue ici avec la narration, narration linéaire, si tant est que ce mot convienne à une si belle avalanche de péripéties. Avalée par le Bouffron-Gouffron en même temps que son ami le champignon Filifraïme, Bih-Bih, telle l'Alice de Lewis Caroll, bascule dans le ventre immense de la bête qui a déjà englouti TOUT !

Si ce ventre immonde contient bien du monde, on n'y croisera aucun être humain mais toutes les œuvres d'art et surtout les sculptures et les monuments de tous les temps et de tous les pays, qu'il incombera à la petite héroïne pontienne de sauver. Comment s'y prendra-t-elle ? Pour le savoir il nous faut plonger, nous aussi, dans cet immense album qui se clôt magistralement sur la renaissance du monde. Un grand Ponti que l'on découvre avec émotion et qui se partage avec les enfants de tous âges.

L’École des loisirs. 28,50 €

 

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À la récré par le Weepers Circus

 

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Le Weepers Circus est un groupe de folk-rock strasbourgeois, désormais bien connu dans toute la France. On peut rapprocher le style de ses compositions de celui des Têtes Raides ou de Dionysos. Le nouvel album du groupe est sorti en novembre 2009, il s’intitule Weepers Circus à la récré et se présente sous la forme d’un livre-disque. Ce sont cinquante minutes de chansons, à écouter et à réécouter, mais aussi à lire, grâce au recueil des paroles, abondamment illustré par Tomi Ungerer. Si les illustrations du dessinateur n’ont pas été réalisées spécialement pour le livre mais puisées dans les trésors du musée Tomi Ungerer de Strasbourg, chacune d’elles se révèle pleinement accordée au texte qu’elle accompagne.

Les membres permanents du groupe, en collaboration avec des personnalités invitées – Juliette, Didier Lockwood, Roger Siffer, quelques comédiennes, une journaliste de la radio –, y interprètent des compositions originales, mais aussi deux reprises et cinq chansons enfantines traditionnelles.

Les enfants d’aujourd’hui se reconnaîtront-ils dans ce carnaval ? Fées et sorcières, ogres et princesses, Indiens et pionniers du Far West, animaux de la ferme et bêtes de la jungle, jouets et instruments de musique qui s’animent, les personnages peuplant ces chansons appartiennent-ils encore un peu à l’imaginaire de l’enfance ? Les princesses et les fées ont fait un retour en force ces dernières années. Quant aux autres, s’ils ont déserté le coeur des enfants, l’écoute de cet album suffit à leur redonner, fût-ce passagèrement, la place qui avait été la leur, et l’impression de feuilleter un chansonnier des classes d’école primaire est vite oubliée : car les interprétations du Weepers Circus débordent d’énergie, d’humour et de créativité orchestrale. Elles sont un constant démenti opposé au nom que le groupe s’était choisi à ses débuts (le Cirque des gens qui pleurent…).

L’album se présente comme une œuvre réalisée « à la récré » et les chansons qu’il contient sont saupoudrées de plaisanteries, de clins d’œil. « Vous n’avez jamais le téléphone ou quoi ? C’est le moyen âge chez vous ? » demande malicieusement Frédérique Bel entre deux couplets de « Lundi matin, l’emp’reur, sa femme et le p’tit prince », et les espiègleries de l’interprète donnent à la comptine un nouveau souffle. Ailleurs, un vers évoquant une malheureuse vieille sorcière qui s’afflige de la perte de « son chapeau pointu » se voit ponctué d’un « Poil au cucul ! » fort impertinent.

C’est la même voix mutine de Sabrina Rauch qu’on entend entre les couplets de « Coucou hibou ». Les protestations exprimées par la comédienne à chaque cri d’animal entendu alternent avec le chant des garçons du Weepers Circus, pastichant ici un choeur de bûcherons, et avec le son de leurs guitares électriques endiablées.  L’esprit bouffon, sans jamais verser dans le mauvais goût, affranchit cette comptine de toute mièvrerie. Le violon de Didier Lockwood fait merveille sur « Trois petits chats », revisité à la manière tzigane. Quant au « Gospel des gallinacés », il n’est autre que l’innocent « Rock’n’roll des gallinacés » subtilement rhabillé. Le remplacement d’un mot par un autre rend légèrement sulfureuse la comptine d’origine, dont les cot-cot-cot-codec enthousiastes constituent désormais le « god spell » des poules, dindons, oies et canards.

Les huit compositions originales de l’album allient à de savoureux textes rimés des mélodies envoûtantes. « La sorcière désespère », chantée par Caroline Loeb, et « Le coq s’en va », par Agnès Bonfillon, s’avèrent particulièrement réussies. Une chanson entièrement en alsacien (accompagnée dans le livre de sa traduction française), écrite et interprétée par Roger Siffer, patron du théâtre de la Choucrouterie, met en scène des bêtes qui partent soigner le soleil parce que la pollution atmosphérique due à l’activité des hommes l’a rendu malade… Poésie naïve mais où la rime est riche. On y apprend au passage le nom des animaux dans le dialecte de Strasbourg : chien se dit « Hund » mais aussi « Wuwuwu », vache se dit « Küej » et « Mühmuckele », dindon se dit « Welschgüller » et « Bülli Bülli », cheval se dit « Schimmel » et « Hügogo », etc. Le charme de la chanson provient en partie de cette alternance entre le nom courant et le nom enfantin des animaux.

Les enfants auront plaisir à écouter ce disque, toutes oreilles dehors, à partir de cinq ans.

 

                                                                                 Jean-Michel

 

Livre-disque publié par Balandras éditions / Éveil & découvertes / Musées de la ville de Strasbourg. 19,95 €

 

 

 

Le garçon qui ne connaissait pas la peur d’Anaïs Vaugelade

 

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C’était un conte de tradition orale, repris par les frères Grimm et bien inquiétant. On y découvrait un garçon un peu bon à rien et persuadé qu’il ferait fortune le jour où enfin il connaîtrait la peur. Dans une demeure terrifiante il partageait sa couche avec un cadavre, jouait aux boules avec des ossements et jamais ne frissonnait jusqu’à ce que…

La manière dont la peur et donc le frisson se révélaient à lui variait selon les versions.

 

Intéressons-nous maintenant à cette version, écrite et illustrée par Anaïs Vaugelade avec une belle audace et une grande force qu’elle met au service de son texte, épuré, autant qu’à celui des ses images, impressionnantes.

 

Un homme, visiblement peu fortuné, découvre au pied d’un rocher un tout petit bébé abandonné, qui tète une pierre. Notre regard ne manque pas de voir, en haut dudit rocher, une petite auto bleue, écrabouillée. Voici donc notre orphelin recueilli et élevé par cet homme. L’orphelin n’a jamais peur de rien (de quoi aurait-il peur, lui qui a déjà connu le pire ?), ce qui ne lasse pas d’inquiéter son père adoptif qui tentera maladroitement de terroriser celui qui est devenu adolescent. Echec. Le garçon chassé rencontre en chemin une jeune fille qui lui promet de l’épouser s’il ose passer une nuit dans une demeure abandonnée et de sinistre réputation. Il relève ce défi et affronte des milliers de créatures rouges à tête de crânes, leur mère aussi effrayante qu’un tyrannosaure déjanté et puis une apparition (ou un cauchemar ?) : ses parents venus le rechercher pour l’entraîner avec eux. Ils renoncent car le cœur de pierre du garçon est trop lourd pour eux et le jeune homme, au petit matin se tournera vers la jeune fille pour un baiser réparateur. Connaîtra-t-il enfin le frisson ?

 

Montrant comme grandir est parfois difficile et mettant en scène le combat entre pulsion de vie et pulsion de mort, cet album ne cherche pas à plaire et ne craint pas de déranger. C’est pour cela qu’il nous a impressionnés et que nous avons envie de vous le conseiller. Mieux vaut un bon affrontement plein de sens que des mièvreries sans raison, comme il en déferle bien trop dans les livres pour enfants. Décidément, Anaïs Vaugelade a du culot et du talent !

 

L'École des loisirs

12,50 €

 

 

                                                                                                 Claude

 

 

 

 

Hänsel et Gretel de Jacob et Wilhelm Grimm

et Lorenzo Mattotti

 

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Le conte des frères Grimm est scandé par les grandes images en noir et blanc de Lorenzo Mattotti, dont chacune couvre deux pleines pages en vis-à-vis. Dès le premier abord, le lecteur ressent la force du contraste ainsi créé entre le texte, composé en petits pavés, cerné de vastes marges immaculées, et les amples illustrations très sombres.

L’écrivain Jean-Claude Mourlevat propose une excellente mise en français de ce conte de Grimm. Certes, vers la fin du conte, la traduction du verbe sagte par « trouva », au lieu d’un simple « dit », est plutôt maladroite. En revanche, lorsque la marâtre sermonne son mari ou son beau-fils en les qualifiant l’un et l’autre de « Narr », alors que  les traductions antérieures donnaient « Fou » ou « Pauvre idiot / Petit idiot », celle-ci porte « Imbécile » et ce mot unique et répété exprime de la meilleure façon possible le personnage de la belle-mère égoïste et sans cœur, dure envers tous ses proches.

En profond accord avec la logique secrète du conte, Lorenzo Mattotti privilégie les scènes nocturnes et les profondeurs d’une forêt aux troncs tourmentés et enchevêtrés. Les personnages sont presque toujours montrés de dos et de loin, ou réduits à l’état de silhouettes. Le seul qui soit représenté de face et à l’avant-plan d’une image est le père, mais son visage est avalé par l’ombre, le pinceau n’épargnant qu’un triangle de surface blanche qui révèle le profil du nez et un seul des deux yeux, inscrit au milieu de ce triangle. La psychologie est éludée au profit du symbole.

 

Pas vraiment d’« effet zèbre » ici : on voit bien que le fond des pages est blanc et que  l’encre noire cherche à éteindre l’éclat de cette blancheur, à en fragmenter la surface, à l’envahir et à la submerger. Cette technique est pleinement justifiée, puisque tout le conte met en scène le combat de la pureté des enfants avec la noirceur de leurs désirs inconscients – dont celui d’être débarrassés de leur belle-mère.

On est frappé par la taille démesurée des édifices, qu’il s’agisse de la maison du « pauvre bûcheron » ou de la « maisonnette » de la méchante sorcière, faite en pain et en gâteau, laquelle ressemble ici tantôt à un temple khmer, tantôt à une église. De plus, l’art de Mattotti rend l’un et l’autre logis plus grands à l’intérieur qu’ils ne l’étaient extérieurement. Le gigantisme du lit où dorment les enfants, et la séparation de la demeure du bûcheron en deux immenses pièces communicantes, trahissent la lettre du texte, d’où il ressort que parents et enfants dorment évidemment dans la même chambre, mais suggèrent à merveille l’isolement affectif qui pèse sur Hänsel et Gretel. Si les dimensions données à la maison du bûcheron, du moins lorsqu’elle est montrée de l’extérieur, peuvent résulter d’une interprétation erronée du texte, l’irréalité volontairement accentuée de la maison de sorcière (maison comestible, puis maison cannibale) aide le lecteur à deviner que les enfants ont pénétré dans l’espace du fantasme interdit, et que peut-être les deux maisons n’en font qu’une.

 

 

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La reconquête de la pureté par Gretel et par Hänsel, après qu’un canard blanc les a portés sur l’autre rive d’un large cours d’eau, aurait-elle gagné à se traduire par une image finale au ciel moins enténébré ? Ce couvercle de ténèbres s’explique pourtant par la présence des bouillons de fumée noire qui s’échappent de la cheminée – traduction graphique très suggestive de la phrase : « et sa femme était morte ». On se rappellera peut-être que c’est dans un four que la sorcière cannibale avait été précipitée par Gretel… Les deux dernières illustrations font place à des zones de blanc qui sont de plus en plus larges et dynamiques, la dernière avivant l’éclat du papier comme ne le faisait aucune des précédentes.

Spontanées mais témoignant d’une maîtrise technique éblouissante, ces images nous offrent de prodigieuses compositions et sont enfin au diapason de l’épouvante dont le conte nous communique le sentiment. Les choix graphiques de Mattotti apportent à Hänsel et Gretel un surcroît d’« inquiétante étrangeté », qui ne fait que renforcer le pouvoir de fascination de cette ancienne histoire.

Nous avons affaire à un chef-d’œuvre : un chef-d’œuvre austère. Il serait beau que l’imaginaire des enfants de cinq ans d’aujourd’hui soit durablement marqué par ces dessins de Mattotti, tout comme l’imaginaire des enfants des deux derniers siècles avait reçu l’empreinte de quelques dessins non moins sombres de Gustave Doré.

 

                                                                                                     Jean-Michel

Gallimard. 17 €

 

 

La plus belle fille du monde d’Agnès Desarthe

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Sandra, quatorze ans, vit seule avec sa mère. Elle est inséparable de Fleur, d’Allison et d’Etienne, surnommé Mon Commandant, jusqu’au jour où arrive dans leur classe Liouba Gogol, sans doute la plus belle fille du monde…

Résumer ainsi ce roman délicieux d’Agnès Desarthe le rendrait semblable à des centaines d’autres, et donc ce serait le trahir.

Recommençons :

Sandra, 14 ans, décide d’écrire le roman de sa vie, au moment où ce qui la fonde, son amitié avec Fleur, Allison et Mon Commandant, risque de voler en éclats parce qu’arrive dans leur classe une certaine Liouba Gogol, sans doute la plus belle file du monde. Tout au long du récit, dont la narratrice est Sandra, nous découvrons ce qu’elle vit, ressent ou imagine à travers ses hésitations choix et repentirs d’apprenti écrivain. On est à ses côtés alors qu’elle fabrique son roman et affronte toutes les difficultés auxquelles tout romancier est confronté : temps du récit, vérité et mensonge romanesque, difficulté de trouver l’expression juste… Le sujet principal de ce roman c’est l’art du roman. Agnès Desarthe excelle à prêter sa plume experte à cette adolescente pleine d’humour qui questionne sans cesse ses proches parce que tout dans la vie la questionne : « L’enfance. À quel moment tu as su que c’était fini ? » demande-t-elle à sa mère. Et elle conclut son récit avec humour sur cette autre question, tout aussi importante : comment savoir qu’un roman est terminé ?… Commencer, continuer, finir, affronter le PDP (le poids du passé) tout cela mobilise l’esprit de Sandra et lui laisse peu de temps pour son travail scolaire…

 

La vivacité d’esprit de l’auteur et de son héroïne font qu’on meurt d’envie de les citer tant on a souri en lisant ce joli roman, moins léger qu’il n’y parait, mais on se retiendra pour vous laisser tout le bonheur de la découverte et de la délectation. On vous dira juste, pour conclure, que la plus belle fille du monde n’est pas forcément celle que l’on croit.

 

                                                                                                       Claude

 

L'École des loisirs (Médium)

9 €

 

 

 

Marilyn Rouge de Rascal,

illustrations de Louis Joos

 

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Un road-movie à hauteur d'enfance. Un jeune garçon et son oncle, à bord d'un gros poids lourd la « Marilyn rouge », traversent la France et roulent jusqu'à l'Espagne, jusqu'à la mer. Un beau voyage initiatique servi par l'écriture poétique et pudique de Rascal et par les images éblouissantes de Joos, qui excelle à peindre le noir du ciel et le noir du goudron éclairé par le scintillement des phares. Une belle envie de voyage saisira petits et grands à la lecture de cet album.


 

 

Pastel. 18,50 €

 

 

 

 

On va au parc ! de Fabian Negrin

 

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Plus de bruits  que de mots dans ce petit album très dynamique.

« On va au parc ? je demande », dit en sautant à pieds joints ce petit garçon impatient. Il répète de page en page ce souhait insistant, en vain, car son papa dort… et ronfle...  Rrrrrrrrrrrrzzzzzz… Mais  l’enfant ne se résigne pas et empoigne son tambour : Ratatata tatatam ! puis le mixeur, l’aspirateur… et tout ce qui lui tombe sous la main. Une belle  accumulation de gestes et d’onomatopées envahit chaque double page, tandis que le papa ronfle, encore et encore : Rrrrrrrrrrrrrzzzzzzzzzz. Le dessin, coloré, expressif, sied à cette joyeuse saynète où on frôle la catastrophe mais où tout s’achève dans la bonne humeur. Si vous voulez savoir qui a enfin réussi à réveiller ce papa, racontez donc à votre tour cette histoire où tout s’enchaîne comme dans une joyeuse farandole, comme dans une tonitruante tarentelle, et souriez vous aussi ! Le jeune enfant à qui vous lirez cet album s’emparera à son tour des nombreuses onomatopées réitérées de page en page et les prononcera joyeusement pendant que vous savourerez la page où l’image parvient à exprimer le silence retrouvé. Une belle réussite !

 

 Ed. du Rouergue. 13 €

 

 

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À suivre…

 

 

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