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samedi, 15 janvier 2011
Lecture à deux voix :
en partenariat avec le Théâtre de la Manufacture
Lecture
Que font les rennes après Noël ?
Olivia Rosenthal
Editions verticales
Vendredi 21 janvier 2011 à 18 h précises
Vous êtes-vous déjà demandé ce que font les rennes une fois leur travail terminé ? Non ? Alors ne ratez pas cette rencontre. Même chose d'ailleurs pour ceux qui se sont déjà posé la question, car Olivia Rosenthal et Christine Koetzel vont nous régaler d'une lecture à deux voix.
Rappelons que la comédienne nancéienne a mis en scène le précédent livre d'Olivia Rosenthal On n'est pas là pour disparaître (paru chez Verticales et en folio) représenté au CCAM de Vandoeuvre du 18 au 23 janvier.
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Avant d’aller pour une paire de semaines dans le nord-est de l’Iran, un petit inventaire des auteurs contemporains de ce pays, ou tout au moins des auteurs dont il existe des traductions en français, ce qui restreint fortement les candidats. Je ne parlerai pas des auteurs de poésie persane (ou en farsi) des siècles passés.
Parmi eux, Abū-l-Qāsim Manṣūr ibn Ḥasan al-Ṭūṣī, plus communément appelé Ferdowsi ou Firdoussi, dont « Shâh Nâme » (le livre des Rois) est la grande épopée iranienne en 60000 vers, au X siècle, Nizami, dont le nom complet est Nezam al-Din Abu Mohammad Elyas Ibn Yusuf Ibn Zaki Ibn Mu’ayyad Nezami Ganjavi, au XII siècle, auteur du « Khamsa » (Cinq Poèmes), et surtout de « Khosrow o Shirin » (soit « Khosrow et Shirin » dont on retrouve trace dans le livre de Shahriar Mandanipour, relaté plus loin), Khouajeh Chams ad-Din Mohammad Hafez-e Chiraz ou Hafez, ayant vécu à Chiraz en 1300 et quelques, auteur du « Divan » qui rassemble quelques 600 histoires, et qui vont influencer le grand Goethe et quelques autres eu XVIII lors de la période « orientaliste » (cf les 1001 nuits traduites en 1710 par Antoine Galland et rassemblées dans les 41 volumes du « Cabinet des Fées » de Charles Joseph de Mayer (4 m linéaires dans ma bibliothèque, un régal). Omar Khayyam poète, mais aussi mathématicien (le prince des équations cubiques) et astronome (l’introducteur de l’année bissextile), familier de Nichapur (là où il y a aussi des turquoises superbes et dont les losanges de son mausolée rappellent les mathématiques) avec ses « Quatrains », Attar avec « Le mémorial des Saints » et « La conférence des oiseaux » ou « Le livre des secrets », Rûmi « Mesnâvi » et finalement Abū-Muḥammad Muṣliḥ al-Dīn bin Abdallāh Shīrāzī ou Sa'adi auteur de « Bustan » et de « Golestan » (et je dois en oublier un nombre certain).
Voyons donc quelques écrivains contemporains, qui doivent passer la censure du Ministère de la Culture et de l’Orientation Islamique, d’une part (et on y verra le redoutable M. Petrovitch dans le roman de SM), ou de la Campagne contre la Corruption Sociale, qui agit dans la rue. La liste paraitra surement très hétérogène. J’ai essayé de lire ce que je trouvais de ces auteurs, avec quelquefois des textes très différents. Cela va des écrits fantastiques (et très pessimistes) de Sadeq Hedayat (« La Chouette Aveugle » entre autres) à des choses textellement d’avant-garde, comme le « QesKes » de Réza Barahéni, donné au Festival d’Avignon, qui parle de l’inimpossibilité romanesque ou poétique, en passant par le roman policier de Naïri Nahapétian « Qui a tué l'ayatollah Kanuni ? », les récits pour la jeunesse de Houshang Moradi Kermani, ou ceux que je qualifierais de roman à l’eau de rose (d’Ispahan bien sur, si je puis me permettre ce très mauvais jeu de mots) de Zoyâ Pirzâd (« Le Goût âpre des kakis »).
J’ai parlé plus haut de Réza Barahéni. Cet auteur m’a paru particulièrement intéressant, avec plusieurs livres qui ont retenu mon attention. J’ai donc commandé ces livres, dont certains datent d’une dizaine d’années. De plus, un important dossier sur « QuesKes » me parait devoir être décortiqué plus en détail. Il y aura donc une critique séparée pour cet auteur dès que j’aurai pu digérer son œuvre. A vrai dire la quinzaine de pages qui suivent donnent déjà de quoi lire.
-------------------------- Shahriar Mandanipour --------------------------
Shahriar Mandanipour est un auteur iranien, né en 57, à Chiraz, Iran, actuellement il réside aux USA depuis 06. Après des études de sciences politiques à l’Université de Téhéran, il s’engage durant la guerre Iran-Iraq, puis exerce le métier de journaliste et de direction de divers centres de recherche ou bibliothèques.
Auteur de neufs volumes de nouvelles, essais et romans, il remporte le Prix Mahregan pour la meilleure nouvelle pour enfants en 04 et le prix de la meilleure critique de film au Festival de films de Téhéran (94). On retrouve cette passion pour le cinéma dans son roman « En Censurant un Roman d’Amour Iranien »
Parmi les recueils de nouvelles, non traduits du farsi , que ce soit en anglais ou en français, on trouve « Shadows of the Cave » (Ombres de la Caverne) publié en 89, « The Eighth Day of the Earth » (Hashtomin Ruz-e Zamin) (le Huitième jour de la Création, 92), titre que l’on retrouve dans « Censurant.. »,), « Mummy and Honey » (Mumiyâ va Asal )(Mère et Miel, 96), « Midday Moon»( Mâh-eNimruz ) (la Lune de midi, 97), « The Courage of Love » (le Courage de l’Amour, 98) « Violent Orient » (Rang-e Atash-e Nimruzi) (Orient Violent, 99), « Ultramarine Blue » (Bleu Outremer, 03) (qui reprend les évènements du 9 septembre. Toutes ces œuvres étant des romans ou nouvelles. Un essai « Shahrzad’s Ghosts » (Les Fantomes de Shahrzad, 04) parle de la création littéraire, et enfin le roman dont il va être question ici.
Publié en 09 « Shargh-e Banafsheh », (littéralement : A l’est du violet) et traduit en anglais par « Censoring an Iranian Love Story » (09, Knopf, 304 p) traduit en « En censurant un roman d’amour iranien », qui vient d’être publié au Seuil (11, Seuil, 408 p.). il a été également traduit en italien, allemand et polonais.
Il faut dire que SM est arrivé à Brown University en 06, en tant que gagnant du troisième International Writers Project (IWP), programme qui lie Brown University et un auteur. Cela d’autant que SM est interdit de séjour en Iran après avoir été interdit de publication de 92 à 97. Il devient alors éditeur en chef de « Asr-e Panjshanbeh » (Thursday Evening), un mensuel littéraire à Chiraz de 99 à 09, date de l’interdiction de la publication.
Le roman « En censurant un roman d’amour iranien » est en fait une histoire imbriquée de trois ou quatre histoires, chacune représentée par une police différente, normale, en gras, ou en italique.
La partie strictement du roman d’amour entre Sara et Dara est en gras. Les éléments devant poser problèmes à la censure sont déjà barrés. Il s’agit des faits ayant une connotation sexuelle évidente (un bras nu ou des cheveux féminins par exemple). Bien sur, tout ce qui se rapporte aux échanges entre les deux amoureux est banni, et donc barré par l’auteur avant de subir les foudres du censeur, M. Petrovitch. Les parties intermédiaires entre ces portions en gras concernent les différents commentaires de l’auteur, SM. On y trouve un peu de tout, depuis des explications sur la censure elle-même, ou sur les différentes explication des mots ou scènes interdits. S’y glissent malicieusement quelques réflexions, souvent amusantes sur la philosophie qui sous-tend cette censure (ou qui concernent les différentes dispositions) qui règlent la vie des iraniens. (Me voila donc averti, sinon instruit, avant d’aller séjourner dans ce pays).
L’histoire de Sara et de Dara est somme toute relativement simple, sauf qu’en Iran, il est interdit à deux personnes de sexe opposé de se parler en public (à plus forte raison, d’avoir des relations que la morale ou qu’une des patrouilles de la Campagne contre la Corruption Sociale réprouvent). Créatifs, comme tous les amoureux du monde, ils correspondent tout d’abord par des lettres pointées dans des livres empruntés à la bibliothèque (section masculine et section féminine respectivement). C’est ainsi qu’on voit apparaître « La Chouette Aveugle » dès la page 30 (cf plus loin à propos de Sadeq Hedayat). D’autres ouvrages adorés par SM suivront (« Blanche Neige et les sept nains » aussi, quoique j’en connaisse une version cinématographique…), comme autant de pistes pour le lecteur. Voila pour les passages en gras.
On peut noter au passage que les prénoms Sara et Dara sont ceux de personnages utilisés dans les livres pour apprendre les lettres aux enfants (donc hautement subversifs).
Les passages en gras, mais barrés, ont naturellement un caractère pornographique, que je ne saurais relater sur ce site. (Je sais que Jean Bernard y veille tout particulièrement). Mais comme Jean Bernard n’est pas le Ministère de la Culture et de l’Orientation Islamique, je citerai ce passage, qui me parait être du plus mauvais gout : « Je sais pertinemment qu’il est impossible qu’on vous ait chargée de faire un travail sur La Chouette Aveugle à l’université » ou cet autre passage, il est vrai détaché de son contexte, je m’en excuse « (il) s’allongea sur son lit » ou « J’aimerais avoir le pouvoir du comte Dracula ». Voila donc pour les passages quasi expurgés.
Le reste du livre contient, en caractères et polices normaux, les réflexions et commentaires de l’auteur SM, ainsi que parfois quelques passages personnels. Tels ceux qui concernent sa difficulté d’appeler sa fille Baaraan (pluie en farsi), née en 83, et son garçon, alors que les autorités vont enregistrer Raja, et non Roja (étoile du matin), pour la fille, et Daniel, né en 93 au lieu de Mahaan (oasis) pour le fils, donc ayant chacun un prénom communiste et juif. Cela fera tout un chapitre (p. 71-77). On trouvera aussi longuement expliquée l’histoire de « Khosrow et Shirin ». C’est un conte d’amour entre le roi Sassanide, Khosrow II, appelé aussi Khosrow Parwis, et d’une princesse chrétienne prénommée Shirin. Cette histoire, qui se trouve déjà dans le « Shâhnâmeh » (Le Livre des Rois, en persan), fut reprise par Nezami Ganjavi, au XIIe siècle. On trouve encore trace du « Huitième jour de la Terre », le livre de nouvelles qu’il fera paraître, avec difficultés en 92.
Les parties en italique concernent soit des citations, soit un dialogue visuel (par l’entremise des yeux) entre Sara et Dara, qui se déroule sur deux pages (et entre quatre yeux, soit un œil par demi page), et qui est donc transcrit par SM.
------------------------ Houshang Golshiri -----------------------------------
Houshang Golshiri (ou Houchang Golchiri, selon une version française), auteur iranien né à Ispahan en 38. Il grandit à Abadan, sur l’Euphrate, près de son delta. De 55 à 74, il enseigne en tant qu'instituteur dans les villages entourant Ispahan, où il obtient une licence de farsi à l’Université d’Ispahan. C’est aussi à cette époque qu’il commence à écrire et fonde un magazine littéraire « Jong-e Esfahan » qui va durer de 65 à 73. Après un voyage aux USA, il rentre en Iran et se marie en 78 avec Farzaneh Taheri, une critique littéraire, très active dans l'Association des écrivains iraniens. Elle édite ses livres. Il meurt des suites d’une longue maladie en 00.
Cette association, interdite en 81 par le régime islamiste, a pu ré-ouvrir en 98, mais ses membres sont souvent inquiétés et arrêtés - Nazanin Khosravani, Fariborz Rais Dana, Hadi Heidari (en décembre 10) - ou simplement assassinés - Mohamad Makhtari et Mohamad Jafar Pouyandeh (en 98) -.
Sa bibliographie officielle compte une bonne douzaine de romans et nouvelles Mesl-e hamisheh (Comme toujours) (68), Shazadeh Ehtejab (Le Prince Ehtejab) (68), Keristin ba Kid (Christine et l'enfant) (71), Namazkhaneh-ye kuchek-e man (Ma petite pièce pour prier) (75), Barreh-ye Gomshodeh-ye ra'i: (jeld-e Avval) tadfin-e Zendegan (L'agneau égaré de Monsieur Ra'i (vol.1) : Enterrement du vivant) (77), Massoum-e Panjom (Le cinquième innocent) (80), Jobbeh'khaneh (L'antique maison) (83), Hadis-e Mahigir va Div (L'histoire du pêcheur et du démon) (84) Panj Ganj (Cinq trésors) (89), Jen Nameh (Histoire du démon) (98), Jedal-e Naghsh ba Naghash (Combat du dessin avec le dessinateur) (98), Bagh dar Bagh (Jardin dans le jardin) (99).
« L'agneau égaré de Monsieur Ra'i » (77), « Comme toujours » (73), « Ma petite chapelle » (75) et « Arsenal » (73) sont tous parus à l’Harmattan.
C’est évidemment « Le Prince Ethejab » qui le fait connaître au monde et qui lui vaut d’être arrêté par la dynastie Pahlavi, le shah de l’époque. (En fait il a déjà été arrêté par la Savak, la police politique, en 62 pour campagne contre le shah). Le livre raconte en effet l’histoire de la décadence de l'aristocratie, et présentant en filigrane, les raisons pour lesquelles la monarchie est inaproppriée pour l'Iran. On peu comprendre la réaction du pouvoir, d’autant plus que le succès du livre a donné lieu à un film télévisé. (La monarchie tombe en 79).
En 90, sous le pseudonyme de Manuchehr Irani, il publie une nouvelle « King of the Beknighted » dans laquelle il s’en prend violement à la monarchie iranienne, à la littérature persane mais surtout au parti Tudeh (très lié au parti communiste russe de l’époque) et à la République Islamique.
« Le Prince Ehtejab » (90, L’Harmattan, 115 p). Longue histoire éditoriale de ce livre, fini en 59, et qui ne sera publié qu’en 68. (On en parle dans le roman de Shahriar Mandanipour.). Tout part de la vision de la canne de Réza Shah, le fondateur de la dynastie des Pahlavi. Il devient shah d’Iran de 25 à 41, avant une période d’exil après la guerre, pour collaboration avec les allemands, et avant que ne lui succède Mohammad Reza Palhavi jusqu’en 79.
Donc HG va reconstituer l’histoire de cette canne, usée à son extrémité, à force d’avoir frappé des gens aux chevilles. Il part tout d’abord de l’époque de la dynastie Qajar (1786-1925), dynastie d’origine turkmène, à l’est de l’Iran (des personnages avec des moustaches fort remarquables) et qui voit l’Iran perdre de son importance, en tant qu’état partagé entre les dominations russe et britannique.
On assiste alors à un conflit qui va opposer le prince Ethejab à d’une part sa femme morte Fakhri et d’autre part sa maitresse Fakhronessa. Il va parler de Fakhri pour connaître Fakhronessa et celle-ci va dans les livres pour que le prince puisse se connaître. Cette dualité Fakhri/Fakhronessa illustre les problèmes créés par la rencontre entre épouse traditionnelle et modernité.
« Le Roi Des Noir-Vêtus » (02, Editions de l’Inventaire, 109 p). Il s’agit de la traduction de « King of the Beknighted ». L’action se passe entre 73 et 82, soit à la fin du régime du shah, et au début de la République Islamique. En effet l'ayatollah Khomeini, en exil à Neauphle le Château, près de Paris, retourne en Iran en février 79 et prend le pouvoir à cette époque en installant un régime théocratique.
Le poète est en prison, mais il récite à ses codétenus «La Coupole Noire » extrait des « Sept Princesses » (Haft Paykar, 1191) de Nezami Ganvaji, soit de son nom complet Nezam al-Din Abu Mohammad Elyas Ibn Yusuf Ibn Zaki Ibn Mu’ayyad Nezami Ganjavi, poète persan proche de l’Azerbaïdjan. C'était un roi puissant et grand... Mais malheurs avait-il vus, endurés. Quelque oppression le fit vêtir de Noir... Un autre prisonnier, Sarmad, jeune repenti, purifié par l’évocation d’une union mystique avec la divinité, offre en retour sa chemise noire au poète. Celui-ci peut alors reprendre, comme roi du conte, sa quête au pays des Noirs-Vêtus.
« Chronique de la victoire des mages » (97, Editions de l’Inventaire, 75 p) dont le titre original est « Fath-nameh-ye-moghan », (89, Arash Tryck e Verlag, Suède). C’est un court récit tiré d’un recueil avec quatre autres nouvelles. Le texte français, lui n’en contient qu’une, et une postface. Cela raconte les journées d’émeutes à Téhéran, avec au début la destruction d’une statue équestre du shah par Barât, tavernier qui sert du vin de Chiraz. Le tout s’effectue sous « le bleu du ciel », expression qui revient trois fois, lors de la chute de la statue, lors des coups de fouet à Barât, et lorsque la foule boit et danse. Hélas, ces jeunes révolutionnaires ne se doutent pas qu’ils font le jeu des mollahs et que dans peu de temps, après un nombre certain de coups de fouet, ils n’auront ni vin, ni libertés.
--------------------------- Sadeq Hedayat ---------------------------
Peut être aurais-je du commencer par lui. Je me souviens de « La Chouette Aveugle » (53, José Corti, 200 p), petit livre à la couverture blanche et au titre vert, que José Corti cachait dans ses innombrables rayons. Assis au fond de sa boutique, en face du Luxembourg, il se levait alors et proposait même des livres de sa maison, sur un étage à gauche, près de la fenêtre, livres que l’imprimeur avait plus ou moins mis au rebut. Il est vrai qu’à cette époque, il n’y avait pas trop de publicité pour les éditions Corti (pas trop de lecteurs non plus).
Donc Sadeq Hedayat, iranien, né à Téhéran en 1903, mort par suicide au gaz à Paris en 51 et enterré au Père Lachaise. Il était le petit-fils du poète et critique Reza Qouli Khan dont Gobineau parlait « J'ai vu dans un dîner Ryza Kouly Khan, ancien gouverneur du frère du roi, ambassadeur á Bokhara, historiographe, grammairien et poéte excellent en persan littéraire et en dialecte. C'est un des hommes les plus spirituels et les-plus aimables que j'aie rencontrés dans aucune partie du monde » dans « Trois ans en Asie » (80, Métaillé, 372 p), mais c’était après « L’Essai sur l'inégalité des races humaines ».
Publié chez Corti dans la petite collection « Littérature Etrangère » ainsi que « Enterré Vivant », « L’Abime et autres récits », « L’eau de jouvence », « Madame Alavieh » et les admirables « Les Chants d’Omar Kayyam », poète que SH admirait (c’était d’ailleurs le seul qui vraiment lui plaisait).
Quelques titres sont également sortis chez d’autres éditeurs. Ainsi « Trois gouttes de sang » (88, Phébus, 192 p), « La Griffe, et Lâleh » (89, Phébus dans Caravanes), « L’Homme qui tua son désir » (98, Phébus, 245 p) et « Hadji Agha » (96, Phébus, 192 p).
José Corti disait de lui : « C’est un livre d’une atmosphère lourde, oppressante, dans lequel le maléfice d’un rêve s’insinue dans la réalité, l’enveloppe, se noue à elle – et l’écrase. Ce n’est pas un cauchemar que narre un conteur habile, mais une obsession que celui-ci fait partager et à laquelle je ne sais pas que lecteur ait jamais pu échapper. » A sa sortie, le livre est salué par André Breton et Henri Miller (excusez du peu).
Pour en revenir à « La Chouette aveugle » (Bouf-e Kour dans le titre original), le livre raconte en fait les hallucinations d’un fumeur d’opium. Ce dernier est poursuivi par des souvenirs d’une existence antérieure qui interfèrent violement avec ceux de sa vie présente. Il devient alors extrêmement difficile de séparer un avant et un après dans l’histoire, de distinguer entre le surnaturel et le naturalisme sordide, ou entre le rêve, l’imaginaire et l’existence réelle. (C’est bien ce qui plaisait à André Breton, bien que SH n’ait jamais vraiment reconnu cette filiation du surréalisme.) « Je n’écris que pour mon ombre projetée par la lampe sur le mur ; il faut que je me fasse comprendre d’elle. »
A l’époque, le Tudeh (très lié au parti communiste soviétique) domine le monde intellectuel iranien. On est dans les années 50 en plein début de la guerre froide. Il va donc tenir SH à l’écart de l'intelligentsia iranienne pendant une bonne quarantaine d’années, jusqu’à la chute du Mur de Berlin en fait. Comme quoi il n’y a pas que les intégristes qui soient autant bornés et raides dans leur idées. (L’opium du peuple est disponible sous plusieurs formes). Aujourd'hui, en Iran, tout le monde est derrière Hedayat. Dès qu'on n'ose pas parler clairement contre la révolution islamique, on le lit. Il est d’ailleurs abondamment cité dans « Censurant… ». On peut citer ses phrases contre les imams car ils n'ont pas changé. Il est d’ailleurs recommandé de lire et d’apprendre l’incipit : « Il est des plaies qui, pareilles à la lèpre, rongent l’âme, lentement, dans la solitude. Ce sont là des maux dont on ne peut s’ouvrir à personne. Tout le monde les range au nombre des accidents extraordinaires ».
L’histoire court sur deux chapitres, séparés par deux pages et un autre chapitre final de deux pages. On va donc découvrir dans ce petit livre la description d’un cadavre d’une jeune femme en décomposition ainsi que le plaisir du boucher d’en face quand il équarrit les bêtes attachées au croc de son étal. Le raccourci est saisissant. De même on assiste à l’effroi d’un homme, son père ou son oncle (on ne sait plus trop), qui passe la nuit enfermé dans une pièce dans laquelle se trouvait un naja (c’est si gentil ces petites bêtes là) et qui en ressort vivant mais avec les cheveux blanchis et à l’esprit quelque peu égaré.
Une adaptation au cinéma en a été effectuée par Raoul Ruiz en 87.
« L’eau de Jouvence » (96, José Corti, p) maintenant, comporte six récits.
« S.G.L.L. » (33) est une forme d’utopie ou plutôt l’inverse d’une utopie dans laquelle la société devient vraiment terrifiante. L’évolution des sciences et techniques dans le futur résulte en un cauchemar. Et pourtant l'homme avait vaincu la vieillesse, la maladie et la misère. Mais la lutte pour la vie devient très vite une lutte pour la mort. Tout commence comme dans un conte, celui du cordonnier qui avait trois fils : Hassani le bossu, Hosseyni le chauve et Ahmadak, le petit dernier. L’aîné, Hassani, est guérisseur et prestidigitateur ; le second, Hosseyni, bon à tout faire et bon à rien. Ahmadak, le cadet, travaille dans une droguerie, est le favori de son père de par sa conduite irréprochable.
« Afarin-gan » (33) (La prière des morts) plonge le lecteur dans la « Tour des Morts », où il apparait que l’enfer des défunts est pire que celui de la vie. « Tout n’est qu’illusion ! Une poignée d’ombres, les produits d’un cauchemar monstrueux, d’un rêve d’opiomane ».on se trouve rapidement plongé chez les morts sous dominance de la religion de Zoroastre. Leur situation est épouvantable. « Quelle vie, ou plutôt quelle mort douloureuse! ». « Sur terre encore, il reste un espoir de fuite: la mort! Mais, il n'y a même plus cette solution, ici. ».
« Cul-de-Sac » (42) Un vieil homme, sans aucune illusion, va être le témoin de la répétition de l’événement qui l’a détruit.
« L’Eau de jouvence » (44) La soif de l’or et le besoin de drogue (alcool ou opium) dans une version nouveau style du conte.
« Lunatique et Sampingué » (36) retour en Inde (celle de « La Chouette Aveugle ») avec tous ses maléfices.
« La Dame Alavieh » (97, José Corti, 172 p). L’utilisation du folklore comme base du récit. Tout part des pèlerinages vers les lieux saints pendant lesquels des troupes de comédiens donnent des représentations souvent identiques aux mystères médiévaux. À chaque étape, les montreurs d’images déroulent petit à petit, une toile de plusieurs mètres de long, qui fonctionne en quelque sorte à la manière d’une bande dessinée ou d’un film primitif. Dix-neuf histoires sont relatives à la geste particulière de l’Islam chiite. On retrouve l’Achoura, soit le martyre de Hossein dans lequel la fille de l’Imam Ali et de Fatima, la sœur de l’Imam Hassan et de l’Imam Hossein, jouent un rôle important. On assiste aussi au retour messianique de l’Imam Caché, qui est en quelque sorte leur Messie. (De nos jours, le Guide suprême iranien Ali Khamenei a déclaré que l'ordre mondial actuel, conduit par l'Occident et les États-Unis, contrevient aux décrets d’Allah, et, par conséquent, il s’effondre sous nos yeux. Conjointement, Khamenei aurait dit à ses collaborateurs que l'Imam caché lui est apparu et a promis son retour au cours de son mandat comme Guide suprême.)
« Les Chants d’Omar Khayam » Hommage à ce poète, mathématicien et astronome des cinquième et sixième siècles de l’Hégire (vers 1050-1123 ap. JC.), qui vécu à Nichapur, à l’est de Téhéran et près de la ville sainte de Meched, quasi à la frontière avec le Turkmenistan. Deux particularités pour cette ville de Nishapu : son monument aux losanges en l’honneur de Khayam, et ses mines de turquoises. Ces dernières sont classées en trois catégories Angushtari, Barkhaneh et Arabi, selon leur couleur du bleu profond au bleu vert. J’ai déjà dit la célébrité de Omar Khayam, vis-à-vis des équations cubiques (et de leur tracé pour l’extraction des racines). J’ai également parlé de l’année bissextile, qu’il a estimé à 365.24219858156 jours (pas une décimale de moins, la valeur actuellement admise est de 365.242190 jours.
On a donc, grace à SH, une édition critique des Chants de Khayam, à laquelle il travailla en 1923, âgé de vingt ans.
Ainsi le quatrain 41
« A l’océan la goutte d’eau s’était mêlée / Une poussière au sol s’est de nouveau collée. / Peux-tu dire pourquoi tu vins en ce bas monde ? / Une mouche est venue et puis s’est envolée. »
Et le 43
« Une coupe où l’esprit voudrait sans fin puiser, / Dont il couvre le front de cent et cent baisers…/ Quoi ! l’éternel potier qui fit cette merveille, / La précipite à terre afin de la briser ! »
« Enterré Vivant » (86, José Corti, 97 p). Une longue introduction et préface (sans noms d’auteurs), le tout sur 28 pages ainsi que la bibliographie complète sur 12 pages réduisent la nouvelle à une cinquantaine de (petites) pages (le petit format des livres de chez Corti).
Le tout commence par des « Extraits des notes d’un fou ». Il s’agit d’un homme d’un certain âge, à Paris, près du cimetière Montparnasse, aux tendances suicidaires fortement marquées. (On pense immédiatement à SH, bien que ce dernier, habitant rue Championnet, dans le 18eme, était plus proche du cimetière de Montmartre). Long délire tragique avec référence à des poisons manifestes (opium, cyanure de potassium…).
-------------------------------------- Zoyâ Pirzâd -----------------------------------
Zoyâ Pirzâd, iranienne, est née en 52 à Abadan, là où Houshang Golshiri a grandi, sur l’Euphrate, près de son delta. Son père est iranien mais d'origine russe par sa mère et sa mère est arménienne. Elle débute sa carrière d'écrivain après la révolution de 79. Elle est maintenant partagée entre l'Iran et l'Arménie
Son premier recueil de nouvelles, « Comme tous les après-midi » (07, Zulma, 149 p) (90, Mesl-e ham-e esr-ha) est suivi par un deuxième recueil, « Le Goût âpre des kakis », (97, Ta-am ges kharmalu) (09, Zulma, 218 p), puis un premier roman « Un jour avant Pâques » (08, Zulma, 138 p) (Yek ruz mande be eid pak).
Deux romans suivent : « C'est moi qui éteins les lumières », (11, Zulma, sous presse) traduit de « Cheragh-ha ra man khamush mikonam » en 01 et « On s'y fera » (07, Zulma, 331 p) (Edat mikonim). Tous ont été publiés, ou vont l’être, chez Zulma.
Zoyâ Pirzâd est aussi traductrice d’Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll (le célèbre Charles Lutwidge Dodgson), mathématicien et logicien de son état (lisez « Logique sans peine » (72, Hermann, 288p) avec de superbes illustrations de Max Ernst).
« Le Goût âpre des kakis ». Cinq courtes nouvelles qui illustrent la vie quotidienne en Iran de nos jours. On y voit des femmes qui travaillent et d’autres qui restent à la maison, comme dans beaucoup de pays, sauf qu’ en Iran, la famille est très envahissante.
« Les taches », une sombre histoire de taches que divers produits, dont des succédanés d’eau de javel, ont du mal à venir à bout. Naturellement, mère et tantes ont des recettes miracles….
« L’appartement » une sombre histoire d’appartement à vendre, et pour lequel Mahnaz n’arrive pas à se décider.
« Le Père Lachaise » Taraneh vient de se fiancer avec Morad, mais celui-ci lui pose des lapins (pas de « Fellini Roma » pour cette fois).
« L’Harmonica ». Un restaurant de kébabs et des journées de pêche commune.
« Le gout âpre des kakis ». Où l’on apprend que le plaqueminier, nom venant de l’algonquin, en fait (Diospyros kaki), dans lequel Diospyros signifie le blé de Dieu en grec. Il fait partie de la famille des Ébénacées et a pour fruit le kaki, qui lui vient du japonais kaki no ki, soit littéralement arbre du kaki. Après ces mélanges linguistiques, le récit de ZP peut paraitre fade.
Bref, vous aurez compris que je n’ai pas été emballé par ces courtes nouvelles, malgré le tintamarre qui a accompagné la sortie de ces livres chez Zulma (éditeur que pourtant j’aime bien, ne serait ce que pour l’originalité des couvertures).
Passons aux romans.
« On s'y fera » Arezou est une femme divorcée de 41 ans qui vit à Téhéran. Elle a une fille, Ayeh, de 19 ans qui va à l'université mais qui ne pense qu'à rejoindre son père Hamid, qui est en France. Arezou dirige l'agence immobilière créée par son père décédé et s'occupe aussi de sa mère, Mah-Mounir, très soucieuse du qu'en-dira-t-on. (C’est le poids des traditions en Iran). Il y a aussi Shirine, son amie qui l’encourage à refaire sa vie. Un jour Sohrab Zardjou vient à l'agence pour acheter un appartement. Il est marchand de serrures (Est-ce une clé du livre ?). Bref un environnement étouffant, avec forte pression sociale, l'amour qu'elle a pour sa mère et sa fille, le tout l'empêchant de vivre pleinement sa vie.
A travers ces trois générations de femmes, le livre brosse des portrait de la femme iranienne traditionnelle (la mère) et celle plus moderne (la fille). Vaste sujet, qui change certainement de nos clichés habituels. Malheureusement, tout cela reste souvent superficiel et se noie souvent dans des détails inutiles (et longs). L’abus de dialogues, quelquefois hors de propos, ne facilite pas non plus la lecture (ou l’illustration du propos). Roman, pas vraiment à l’eau de rose, mais pas non plus très captivant.
Je n’ai pas eu envie de lire son autre roman « Un jour avant Pâques »
------------------ Houshang Moradi Kermani -----------------------
Houshang Moradi Kermani est né en 44, à Sirch au sud est de l’Iran. Il écrit principalement pour les enfants et des adolescents. Ses livres ont donné lieu à des adaptations pour films et séries télévisées.
« Les récits de Madjid » (Ghesseh-ha-ye Madjid) 38 nouvelles, d'abord diffusées à la radio puis regroupées en un seul volume, en 88. Bibi est un jeune orphelin élevé par sa grand'mère dans une petite ville du sud-est de l'Iran. Passé en série télévisée et sélectionnée comme le meilleur programme pour la jeunesse en Iran en 81.
Parmi ces titres, souvent destinés à la jeunesse
« Les enfants de la fabrique de tapis » qui dépeint les conditions de vie atroce des enfants dans les ateliers de fabrication des célèbres tapis persans au temps du dernier Shah, primé par l’Union internationale pour les livres de Jeunesse (IBBY) en 80.
« Une botte » (Chakmeh)
« Le Palmier » (Nakhl) primé par l’Union internationale pour les livres de Jeunesse (IBBY) en 84.
« La confiture sucrée » (Morabba-ye chirin)
« La jarre » (Dastan-e an khomreh)
« La Cruche » (Kouzeh)
« Les invités de maman » (Mehman-e maaman)
« Poing sur la peau » (Mosht bar poust)
« Le sourire de la grenade » (Labkhande anaar)
« Croyez-le ou pas » (Shoma ke gharibe nistid) en fait il s’agit de son autobiographie.
Apparement il n’y a que deux livres traduits en français chez L’Harmattan.
« Les invités de maman » (07, L’Harmattan, 116 p). Une quinzaine de courts chapitres dans lesquels une famille modeste s'apprête à recevoir un jeune couple. On verra la mère, le père, le fils Amir et la fille Bahareh, et aussi les familles annexes, cousins et cousines. Tout ce petit monde participe étroitement à la vie des autres locataires, et partage joies, préoccupations et toutes autres évènements auxquels ils se mêlent sans jamais y être invités expressément.
« La Jarre » (98, L’Harmattan, 120 p). 16 courts chapitres qui vont de « L’école » à » « Le certificat d’études » en passant pat un truculent « Les jaunes d’œufs ». Tout cela décrit une école dans un petit village iranien aux portes du désert. Au milieu de la cour de l'école, il y a une khomreh, une grande jarre dans laquelle les enfants viennent boire. Un jour, la khomreh est vide car une fissure est apparue pendant la nuit. Il n’y a plus d’eau et il faut réparer ou remplacer la kjomreh.
A noter cependant, cet extrait de « Les récits de Madjid », traduit en anglais sous le titre « The Vice-Principal », qui fait partie d’un groupe de textes « Literature from « The Axis of Evil », soit Littérature de « l’Axe du diable » où l’on retrouves des auteurs iraniens, irakiens, nord coréens, syriens, lybiens, soudanais et cubains. C’est une histoire que Madjid et ses camarades ont eu à écrire à propos du principal adjoint de leur école. Ce dernier a toujours sur lui canne et bonbons (ces derniers étant pour son usage personnel). Il dit aussi très souvent que « la question de savoir qui va rendre le plus grand service à l’humanité est véritablement leur problème ». Il est vrai qu’il se voit déjà en auteur prestigieux. Mais que sur le point de la réalisation, il en va tout autrement (c’est l’opinion de Madjid).
------------------ Firouz Nadji-Ghazvini ---------------------------
Firouz Nadji-Ghazvini, auteur iranien, né en 46 en tant que fils d’un officier à Téhéran. C’est un poète, journaliste et essayiste. Déjà censuré à l’époque du shah, avec la fermeture de sa maison d’édition, la répression s’accentue sous le régime des mollahs. Depuis 85, il vit en exil politique à Paris, où il est devenu photographe-reporter de presse. Passionné de littérature et de poésie, il se fait le défenseur d’un Iran brimé par la répression.
Trois romans à son actif, publiés en France, et des poèmes en persan.
« Neige sur Téhéran » (00, Denoel, 142 p)
« Les anges ne reviendront pas » (05, Denoel, 118 p)
« Le Trèfle bleu » (09, Denoel, 160 p).
Je n’ai pas trouvé trace d’autres publications en d’autres langues.
« Neige sur Téhéran »
Fin des années 80, Téhéran dévasté par la guerre contre l'Irak, sous un déluge de feu et de missile, un écrivain solitaire, Bahman, fait la rencontre d’Ali, drogué à l’héroïne. « J'erre en ville dans les endroits connus d'Ali. Je passe par les mosquées, les remparts, j'enchaîne les rues et les carrefours. Dans cette ville, j'ai un être cher, quelqu'un qui me connaît. Au hasard des rafales et des explosions, j'avance, je recule, je change de route. Pétri de douleur, blessé au plus profond, je me concentre pour essayer, par-delà la mort, de rejoindre Ali. » Ensemble, ils découvrent, la sinistre réalité des persécutions religieuses sous couvert de révolution islamique. Quant aux roses d'Ispahan, elles sont maintenant ensevelies sous le linceul de larmes qui servit d'étendard à un régime fanatisé.
« Les anges ne reviendront pas »
On est toujours à Téhéran, au début de la révolution islamique, en automne. Si les feuilles continuent à tomber des arbres, les couleurs de l’automne ont passé, les jardins se sont évanouis et leurs jardiniers ont disparu. « Ce matin, la mémoire vive encore des saisons passées, j'ai voulu humer les effluves enfuis. A quoi bon ? ». Quatre étudiants, épris de théatre (Tchékhov) ou écrivains, vivent dans la stupeur et la peur des événements, attentats, dernières atrocités de la Savak, premières violences des mollahs. Kamran, le narrateur va servir de porte voix à la jeunesse (souvent dorée) de Téhéran dont l'espoir de liberté va être progressivement brisé par les déviances de l'islam. On va donc suivre Niloufar et Mithra, les deux filles, plus ou moins amoureuses de Kamran, ainsi que Nader et Isamïl, avec en fond de toile l’inquiétude qui grandit et de projet de départ, ou d’exil, à l’étranger.
« Le trèfle bleu »
Printemps 04, maintenant, et petit village des bords de la Mer Caspienne, Âtefeh est une jeune adolescente. Sa mère est morte et son père a disparu. Elle mène une vie pleine de mélancolie, élevée par son grand père qui lui raconte des histoires de marins du temps de sa jeunesse. On peut cependant voir sur le dos de la fille un très étrange trèfle bleu, né d’une goutte d’encre autrefois versée sur une égratignure.
Tout commence donc bien, dans un cadre triste et mélancolique, mais quasi idyllique. Et pourtant… Ce livre s’inspire d’un fait divers authentique qui s’est produit en 04 : une jeune fille de 12-13 ans est tout d’abord violée par des bassidjis (les Gardiens de la Révolution Islamique) qui tentent ensuite de la faire passer pour une prostituée.
Donc cette fille grandit entre son grand père et les deux veuves, et certains signes indiquent sa transformation en femme. Les deux femmes commencent par lui bander les seins puis lui rasent la tête. On l'habille dans un tchador de plus en plus couvrant. « Une femme sans protecteur est comme une biche face à cent bêtes sauvages affamés ». Mais ce sont les religieux qui font la loi dans ce village et une course contre la montre s’engage entre la puberté de la file et les obsessions sexuelles du mollah et des miliciens bassidjis. A tout cela Atefeh ne comprend rien, toute dans son innocence. Lorsque le drame survient, c’est toute l’hypocrisie humaine qui nous saute en pleine figure. Au nom d’Allah et d’un fanatisme exacerbé, la cruauté mentale et physique de ces hommes n’est nullement remise en cause, alors que la personne d’Atefeh est humiliée et annihilée sans aucun scrupule. Les miliciens frustes, ivres d’eux-mêmes, lapident les chiens qui s’accouplent au plein jour dans des rues désertées. Atefeh sera broyée sans espoir, cependant qu'un vieil homme, Ägha Bozorg, ancien militaire, et ami du grand père décédé, viendra, comme tous les jours, mais tout seul, s'asseoir au café et songer à l'inéluctable décès de son vieil ami et de l'enfant.
-------------------------------- Mahmoud Dowlatabadi -------------------
Mahmoud Dowlatabadi est né en 40 à Dowlatabad, un village au nord-ouest de la province de Khorashan au nord est de l’Iran, à la frontière avec le Turkménistan. Il aide tout d’abord son père, principalement cordonnier, au travail de la ferme, s'occupe des troupeaux et lit les contes du folklore persan. Etudes au lycée de Téhéran mais échec à son diplôme. Il commence à écrire en 60 et publie quelques romans, nouvelles et récits. Il fait partie de « L’atelier de drame Anahita ». Arrêté en 75, il passe deux ans en prison, jusqu’à la Révolution Islamique. Il vit toujours en Iran.
Sa première nouvelle « Au bout de la nuit » (62) est publiée dans le Magazine littéraire « Anahita ». Ses deux autres livres importants sont « Les contes de Baba Sobhan » et surtout son roman « Kalidar », rédigé de 77 à 84. Un film « Khak » (terre/poussière) est tiré de ce premier livre.
Plus récemment d’autres titres ont été publiés en Allemagne ou aux Etats Unis. En effet, son fils vit à Düsseldorf et sa fille à Paris, alors qu’un autre fils est resté en Iran , On trouve notamment son roman fleuve « Kelidar » (Kelidar) (99, Unionsverlag, 656 p), « Die Reise » (99, Unionsverlag, 128 p), « Die Alte Erde » (05, Unionverslag, 128 p), « Der leere Platz von Ssolutsch » (Dja-je Chali-ye Ssolutsch) (96, Unionsverlag, 440 p) traduit en « Missing Soluch » (Melville House, 507 p) et enfin « Der Colonel » (09, Unionsverlag, 22 p) qui a été traduit et annoncé en anglais (juillet 11) et pour avril 11 en français « Le colonel » (11, Buchet-Chastel).
Un seul autre ouvrage est disponible en français, « Cinq histoires cruelles » (02, Gallimard, 201 p).
« Cinq histoires cruelles »
Ces cinq histoires décrivent l’Iran pré-révolutionnaire, et même avant la Seconde Guerre. Descriptions de villages et cultures campagnardes comme l’auteur les a connu dans son village de Dowlatabad. Villageois quasi sous un régime féodal (ou royal), à la merci de despotes locaux. Pour eux, l'irruption de la modernité, représentée par la chute du shah, se traduit d'abord par un surcroît de malheurs en chaîne avec son lot de corvées et de misère.
Cinq nouvelles donc qui ont maintenant l'aspect de documents sociaux et culturels sur cette société disparue. Le tout est écrit dans un style très sobre, sans populisme aucun.
« Le colonel »
L’histoire d’une déchéance avec au centre ce vieil homme et ses souvenirs des années passées dans l’armée du Shah. Les souvenirs de ses cinq enfants qui ont rejoint la garde rapprochée de Khomeini, qui ont répondu aux appels passionnés de la Révolution et de la mort. Les « martyrs » ont été sacrifiés sur l’autel de la révolution. Ils ont mené à bien leurs combats, des monuments ont été élevés en leur honneur. Et pourtant c’est toujours la guerre « cette plante vénéneuse et carnivore ».
La maison renferme des secrets : un fil caché dans la cave, torturé par ses plus noirs souvenirs. Quelqu’un frappe à la porte. Le Colonel va devoir désormais s’expliquer devant la Justice.
Cependant on découvre aussi tout un passé, riche des traditions littéraires de l’Iran avec l’évocation du fameux Ferdowki (X siècle) qui a écrit le « Shâhnâmeh » (Le livre des rois) et sous lequel le colonel aurait volontiers servi et suivi, ou Sa’di (XII siècle) qui écrivit « Bustan» et « Gulistan» et enfin le toujours cité Nasser Khosrow (XI siècle), natif comme MD du Khorasan, grand poète et philosophe persan.
« Kalidar »
Le roman fleuve, cinq tomes, 2525 pages dans l’édition en persan. Une œuvre écrite en 15 ans de 77 à 84. L’auteur promet que le «discours épique est une réalité dans notre pays qui sera racontée avec un regard historique. ». Par contre j’ai essayé de résumer le livre, ce à partir d’une version en persan. Les traductions proposées, en anglais u en français, ne m’ont pas vraiment permis de saisir toutes les subtilités des situations.
C’est l’histoire d’une famille à Sabzevar, dans le Khorasan, au NE de l’Iran, près de la frontière avec le Turkménistan, face à l’hostilité des villageois voisins malgré leur culture similaire. En fait Kalidar est le nom d’un lieu-dit entre Sabzevar et Nishapur.
Maral, une jeune fille de la tribu kurde de Sabzevar, veut empécher, avec son son père et son fiancé, de commettre un assassinat en masse de prisonniers. Maral et sa mère ont survécu à la sécheresse pendant un an alors que les deux hommes étaient en prison. La mère est finalement morte après une pénible maladie et Maral qui est seule décide de se mettre sous la protection de sa tante. Tout va bien jusqu’aux récoltes, mais la famille doit faire face à une maladie des troupeaux de moutons. S’ensuivent des batailles autour d’un château et création d’un système communautaire pour transformer la vie des ouvriers et des paysans. Cependant suite à la sécheresse et à la mortalité des moutons, ils arrivent à ne pas payer les impôts, malgré l’envoi de la milice à leurs tentes. Après tout se complique et s’embrouille.
-------------------------------------- Iraj Pezeshkzad -------------------------------
Iraj Pezeshkzad est né à Téhéran en 28, et a une éducation à la fois en Iran et en France, avec un diplôme de droit.
Muni de ces diplômes, il devient juge dans les instances iraniennes durant cinq ans avant de se rejoindre le service diplomatique des Affaires Etrangères du régime du shah, jusqu’en 79. A cette date, il rejoint Shapour Baktiar, alors en exil en France et son Mouvement National de la Résistance iranienne contre le régime islamique établi en Iran.
Sa carrière littéraire commence dans les années 50 en traduisant Voltaire et Molière. Son roman le plus connu reste « Dai Jan Napoleon » (Mon oncle Napoléon), publié en 73, ainsi que « Khanevade-ye Nik-Akhtar » (La Famille Nik-Akhtar), ainsi qu’une autobiographie « Golgashtha-ye Zendegi » (les Plaisirs terrestre de la vie). Pour l’instant seul « Mon oncle Napoléon » est traduit en français. En anglais on trouve « My uncle Napoleon » (06, Modern Library, 528 p) et « Asemun Rismun » (97, Ibex Publishers, 312 p) dans lequel il décrit « le chaos remarquable qui gouverne la presse et la publication des livres et des journaux ». On y trouve également une description remarquable de « l’inspecteur des douanes et de son voisin l’herboriste, qui écrivent des livres de médecine et présentent Pasteur comme l’ennemi de l’humanité et même un voleur ». Autres petits récits « Delayed consequences of the revolution » (00, Nashr-e Ketab) est une description joyeuse et moqueuse de la pompe et de la fatuité de l’élite gravitant autour du shah.
« Mon Oncle Napoléon » donc, décrit l’oncle du petit garçon, Saeed, un lycéen amoureux de sa cousine Leyli, qui fait la narration. Cet oncle, et son fidèle valet Mash Ghassem, ont fait partie de la Brigade Cosaque du colonel Vladimir Liakov. C’est un farouche admirateur de Napoléon (Bonaparte, le notre) et donc tout aussi farouchement anti anglais, dont il pense que ceux-ci le traquent toujours. Entre ces hauts faits historiques et les préoccupations très sentimentales de Saeed envers sa cousine Leyli, qui vit dans la maison d’à coté, il y a des rivalités entre le père du jeune garçon Agha jan (ou Cher Oncle) et Daii-jan Sahrang (L’Oncle Colonel). Pour corser l’histoire, Leyli a été promise en mariage à un autre cousin, Pouri, le fils de l’oncle colonel. Le tout se passe dans le Téhéran des années 40, au début de la Seconde Guerre, bien que le roman ait été publié en 73, puis adapté en une série télévisée.
« Je suis tombé amoureux par une chaude journée d’été, précisément un 13 aout, vers trois heures moins le quart de l’après midi». Il est vrai qu’une telle première phrase de roman vaut largement « La marquise sortit à cinq heures ». (Il pourrait être suggéré à l’OULIPO de réunir toutes les premières phrases ayant trait à une heure de la journée pour en faire un roman que l’on pourrait qualifier de chronologique).
Écrit par : jlv-iran-1 | vendredi, 21 janvier 2011
Répondre à ce commentairePour me distraire des atrocités iraniennes, il fallait bien qu’il y ait une lecture tout à fait différente, et qui puisse faire soupape à certains moments. Quoi de mieux qu’un feuilleton du type de celui récemment publié de la genèse de « Signé Furax », en l’occurrence de « Malheur aux Barbus » de Pierre Dac et Francis Blanche (10, Omnibus, 1344 p).
On ne présente plus Pierre Dac, « Roi des Loufoques » dont on retrouve les diverses productions, soit dans l’Os à Moelle (07, Omnibus, 1216 p), les textes de guerre (08, Omnibus, 1168 p) et les premiers romans (10, Omnibus, 992 p) dont « Du Coté d’ailleurs » suivi « Du coté de partout » et des « ¨Pédicures de l’âme », plus quelques autres feuilletons plus courts titrés des premiers numéros de l’Os à Moelle.
On sait moins que, de par sa famille originaire d’Alsace, Pierre Dac a passé quelques temps à Nancy dans sa jeunesse, ce qui a valu la création d’un club « Alordac » à Nancy, avec quelques conférences sur la personne de Pierre Dac.
Quant à Francis Blanche, on lui doit un nombre certain de parutions dans des films, en plus de textes de chansons ou de poèmes (cf son très intéressant « Mon oursin et moi », recueil de poèmes (05, Le Castor Astral, 192 p).
« Malheur aux Barbus » donc, feuilleton de 213 épisodes qui va durer du 15 octobre 51 au 19 juin 52 sur la Chaine Parisienne de la RTF. Les bandes de ces épisodes sont en cours de numérisation à l’INA, mais pour l’instant seules quelques unes ont été retrouvées et identifiées. Les autres sont pour l’instant enfouies dans les archives. Il s’agit de la première saison de ce qui plus tard (58-60) va donner lieu aux épisodes suivants de Furax. Soit dans l’ordre « Le boudin sacré », « La lumière qui éteint », « Le gruyère qui tue », et enfin « Le fils de Furax ».
On voit donc apparaître Furax, - Edmond, Zibib, Pandolphe - (de l’Académie Française) et sa compagne Malvina (Carnajoux) (« c’est pour cela que tu m’aimes, Malvina). Pour déjouer leurs méfaits (voir plus loin) on dispose des détectives « Black » et « White », du commissaire Jean-Jacques Socrate et de l’inspecteur Euthymènes, ainsi que de quelques autres personnages comme le professeur Merry Christmas titulaire de la chaire de barbologie analytique à l’université de la Sorbonne, sa fille Carole Christmas et un tueur à gages napolitain Asti Spumante. Ces différents personnages se retrouvent dans les épisodes suivants, avec quelques modifications (le professeur Merry Christmas devient le professeur Hardy-Petit).
Les méfaits de Furax sont multiples, comme le vol du Tunnel du Mont Cenis, ou la mise sur orbite d’un satellite ou Soupière Volante. On lui doit aussi la rétention forcée de 258 barbus (pourquoi, je vous laisse découvrir). Ces aventures vous mèneront de Paris en Ecosse (l’ile de Benbecula), au pays du Sama-Koutra (dirigé par la maharané Pauline IV et son nouvel époux Euthymènes), dans les mines de Deterré dans les Gorges du Tarn, et dans l’ile de Mardi Gras (Pacifique).
Je ne dévoilerai pas les bons mots, canulars et contrepèteries qui abondent tout au long du bon millier des pages, ni les quelques personnages (réels) que les auteurs ont introduits dans le feuilleton.
Écrit par : jlv-furax | dimanche, 23 janvier 2011
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