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lundi, 14 décembre 2009
Rencontre avec Charlie Tordjman
Les Rendez vous de l’Autre Rive - Les Rendez vous de l’Autre Rive
Le Théâtre de la Manufacture et la librairie l’Autre Rive vous invitent à une
Rencontre
avec
Charles Tordjman
Être intime/ Être public
Charles Torjmann, dix-huit ans de théâtre à La Manufacture
CDN Lorraine, 1992-2009
ouvrage coordonné par François Rodinson
éditions Alternatives théâtrales
Vendredi 18 décembre 2009 à 18H30
Dix-huit années de création, de compagnonnage avec écrivains, acteurs, créateurs, magistralement racontées et mises en page, éclairées par une conversation avec Charles Tordjman qui défend l’idée d’une politique théâtrale axée sur le lien social en même temps qu’une exigence artistique fondée sur la question du sens.
Librairie l’Autre Rive 19 rue du Pont-Mouja Nancy, tel. 03 83 30 63 29 autre.rive.nancy@wanadoo.fr
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Commentaires
Une nouvelle série, un peu différente de celles générées par les sorties de livres. Pour l’instant, j’ai sombré dans les auteurs allemands de l’après guerre, un peu à la suite de la lecture de Herta Müller, j’ai voulu voir ce que les auteurs, souvent issus de la RDA, avaient à dire et à faire lire. Bien sûr, je connaissais déjà en partie les auteurs de l’après guerre de la RFA. Dont de superbes romans, dont :.
- Hans Fallada et« Seul dans Berlin » (03, Denoel, 559p) ou le quotidien d’un immeuble de la rue Jablonski à Berlin en 40. L’appartement de Mme Rosenthal a été pillé après une dénonciation par les voisins. Terreur imposée par un jeune enrôlé chez les SS qui sème l‘effroi dans l’immeuble. Peur et désespoir des Quengel, dont un fils est mort au front, et qui inondent la ville de tracts pour dénoncer la guerre. Très beau livre, qui va avec « Quoi de neuf, petit homme ? » (07, Denoel, 444p). L’action se passe plus tôt, en 30, dans un village des faubourgs de Berlin. Jeune couple qui lutte contre la misère, les épreuves et les humiliations.
- Gert Ledig. Deux titres chez Zulma. « Sous les bombes » (04, Zulma, 222p). Juillet 44 après une attaque aérienne sur Dresde. On se souvient que cette ville fut entièrement incendiée en février 45, point d’orgue de destructions qui dureront 8 mois (300000 morts). C’est à cette occasion que la Frauenkirche fut détruite. Maintenant rebatie, je me souviens l’avoir vue dans les années 80 comme un gigantesque puzzle à 3D de pierres, toute numérotées.
« Après-Guerre » (06, Zulma, 208 p), se passe en 46 à Munich ville occupée par les américains. Où règne la pénurie et deux mis, Robert et Edel, peintre invalides aux mains brisées tentent de survivre, avec des attentats foireux pour récupérer de quoi faire un peu de contrebande. Bref une vie de galère.
- Jenny Erpenbeck. On change complètement de genre. « Bagatelles » (04, Albin Michel, 164 p). Récits poétiques ou fantastiques dans la collection « Grandes Traductions », excusez du peu). Il règne dans ce livre une atmosphère assez troublante, quelquefois dérangeante. (quoique après avoir lu les livres précédents….. Mais en fait la lecture de ces livres de post guerre est plus ancienne).
« l’Enfant sans âge » (02, Albin Michel, 160 p.) Etrange société, régie par une stricte discipline collective. Est ce l’Allemagne d’après guerre, encore régie par le dogme nazi, et ce déjà celle de la RDA sous un régime strictement contrôlé et dicté par la Stasi ? Dans cette société, en fait un foyer pour enfants, une fille cherche un miroir. Malaise ambiant, refus de grandir de la fillette.
« le bois de Klara » (09, Actes Sud, 190 p.) l’histoire est simple « Klara hérite d’un joli bois au bord d’un lac, un petit paradis près de Berlin-Est dans les années 20 ». On va suivre l’histoire de ce bois, du lac et de la maisonnette qui est au bord à travers Klara (ou les différents propriétaires ou occupants) et de son jardinier. Le destin de Klara devient très vite fantomatique : elle se suicide page 25 car on lui a retiré son bois, là où elle aimait se perdre. Les chapitres alternent entre les deux types de personnages le jardinier et les douze personnages qui se succèdent pendant près d’un siècle. Lors de la prise de pouvoir de Hitler, c’est un lieu de détente et de distraction. Un vrai havre de paix et d bonheur au calme. Celà devient un abri et un pâturage pour les chevaux de l’Armée rouge pendant la guerre. Puis c’est le théâtre des exodes et des retraites avec l’enjeu immobilier que représente le bois.
Écrit par : jlv- erpenbeck | mardi, 22 décembre 2009
Répondre à ce commentaire« Le Club des incorrigibles optimistes » de Jean-Michel Guenassia (09, Albin Michel, 760 p)
Prix Goncourt des lycéens et premier roman de JMG, mais énorme pavé de 760 pages, qui cependant le mérite d’être écrit avec des phrases courtes. Enorme pavé donc, mais qui reste lisible (par petites doses soit), bien qu’il gagnerait à être raccourci (j’y reviendrai).
Premier roman, pas tout à fait, car JMG, scénariste pour la télévision, a publié un polar chez (« Pour cent millions », 86, Liana Levi) et quelques pièces de théâtre dont « Grand, beau, fort, avec des yeux noirs brûlant … ». On retrouve dans ce premier polar, qui se passe entre 59 et 64, les optimistes du titre du second, ainsi que le narrateur Michel, prénom d'époque, présent dans les deux bouquins. Le patronyme de Delaunay est également le même. Fut il donc voir une part d’autobiographie, ou du moins de souvenirs personnels, cela n’est pas exclu, même si l’adjonction de personnages ou d’histoires est probable.
L’action se passe dans le Paris des années 54-64, et plus précisément dans le Quartier Latin et Montparnasse. Un secteur limité par la place Saint Michel, le Luxembourg, le lycée Henri IV et les boulevards Denfert-Rochereau et Raspail. En ces temps là, la faune avait déjà migrée de Saint Germain, mais pas encore vers le Panthéon-Mutualité. La génération : celle qui sortit de la seconde guerre mondiale puis de la Libération, mais était déjà entrée dans le conflit en Algérie. Chose assez bizarre, à aucun moment on ne parle de l’Indochine (qui sera bientôt le Vietnam). Pour la société et les jeunes, c’est le début du rock ’n’ roll (et on retrouve Chuck Berry, Jerry Lee Lewis et les autres). Le reste de la société, surtout dans ce quartier de Paris, ce sont des exilés ou réfugiés politiques, essentiellement de l’Est (on est juste après la mort de Staline et après le grand brassage de populations de l’après guerre). Donc tous ces gens vivotent, mais sont encore vivants, bien que passés par des épreuves terribles chez eux. Ils sont conscients de leur passé et d’être là où ils sont, ce qui en fait des Incorrigibles Optimistes (« Le goulag, les génocides, les camps d’extermination ou la bombe atomique n’ont rien d’inimaginable. Ce sont des créations humaines, ancrées au fond de nous, et dont seule l’énormité nous écrase. Elles dépassent notre entendement humain, détruisent notre volonté de croire en l’homme et nous renvoient notre image de monstres. Ce sont, en réalité, les formes les plus achevées de notre incapacité de conviction ». Il faut avoir en mémoire cette période assez étrange pour comprendre le livre. Je me souviens qu’au lycée, il y avait un élève dans ma classe qui était apatride. On ne savait pas trop ce que cela voulait dire à l’époque, mais cela suscitait une réelle curiosité-admiration. Il est intéressant de noter que ce livre tombe en plein (par hasard) dans un débat sur l’identité nationale. Intéressant de constater aussi que ces gens de l’est s’interdisent de parler russe entre eux, mais s’invectivent en français (bon, quelquefois, les insultes viennent plus vite en russe ou en tchèque…). C’est bien en fréquentant ces personnes que l’on se rend compte de l’inanité du débat en cours (ou de son origine bassement politicienne).
Bref, le narrateur, Michel Marini, né en 47 (donc de l’âge de JMG), poursuit ses études (sans l’espoir de les rattraper) au lycée Henri IV (H-IV, et non pas ce virus inquiétant). Il a un frère, Franck, qui sur un coup de tête s’engage dans l’armée, mais qui va bientôt déserter, suite à un histoire pas très claire (un meurtre de sous officier). Il a aussi une sœur Juliette, une famille dans le commerce (et bientôt des oncles et cousins rapatriés d’Algérie). La copine de Franck, Cécile, va également jouer un rôle important dans la narration, ainsi que son frère, Pierre, ancien pion à H-IV, qui meurt en Algérie, avant d’avoir fini (et finalement brûlé) un valeureux traité de saint-justisme.
Voilà pour une bonne moitié des personnages. L’autre moitie c’est la bande des optimistes, qui se retrouvent au Balto, un bistrot de Montparnasse où l’on joue aux échecs et au baby foot. « Le Balto était un immense bistrot à l'angle de deux boulevards. Sur l'avenue Denfert-Rochereau, côté comptoir et tabac, il y avait les baby, les flippers et le juke-box, et côté Raspail, un restaurant de soixante places ». « Une main malhabile avait inscrit sur la porte : Club des Incorrigibles Optimistes. Le coeur battant, j'ai avancé avec précaution. J'ai eu la plus grande surprise de ma vie. J'ai pénétré dans un club d'échecs ». Accessoirement, on y boit nombre de bouteilles (à la russe), ce qui renouvelle la verrerie du patron, l’auvergnat Marcusot. On y rencontre Tibor (qui repartira en Hongrie), Léonid (ancien colonel, puis pilote de ligne de l’Aéroflot), Sacha (photographe), Imré (compagnon de Tibor), Igor (cardiologue à Saint Petersbourg). Naturellement ils sont tous passés à l’Ouest, le plus souvent sans rien et en laissant leur famille (c’était leur vie ou rien). il nous parle de l'exil, de l'immigration, du communisme (ce qui vaut à chaque fois de la nouveauté en matière de verres). Ils ont tous abandonné leurs amours, leur famille, trahi leurs idéaux, et tout ce qu'ils étaient. On découvre ainsi les nuances de la vie politique à travers les nostalgiques du socialisme et ceux qui ont coupé le cordon sans se retourner, troquant leurs familles contre une précarité infinie. On y croise aussi Sartre et Kessel («ils étaient riches, célèbres, généreux et discrets»). A l'occasion, les deux intellectuels donnent un coup de main quand les fins de mois sont difficiles pour les exilés de l'Est. Pour ces incorrigibles optimistes, «le plus important dans la Terre promise, ce n'est pas la terre, c'est la promesse».
Chez Michel, la vie n'est pas très simple : les parents se déchirent, on parle de guerre, de jeunes qui s'engagent (Frank le fils), mais aussi de la Fête de l'Huma. On est à la veille des trente glorieuses et le commerce marche à fond. C’est le résultat de l'union improbable de la famille Delaunay (commerçants à méthodes « américaine » et stages de formation) et de l'ouvrier italien communiste Marini. Ce mélange batard a pour effet d'animer les repas familiaux. A part ces diners de famille, la vie quotidienne de la famille Marini est lisse et sans aspérité. Ces notions sont maintenues, portées et développées de la première à la dernière page. C’est le portrait de la France gaulliste à peine relevée de la guerre, ignorant ce qui se passe à deux pas de chez elle, dans la Russie stalinienne, ou encore plus près en Hongrie ou Tchécoslovaquie.
Dans la France de juste avant les trente glorieuses, donc sans trop de soucis, Michel est un lycéen comme tant d'autres. Plus intéressé par la littérature que par les maths, dont il ne comprend pas bien le sens (question de parents, d’incompatibilité astrologique ?). Entre deux séances de cours, malgré le redoutable Sherlock, il se défoule au baby-foot et écoute trois chansons de Jerry Lee Lewis. Il a en plus deux passions, la lecture et la photographie. La première le dévore littéralement, se définissant lui-même comme lecteur compulsif et lisant en marchant (y compris à travers des passages cloutés). Il va découvrir la photo, un peu grâce à Sacha. Sa découverte du monde des adultes, via l’arrière salle du Balto, est capitale, il va en faire sa seconde famille. « Le Balto, à cette époque, avec les Marcusot, Nicolas, Samy, Jacky et les habitués, c'était comme une seconde famille. J'y passais un temps fou. Je devais être à la maison avant le retour de ma mère du travail. Je rentrais chaque soir un peu avant sept heures, étalais livres et cahiers sur mon bureau. Quand elle arrivait avec mon père, elle me trouvait en train de travailler. Gare à moi quand elle rentrait avant et que je n'étais pas là. J'arrivais à la rassurer en jurant que je travaillais chez Nicolas. Je mentais avec un aplomb qui me rendait heureux. »
Que dire du livre en soi.
Page après page, les portraits défilent, les personnalités émergent, les aventures fourmillent. La lecture s'avère assez plaisante et enlevée, avec de belles réflexions sur l'univers de la littérature et du lecteur, pour ne citer que ces sujets. Bien sûr, 760 pages c’est un peu long. Il est certain que le texte des redites (l’épisode de la montre de Léonid, celui des parties d’échécs…), des longueurs (la longue histoire de Léonid et de Milène) (à la limite l’histoire de Sacha et d’Igor (qui forme le secret du Club), on aurait pu s’en passer. Les portraits qui retiennent l’attention sont ceux de Sacha et Cécile. L’histoire de Sacha, révélée à la toute fin du livre, est celle du secret du Club. Celle de Cécile est plus fine. Elle disparaît soudain aux deux tiers du livre. Ce sont deux amis de Michel, mais extérieurs au club. Ils sont naturellement complexes et attachants (L’un est cet ide photographe dont on comprendra l’histoire), l’autre prépare une thèse sur Aragon, et est en fait la sœur de Pierre, un peu l’idole ou le modèle de Michel (parti sur la ligne Challe à la frontière avec la Tunisie). Peut être leur portrait aurait valu plus d’attentions. Un peu la même chose pour ce qui concerne la guerre d’Algérie (et peut être l’Indochine), qui reste très vague, malgré les engagements de deux fils, et le retour brutal des parents-cousins en 62. Cela reste très soft et très lointain (était ce l’époque qui vaut cela ?). Il est vrai que l’on retrouve l'atmosphère de cette époque : un mélange d'insouciance et d'inquiétude.
Mais bon, cela reste agréable à lire (compter quand même un minimum de 8 heures, avec des coupures car c’est lassant).
Écrit par : jlv- guenassia | samedi, 02 janvier 2010
Répondre à ce commentairelu dans Le Monde de dimanche (02-01-10) ce long (2/3 page) et elogieux article sur la Fabbrica
encore merci Charlie
Faire renaître au théâtre la mémoire de la classe ouvrière
LE MONDE | 02.01.10 |
Le théâtre ne cesse de fabriquer de la mémoire. A côté des pièces du répertoire, des spectacles naissent d'un travail sur des documents, récits et témoignages qui mettent en jeu l'histoire, grande ou petite, intime et politique, économique et sociale. C'est le cas de La Fabbrica, à voir aux Abbesses, à partir du 5 janvier, dans une mise en scène de Charles Tordjman.
Cette Fabbrica nous vient d'Italie. Son auteur, Ascanio Celestini, 38 ans, est joué en France pour la première fois. Il s'empare d'un sujet inscrit dans les replis de l'actualité : la disparition de la classe ouvrière. Il y a autant de clous qu'avant, mais qui les fabrique ? Hier, on le savait, aujourd'hui, on ne le sait plus, dit le narrateur de la pièce.
Cet homme s'appelle Fausto, comme son père et son grand-père. Et, comme eux, il a travaillé toute sa vie dans une usine sidérurgique dont La Fabbrica retrace l'histoire, du temps héroïque des luttes ouvrières à la cessation d'activité, en passant par les années noires du fascisme.
Avant d'écrire, Ascanio Celestini a passé beaucoup de temps à Terni, la "Manchester italienne", en Ombrie, et à Pontedera, en Toscane, où il a mené des entretiens avec des ouvriers. En même temps, il rédigeait des fictions en lien avec des éléments dont il avait été le témoin, par exemple la jambe coupée d'un chef d'équipe, victime d'un accident du travail.
Formé à la littérature et à l'anthropologie, Ascanio Celestini lie les deux disciplines. Il ne pratique pas un théâtre-documentaire, mais le théâtre-récit, dans la grande tradition italienne de Pier Paolo Pasolini et Dario Fo, ses maîtres.
Chez le premier, il aime "la soif anxieuse de connaissance, qui est son testament politique et poétique. Pour écrire, nous dit Pasolini, la conscience et la piété ne suffisent pas. Il faut connaître." Chez Dario Fo, il apprécie l'ironie, "un mot qui vient du grec et signifie à l'origine feindre, comme au théâtre".
Et puis, il y a dans le travail de Celestini le goût des histoires, héritées de l'enfance dans une famille où l'on trouve un grand-père bûcheron, un autre charretier devenu, après un accident, homme à tout faire dans un cinéma de Rome, un père artisan qui répare les meubles, une grand-tante un peu sorcière, une grand-mère conteuse.
"Quand ma grand-mère racontait une histoire, dit Ascanio Celestini, elle le faisait pour la famille. Ce pouvait être une histoire très belle, mais elle ne regardait que nous. Quand un écrivain publie un livre, il le fait pour tous, comme un acteur qui monte sur la scène. C'est un acte politique, que l'on mette en scène Shakespeare ou que l'on dénonce la guerre en Irak. Il appartient à un artiste de choisir l'un ou l'autre, de décider quelle chose est la plus importante pour tous."
L'auteur de La Fabbrica a choisi. Depuis ses débuts, il y a une dizaine d'années, il s'est intéressé aux hôpitaux psychiatriques, aux sans- abri, au fascisme et au nazisme, avec en particulier Saccarina, qui raconte les histoires des ghettos de Rome et de Lodz, ou Radio clandestina, sur les massacres des civils dans les fosses Ardéatines, à Rome, en mars 1944.
Son travail, qui lui a valu en 2002 le prix Ubu pour "la complexité de sa recherche de l'Histoire dans les histoires", a été découvert par Charles Tordjman grâce au comité de lecture de la Comédie-Française, dont il a fait partie. "J'ai sauté dessus et je suis allé rencontrer Celestini à Rome."
Tordjman, directeur du Théâtre de la Manufacture de Nancy, a demandé à l'auteur de La Fabbrica de fractionner la pièce, qui est au départ un monologue, pour en faire un spectacle à deux voix, celle d'un homme, Fausto, le narrateur, et d'une femme, la belle Assunta aux trois seins, tout droit sortie d'un conte.
Charles Tordjman a aussi demandé de pouvoir ajouter des chants. Il a rencontré Giovanna Marini, qui a accepté de composer des chansons pour le spectacle. A Paris, l'amie de Pasolini sera sur la scène des Abbesses, en alternance avec Xavier Rebut. "Ascanio Celestini et Giovanna Marini ont la même envie de colère", dit le metteur en scène.
Ce dernier a déjà travaillé sur la question ouvrière. En 2004, il a créé Daewoo, de François Bon, autour de la fermeture de l'usine coréenne d'électroménager, en Lorraine, au début des années 1990. "On était dans le chaud d'une usine de 1 200 ouvrières jetées à la rue, raconte le metteur en scène. Avec La Fabbrica, on rejoint une posture mythologique : l'histoire n'est pas racontée exclusivement de façon politique, elle est allégorique. Les musiques de Giovanna Marini font chanter l'Histoire et la mémoire."
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La Fabbrica, d'Ascanio Celestini.
Mise en scène : Charles Tordjman. Avec Serge Maggiani, Agnès Sourdillon et le trio de chant composé de Sandra Mangini, Germana Mastropasqua, et, en alternance, Giovanna Marini et Xavier Rebut. Théâtre des Abbesses, 31, rue des Abbesses, Paris 18e. M° Abbesses.
Tél. : 01-42-74-22-77. Du 5 janvier au 16 janvier. Du mardi au samedi, à 20 h 30 ; dimanche 10 janvier, à 15 heures. De 12 € à 23 €. Durée : 1 h 40.
Brigitte Salino
Giovanna Marini, la voix du chant populaire
LE MONDE | 02.01.10 |
Il est assez logique que la musicienne italienne Giovanna Marini, 72 ans, ait accepté de composer et de chanter pour le spectacle La Fabbrica, car elle est à sa façon une historienne du peuple. En 2002, le disque Il Fischio del vapore qu'elle a sorti avec Francesco de Gregori a remporté un grand succès en Italie. Gregori est certes une icône de la génération rock. Mais les incunables de la musique populaire italienne, que chantait ce duo improbable, sont de ceux qui racontent les guerres (l'expédition italienne en Albanie en 1914), les répressions, les rêves d'unité italienne, les grands rassemblements populaires pour la sauvegarde de la démocratie.
Compositrice, chercheuse, enseignante, Giovanna Marini s'est racontée dans le livre Giovanna Marini, il canto necessario (Actes Sud). En 1977, elle fait ses débuts en France à la Maison de la culture de Grenoble. Elle dirige alors la Scuola Popolare di Musica di Testaccio, une école de musique qu'elle a créée près des anciens abattoirs de Rome, en 1975, avant de mettre en place, en 1976, un quatuor de femmes.
COLLECTE SUR LE TERRAIN
A Grenoble, elle donne "une sorte de conférence chantée, seule, avec la guitare. Je parle de la chanteuse Giovanna Daffini (1913- 1969), qui a passé toute sa vie à raconter des histoires d'anarchistes, de mondines (les travailleuses des rizières) et de résistants".
En 1963, elle rencontre le cinéaste Pier Paolo Pasolini dans une soirée de "la Rome intelligente". Il lui dit que "les chansons ne se trouvent pas dans les livres", avant d'entonner un chant populaire du Frioul. Immédiatement, la musicienne classique intègre le groupe Il Nuovo Canzoniere italiano, avec qui elle fonde le label I Dischi del sole, devenu Bella Ciao en 1964, et financé par Giovanni Pirelli, fils du fabricant de pneus passé à l'extrême gauche.
Fidèle à son travail de collecte sur le terrain, des Pouilles à la Vénétie, et à ses recherches sur les formes vocales, Giovanna Marini a su reconnaître les iconoclastes - comme Pippo Delbono, qui la met en scène dans Urlo en 2005. De l'Italie, dont elle aime la gaieté autant qu'elle exècre le régime berlusconien, elle dit qu'elle est génialement contradictoire : "Les starlettes peuvent y être guévaristes, et les bergers communistes chanter la Passion du Christ."
Véronique Mortaigne
Écrit par : jlv-C Tordjmann | lundi, 04 janvier 2010
Répondre à ce commentaireje me dépèche d'envoyer ceci sur Julian Rios, car les critiques sortent déja dans le Nouvel Obs, Le Matricule des Anges (qq pleines pages inteéressantes) et le Monde de ce vendredi 15-01-10
Cette fois ce sera Julian Rios, immense écrivain galicien (il est né à Vigo, tout au bout de l’Espagne). De Vigo, il faut avoir vu le port, ses quais immenses et son embarcadère transatlantique, celui du dernier port de la cote européenne (le plus proche de New York), où faisaient escale les paquebots. Port maintenant essentiellement pécheur au fond de la rade splendide que ferme le Puente de Rande qui va vers A Coruña (le petit Golden Gate galicien). Il y a toujours bien sûr les navires croisières pour touristes incarcérés dans ces HLM des mers et que les escales déversent par autobus entiers et aseptisés.
Donc, après ces considérations touristico-vacancières, revenons à l’édition et la sortie ce mois de 2 ouvrages de Julian Rios : « Pont de l’Alma » et nouvelle traduction de « Monstruaire », tous deux chez Tristram. Pourquoi cette chronique, tout simplement parce que je pense que Julian Rios est un auteur majeur de notre époque (rien de moins). J’en reparlerai et en cadeau, vous aurez un petit commentaire sur « Larva », œuvre majeure sur la langue.
« Pont de l’Alma »de Julian Rios (10, Tristram, 305p)
A priori, on pourrait penser qu’il s’agit d’un ouvrage (le n+1unième, n étant un grand nombre) sur le sujet (la pile du pont qui se met en travers de la lignée royale), mais c’est mal connaître JR. Ceux qui ont lu « Larva » (95, José Corti, 600 p., j’y reviendrai aussi) savent que JR démarre à la poursuite d’un simple mot à quel point et que tout ce qui suit est assez imprédictible. Dans le cas de ce livre, on commence par un raté (même plusieurs en fait). Le narrateur et ses amis finissent de diner dans un des restaurant en face au pont de l’Alma. L’action se passe naturellement le fameux soir où la berline noire s’est engagée dans le passage souterrain. Et de plus, un des paparazzi attendu par nos convives était en planque au mauvais endroit (cad pas près du souterrain). Il faut dire qu’il avait déjà loupé une série de photos de la royauté mise à nue (je n’ai pas dit la mariée), en fait ces photos lui ont été volées (à voleur volé….).
Exit donc le royal couple (demi-couple à vrai dire). Les chapitres suivant vont traiter d’autres disparitions tout aussi mystérieuses. Ainsi le jour de la naissance de la princesse sert de lien avec la mort de Louis-Ferdinand Céline, la disparition de l’ingénieur Rudolf Diesel (l’inventeur du moteur qui lui a valu la gloire) alors qu’il se trouvait sur un bateau traversant la Manche, la descente de la Seine sur un bateau où l’on côtoie Baudelaire, Braque, Proust et tant d’autres, ou encore cette contre-enquête normande de complot (avec un pilote de courses automobile au visage brulé). En fait cette histoire de complexe militaro-industriel pour la dissuader de continuer son action contre les mines anti-personnelles n’est que prétexte à introduire un mystérieux américain encapuchonné, pèlerin de la flamme de l’Alma et d’un mystérieux narrateur qu’on ne connaitra que sous le pseudonyme de TiPi (y aurait du du Thomas Pynchon sous roche ?). Des sujets divers donc tout au long du livre, dont certains ont un rapport direct avec le 31 aout, d’autres moins. En fait ce sont des prétextes divers pour parler des mystères de la mort (en été). Et JR replace donc le complot et la conspiration au centre de l’expérience littéraire (comme dans d’autres titres (cf « Le cortège des Ombres »). Autre chapitre du même registre que celui sur le dernier tableau de Larocque, qui a pour sujet le vieux pont de Mantes. Ce pont peint par Corot et détruit en 40 pour stopper l’avancée allemande, va être la scène d’un court-circuit entre une plaque commémorant un mort américain en 44 et un rappel de Jules et Jim (on retrouve le tourbillon de la vie). Mais au fait est ce un tableau ou le tableau de Larocque (va-t-on savoir qui se cache derrière la Madone, est ce Leonardo ou est ce Camille) ? A vrai dire, il ne s’agit que d’avatars du peintre Victor Mons et d’Emil Alia, personnages du cycle de « Larva » que l’on retrouve dans les autres livres de JR.
Passons maintenant à « Monstruaire » qui ressort (09, Tristram, 193 p). Nouvelle traduction nous dit on, celle-ci de Geneviève Duchêne, la compagne de JR, alors que la version de José Corti était également de la même Geneviève Duchêne.
On retrouve Emil Alia, personnage du cycle de « Larva », qui est chargé de préparer le programme d'une exposition de son ami peintre, Victor Mons. Donc que des personnages connus et qui traversent l’œuvre de JR. Victor est un artiste obsessionnel, qui ne peint exclusivement que des monstres, et ceci à partir de scènes du quotidien ou puisées dans la littérature et la peinture. A vrai dire, son quotidien consiste en rencontres hallucinantes, déambulations alcooliques et de palabre interminables. Pour simplifier encore les choses, les jeux de mots en diverses langues cherchent à percer le sens du monde derrière l'écran opaque des langues. C’est toute l’obsession de JR, qui accumule les œuvres (les siennes et celles de autres) en diverses langues et tente de retrouver dans les différentes traductions les vestiges de la narration originale. (JR n’est pas né en Galice pour rien avec une éducation espagnole, un parler domestique galicien et être ensuite parti habiter Londres, Berlin et Paris). Comme dans « Pont de l’Alma », le livre se compose de chapitres qui sont, dans leur construction, autant de nouvelles.
Parmi ces chapitres ou nouvelles, celle de l’architecte qui voulait déconstruire une ville réelle pour en bâtir d’imaginaires, celle de l’émule de Van Gogh qui voulait peindre une tauromachie à Berlin, celle du sculpteur amoureux qui découvrit que « Cézanne finit en Anne » ou en clinique pour dent (de l’allemand Zahn), celle du professeur nord-américain spécialiste de Joyce en visite à Paris qui ne sait si les messages qu’il reçoit de l’au-delà sont de Joyce ou bien de sa femme morte un an auparavant, également nommée Joyce ; celle de la collectionneuse errante qui ne pouvait vivre que dans des chambres d’hôtels qu’elle devait abandonner dès qu’elle les avait remplies jusqu’au plafond de ses nouvelles acquisitions, celle de l’homme étrange qui demanda à être peint sur le ventre et l’estomac d’une femme voilée qui demeura debout et nue. Le chapitre sur Joyce (JJ) (ou les tribulations de Reck) est particulièrement long et fourmille d’anecdotes (sur l’épiphanie sans fin, le perroquet de JJ) plus ou moins vraies ou vérifiables.
« Monstruaire » est une forêt de signes et de jeux de mots où le lecteur est appelé à se perdre. JR a truffé son roman d'anamorphoses diverses, comme pour mieux inciter son lecteur à chercher les sens cachés. (Il rappelle à souhait que « un soir » se lit aussi « Rios nu »). Les accumulations, les listes (d'hôtels, de rues, de tableaux ou même de personnages) sont autant de signes qui relèvent des lubies d’un collectionneur à moitié fou ou pire d’une véritable angoisse devant la mort ou l’accumulation des choses. Mais derrière les obsessions de Alia-Ríos, la fascination de la monstruosité, voire même du vampirisme, derrière son érotisme, on devine le projet de donner dans son œuvre les clés qui donneraient accès à une origine du monde (il le dit plusieurs fois dans ses livres à propos du déniaisement du narrateur jeune).
Le premier chapitre « Monstruaire » fait explicitement référence à l’œuvre du peintre Mons. Celui ci possède une impressionnante façon de peindre ses modèles : « Ce qu'il appelle incorporer le corps, au lieu de le copier. Seulement une fois qu'il l'a dessiné dans son intérieur, ou dans ses entrailles, comme il dit, il se met à peindre. Souvent en l'absence du modèle ». Cette façon même de peindre (« le strip-tease de Mélusine » ou « la dormeuse ») sont autant d’auto-portraits de Mons (monstres ?). Il s'agit bien d'absorber le monde et de le rendre à son image. D’ailleurs lui-même n’est il pas un monstre ? « À présent je ne sais pas si je suis la Momie ou l’homme invisible, articula Mons péniblement à travers ses bandages», ainsi commence le livre. On suit ensuite les aventures érotiques de Mons (quand il tente d’explorer un Mons Veneris). Puis, c’est toute une suite de poursuite sur les pas et faux pas du peintre errant, par Mons et par vaux.
« Cortège des ombres » (08, Tristram, 160 p.). C’est le premier livre de JR, « écrit entre 66 et 68 », mais publié fort tard chez Tristram, après que JR ait quitté Corti. Neuf chapitres qui peuvent être lus comme autant de nouvelles, tout comme ses livres plus récents. On y découvre quelques-unes des pages de la chronique locale de Tamoga. C’est une bourgade espagnole de bord de mer, proche de la frontière portugaise et cernée par des marécages (on pense un peu au Vigo natal en plus petit). « Le pays des merveilles de l'enfance et de l'adolescence, avec ses ombres du passé parfois abominables, auquel s'annexait, mi-nostalgique mi-fantomatique, ce pays que tu quittes et où tu ne reviendras pas ». Tout au long de ces neuf chapitres, les villageois tentent de reconstituer la mémoire évanouie de leurs concitoyens. Mais ce processus de reconstruction se fait à tatons, avec des manques, sans qu’il soit possible de nous faire comprendre en amont la fin tragique de ces personnages. Cependant ce premier livre parait être l'étape indispensable d'un processus de libération avant de donner cours aux fantasmes et élucubrations qui formeront la suite de « Larva ».
« Tout ceci survint à la fin du mois de septembre, alors que commençait à s'insinuer la léthargie automnale, que les heures déjà s'écoulaient plus lentes, et que le temps semblait se mettre en stagnation comme les tristes eaux des marécages de Tamoga. » Voila tout est dit. Le décor est en place, reste à y faire entrer les personnages (voyageur de commerce ou scarabée bousier ?). «Un voyageur de commerce», dirent ou pensèrent, sans plus, tous ceux (gent morfondue et désœuvrée) qui à la tombée du jour se rassemblaient à la gare, en considérant l'énorme valise et ensuite le petit homme gîtant comiquement qui tâchait de la traîner sur le quai. «Un scarabée bousier», plaisanta quelqu'un du groupe, pour relancer une conversation mourante. Ils le regardèrent encore quelques instants et personne ne voulut plus se déranger à rajouter un mot, légèrement nostalgiques, tous, d'avoir vu s'évanouir le train dans l'interminable pluie ». Le but de cet étranger ? Pourquoi est il venu à Tamoga (ou Ahoga selon la pancarte de la gare) « Et cependant, il semble bien que lui, Mortes, l'homme le moins mystérieux du monde, soit venu dans cette bourgade dans l'unique but de nous proposer une charade apparemment absurde »
Et puis très vite les histoires vont se développer et éventuellement boucler sur elles même (« Une partie de chasse en juillet » et « Dies Irae ») Des histoires de ratage, de folie, des échouages définitifs comme dans le premier et le dernier chapitre. Du pharmacien que l'infidélité de sa jeune épouse et l'opprobre cloîtrèrent dans sa maison en passant par les « spamoisons » d'un innocent incestueux, les amours ancillaires ou les embardées dans le passé d'un homme en arrêt cardiaque. Bien sûr, on y retrouve aussi les heures sombres sous Franco, quand « personne ne se sentait tranquille parce que la responsabilité individuelle pouvait s'étendre jusqu'aux plus lointains ascendants ».
L’intérêt devient très vite celui en trompe-l'oeil de la quête d'une vérité inaccessible plus que l’histoire elle-même de ces faits divers. Le roman devient une construction de l’histoire des autres « Une histoire ne mérite d'être racontée que lorsque les mots ne peuvent en épuiser la signification ». Autant les parcours des différents protagonistes sont tortueux, autant la vérité paraît simple et motivée par les noirs desseins des personnages.
« Larva » (95, José Corti, 600 p.)
Avec « Larva, Babel pour une nuit de la Saint-Jean », on aborde l’ŒUVRE de JR. Le livre est publié en 95 chez José Corti (donc après la disparition du petit (mais grand) homme en blouse grise et sous la direction de Bertrand Fillaudeau). C’est un épais (600 p.) volume à la couverture noire (titre en rouge, sous titre en blanc). Des extraits paraissent tout d’abord dans les revues « Plural », « Espiral » de 73 à 83, formant les premières bribes d’ « orbilivre ». De suite ces textes font penser au « Finnegans Wake » de Joyce, par références aux diverses langues ou citations (« Soy Hello-Ice debajo de Abe large.. Mein Goethe ! Soigneur dés, un coup de dieux n’abolira pof la lézarde »). De même le récit est entrecoupé de notes, de notes à ces notes, de photos ou d’index. Ce qui fait que la lecture (qui est déjà étagée sur plusieurs niveaux) devient aller et retour et zizagante. Le fait est que l’introduction, en plus, de mots valises ou de jeux de mots, pas toujours évidents, ne facilite pas la lecture. Ce qui fait dire que « l’écriture de Larva brisétise, leirise ou encore rousselise la langue » (pas toujours facile de suivre). Il fait bien sûr références à Joyce, mais aussi à Arno Schmidt (le Joyce allemand), Carlo Emilio Gadda (le Joyce italien), João Guimarães Rosa (le Joyce brésilien) et à lui-même (le Joyce décaféiné). Références constantes également à Borges et Cervantes, ainsi qu’à Melville (Moby Dick) ou Kafka (le chapelier de Prague) qui prennent le relais de Lewis Carroll. (On retrouve tous ces auteurs par la suite, ne serait ce que dans les titres des divers livres que JR a produit).
A la question « Pourquoi écrivez-vous ? », posée par le journal Libération à des écrivains du monde entier, Ríos répondait : « Pour moi, écrire, c’est escrivivir. Je crois que ce mot-valise qui contient et fusionne écrire (escribir) et vivre (vivir), et qui a été inventé par le personnage principal de mon roman Larva, permet de donner une explication personnelle de ma raison d’écrire. Ce qui est sûr, c’est qu’écrire est pour moi un art de vivre, plus vrai que nature, une manière de vivre plus intensément. »
Du fait des notes et appendices, « Larva » devient un livre raisonnable à lire (même si plusieurs lectures sont nécessaires. Les 600 pages totales en fait se décomposent en deux ou trois grandes parties. Le texte proprement dit (450 pages), lui même à séparer en deux, les pages de gauches étant réservées aux notes (souvent 4-6 pour chaque page de droite). Un chapitre séparé de notes (complémentaires aux notes des pages de gauche) forme les « Notes de l’oreiller » (p. 455-461) avant « L’Album de Babelle », séries de photographies de Londres, et un index des personnages de 4 pages.
Tout commence avec les personnages (déjà nommés). Ainsi, Milalias (l'homme aux mille surnoms) ou l’Emil Alia (Alia pour Rios), et le prénom pour les milles et unes nuits va t’il être déguisé en Don Juan ou Don Giovanni (l'Abuseur de Sexville, également appelé à l'occasion Johannes Fucktotum). Son interlocutrice Babelle (habillée en Belle au bois dormant) et Herr Narrator (« Fou à double titre. A double pitre. Narr et Tor, celui qui narre à tort, c’est pourquoi je l’ai argothisé Herr Narrator »). Donc l’histoire débute « ALLONS CUEILLIR LE TREFLE... ALLONS CUEILLIR LE TREFLE... ressassait la Belle au Bois Dormant à la vaporeuse chemise de nuit noire et à la noire chevelure en se frayant un chemin dans l'épaisseur des masques serpentins de la galerie des glaces, ALLONS CUEILLIR LE TREFLE..., somnanbulant les bras tendus vers les trois portes vitrées ouvertes à la nuit touffue : au fond, parmi les ombres du jardin arrière de la villa, un feu flamboyait ». Et de suite cette note à propos du trèfle « L’in-trifolio de notre roman à Klee ». il est sûr que l’on ne va pas entrer dans une histoire linéaire ou un roman à l’eau de rose. Néanmoins on va suivre à travers le Londres des années 60-70, les « experditions » des deux amants (Babelle et Milalias). Ils se prennent pour des personnages de romans et tentent de se mettre dans la peau de leurs doubles inventés pour prolonger leur vie dans la fiction, à moins que cela ne soit l’inverse.
On va retrouver le trèfle « Allons cueillir le trèfle ») tout au long des 50 premières pages. Très vite l’histoire va se condenser (condanser ?) dans celle de la Saint-Jean-Bouche-d’Or, au nom prédestiné, lors d’une soirée de carnaval masqué dans une villa au bord de la Tamise (la maison du libre foutoir). Tous les âges, sexes, races, fous et maniaques, pique-assiettes à l’affût, artistes ratés ou non, paumés de l’alcoolisme ou de la religion, obsédés ou profiteurs de la fornication et de la drogue sont présents. Cette sorte de partouze (« Satyrday night party ») pour tous (cf la soirée dans le quartier chaud de « Ulysse »), orchestrée par le terrorythme d’un inquiétant groupe de rock (sham rock ou trèfle en anglais), voit défiler toute une faune venue du Londres cosmopolite des exilés et des marginaux. La tour de Babel, c’est la tour de Londres et sa Cour des miracles.
Écrit par : jlv-J_Rios | vendredi, 15 janvier 2010
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