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« Quinzaine des librairies Sorcières : Il était une fois ... le Kamishibaï | Page d'accueil | Le Stand jeunesse de l'Autre Rive au Livre sur la Place, septembre 2010 »

jeudi, 03 juin 2010

Soutenons les éditions Être !

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L'idée que la maison d'édition  Être cesse d'exister me rend triste. Comment imaginer ne plus acheter en librairie, ne plus emprunter en bibliothèque, ne plus lire : L'Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon, Alboum, Venise n'est pas si loin, Vrrr.., La Grande question, Tous ses petits canards et tant d'autres livres indispensables? Comment se passer du regard éclairant de cet éditeur, Christian Bruel qui a changé notre façon de regarder les livres pour enfants ?
 
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Iest encore temps de  soutenir les éditions Être et d'acheter des albums essentiels, avant qu'ils ne disparaissent. 
 
Claude André, Libraire
 
 
 
 
 
Le risque ou dormir

C’était l’anagramme de mon ancienne maison d’édition

Le Sourire qui mord

 

Invité à débattre sur le thème « Résister, à quel prix ? » lors de la journée professionnelle organisée le 7 mai 2010 par la Fête du Livre de Villeurbanne, j’ai d’emblée, à la demande de Gérard Picot qui venait de l’apprendre, annoncé publiquement l’arrêt prochain des éditions Être.


Éditer depuis plus de trente-cinq ans, sans capital, des albums jeunesse singuliers plutôt exigeants a toujours relevé de l’aventure. Et sans le soutien attentif de nombre des partenaires de la chaîne du livre, les lois du marché auraient eu raison plus tôt de cet équilibrisme.


En des temps qui ne sont faciles que pour quelques nantis, qu’un léger fléchissement de la vigilance professionnelle puisse nous être fatal a pourtant suscité l’émotion. J’ai été très touché, sur place et depuis, par les nombreux encouragements à tenir et par l’engagement de ceux qui ne pouvaient se résoudre à ce que la présence de nos livres dans le paysage éditorial aux côtés des lecteurs jeunes et moins jeunes, ne soit pas assurée. Que faire ?


Je ne peux que vous inciter, les uns et les autres, à vous précipiter dans vos librairies préférées pour vous procurer les albums d’Être éditions pendant qu’il en est encore temps. Si une vague d’achats ne garantit peut-être pas la poursuite de l’activité, elle assurera un destin à des livres qui considèrent les enfants comme des lecteurs à part entière méritant des points de vue non altérés sur le monde. Qu’ils puissent encore, ces albums, susciter de libres interprétations et la résistance à l’ordre des choses, je nous le souhaite. Et nous le devons aussi aux créateurs qui ont partagé le risque de ces aventures littéraires et humaines.


« Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience » écrit René Char.

Je vous remercie de la vôtre.

Et je n’ai pas sommeil…

 

Christian Bruel

10 mai 2010

 

 

 

 

Commentaires

Je l'ai appris aujourd'hui chez mon libraire... Mais j'ai toujours Espoir :
- Espoir (!) que les libraires en aient encore en stock pour que nous lecteurs puissions les offrir encore et que les bibliothécaires qui les ont dans leur fonds continuent à les lire aux enfants
- Espoir que tous ceux qui ont de ses livres chez eux les lisent, les fassent lire aux enfants qu'ils côtoient et que tous ceux qui aiment ses livres en parlent, les lisent, et les fassent vivre encore
- Espoir que tous ceux qui n'ont pas sommeil restent éveillés
et surtout
Espoir car Christian n'a toujours pas sommeil...

Écrit par : Pau | vendredi, 04 juin 2010

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20 Under 40 -3
Pour changer, par rapport à la sortie des livres. Le magazine New Yorker (numéro du 7 juin 10) publie la liste des vingt auteurs du monde entier, de moins de quarante ans, qui comptent aujourd’hui dans le monde. Cette liste (http://www.newyorker.com/fiction/20-under-40/writers-q-and-a ).

Je continue donc avec cinq auteurs Sarah Shun-lien Bynum, Yiyun Li, Dinaw Mengestu, ZZ Packer, Gary Shteyngart et Nell Freudenberger



-------------------------------- Sarah Shun-lien Bynum --------------------------------------------

Sarah Shun-lien Bynum, née en 72 à Houston, Texas. Etudes à Brown University, Providence, Rhodes Island, et à l’University of Iowa. Elle vit actuellement à Los Angeles et enseigne à l’University of Calofornia, San Diego.
Son premier recueil de nouvelles « Madeleine is Sleeping », (04, Harcourt, 272 p) (Madeleine dort) a été retenu comme finaliste du National Book Award. Plusieurs autres nouvelles dans The New Yorker, Tin House. Un second recueil de nouvelles, « Ms. Hempel Chronicles », (08, Harcourt, 208 p) (Chroniques de Mademoiselle Hempel) contient 8 nouvelles, toutes centrées sur Beatrice Hempel, professeur d’anglais dans un collège. Ce titre, traduit en allemand, ne l’a pas encore été en français. En fait je n’ai pas trouvé de titre d’elle en français.
Elle reconnait des auteurs aussi bien de livres pour enfants comme Rumer Godden (« An Episode of Sparrows » et Carson McCullers « The Member of the Wedding ».

« Madeleine is Sleeping », (04, Harcourt, 272 p). Dans une suite de chapitres brefs, ou plutôt de petits portraits, on suit la vie de Madeleine, une française, plongée dans une léthargie profonde. L’action se passe donc en France à la Belle Epoque. On va y rencontrer plusieurs personnages de ce temps passé. Tout commence par une sombre histoire de relations sexuelles (oh n’imaginez pas un roman porno) entre Madeleine et M. Jouy, l’idiot du village. Mais elle en sort punie (pourquoi elle seulement alors que les autres filles du village…). Sa mère l’oblige à tremper ses mains (par la où le péché a été commis) dans un pot de soude. (C’est pire que de se laver la bouche avec du savon, ah cette étonnante éducation à l’anglo-saxonne). Les mains ressortent recouvertes d’une sorte de mitaines en cire et tombe dans une sorte de léthargie. Cela se poursuit par un triolisme actif avec des bohémiens de passage où l’on ne sait pas bien discerner la part du réel et celle du rève. « Madeleine est comme une momie, mais quand on lui passé un miroir sous le nez, des formes fantomatiques apparaissent sur la surface froide. ». C’est là que l’on va retrouver M. Pujol et Adrien. Le premier n’est autre que notre renommé Pétomane (ah cette distinguée culture de l’époque que les puritains anglo-saxons nous envient). Le second, Adrien, est photographe, sorte de voyeur qui portraite le trio, et est accessoirement aussi l’amant du pétomane. S’y rajoute Charlotte, une autre femme dont les cheveux ont tellement poussés qu’elle s’en sert comme viole. Le tout réussi à se faire embaucher par une riche femme âgée, en tant que troupe particulière et privée. Où l’on voit les séances de musique, rythmées par les battements de mains de Madeleine sur les arrières de M. Pujol, le tot photographié par Adrien,. Le reste de l’histoire est pour Madeleine un mélange de retour à la vie réelle et ses rèves, entre Freud et Kafka, entre morale et fantasme. La fin est un peu de la même veine. Pour inverser la malédiction qui frappe Madeleine, sa mère et ses sœurs envisage de sortir M. Jouy (l’idiot du village, par qui tout est arrivé) de son asile et de le marier à Madeleine. Mais cette dernière a d’autres plans, en particulier, visant M. Pujol, le pétomane (J’ai adoré les circonvolutions prises par certains critiques pour nous expliquer les fondements de son talent), sachant que celui-ci s’est réfugié dans le même asile. (J’avais prévenu de la diabolitude des plans du livre).
Cette nouvelle est en fait une histoire, très bien charpentée une, qui peu à peu captive le lecteur, alors que la seule logique du rêve se termine. Le tout se termine bien puisque M. Jouy et Madeleine se marrient (adieu aux fonctions d’Adrien, mais entre temps M. Pujol a rasé ses moustaches) sous le témoignage de Dieu (c’est écrit aux USA) et du village (Ouf). Hélas, nouveau coup du sort. Madeleine et son nouvel artiste de mari, reviennent au village où ils se produisent. Hélas le pétomane déçoit, et Madeleine croit bon de revenir aux anciennes méthodes confirmées en démontrant ses acrobaties et capacités érotiques Sur le point de réaliser ces menées, Madeleine s’endort…

« Ms. Hempel Chronicles », (08, Harcourt, 208 p).
Beatrice Hempel est une jeune professeur, dans sa vingtième année, qui n’assume as très bien sa nouvelle identité. « Elle a choisi d’enseigner parce cela semblait offrir à la fois de grandes possibilités pour ce qui concerne les loisirs et la satisfaction de faire quelque chose de généreux et d’utile. Elle réalise son erreur, mais trop tard, l'enseignement l’avait envahi, comme une infection bénigne mais inexorable ». 8 courtes nouvelles qui commencent par « Talent ». Confrontée à Jonathan Hamish à « le garçon le plus rude et le plus fou de la classe de huitième » (l’équivalent de la 5eme en France), elle réalise son échec relatif. Hélas, le monde continue de tourner et tout ce qui va avec. « Ms. Hempel se tourney vers le tableau, prend la craie et écrit First Assignment (Première Tâche) ». dans la seconde « Accomplice » (Complice), une des meilleures du livre, elle laisse les élèves composer leurs propres « anecdotes », inspirées de Tobias Wolff « This Boy’s Life (Un mauvais sujet) ». Pour les évaluations, elles proposent aux élèves des lettres à en-tête et leur apprend à imiter les signatures. Dans « Sandman » (L’Homme de sable), on fait connaissance de ses meilleures amies Grace et Kate, fanas de sous- vêtements sexy et de défilés de mariés. Ce chapitre vient un peu comme un cheveu dans la soupe (il est paru en nouvelle séparée dans Tin House (été 06). Puis dans « Creep » et « Satellite », on voit Ms Hempel confrontée aux parent et frères et sœurs de ses élèves. Dans « Yurt » on découvre une amie, Ms Duffy, professeur elle aussi, qui reviens après avoir été une année en sabbatique au Yemen. Elle revient pleine d’énergie, et les deux femmes ont plein de choses (insignifiantes) à se raconter « Jonathan Hamish a été renvoyé…Mr Peele met la climatisation plus tôt. ». On verra aussi Béatrice embrasser Mr Polidori, professeur de physique, mais sans suites. Le dernier chapitre « Bump » est, à mon avis, le moins bon (le plus pire). Ms Hempel a changé de travail, elle est maintenant dans une vague administration qui gère les parcs, mariée et enceinte (on ne sait de qui, ni comment). Elle croit reconnaitre (de dos) une ancienne élève. Malheureusement ce n’est pas le cas et le soufflé attendu retombe.

Pour résumer, autant le premier recueil était truculent par moments, autant le second reste assez mièvre. Je suis assez déçu.


------------------------ Yiyun Li ----------------------------------------------------------


Yiyun Li, née en 72 à Pékin. Etudes en Chine, et entre 12 et 16 ans on essaye de faire d’elle une mathématicienne ou une physicienne. Ses parents étaient respectivement physicien nucléaire, lui originaire du nord de la Chine, et elle enseignante. Sa mère donc, originaire de la campagne autour de Shanghaï, a subi les effets des invasions. En effet, ses grands parents étaient des commerçants dont le commerce a été brûlé pendant la guerre sa grand-mère a été violée par des soldats japonais, et est devenue folle.
Venue aux USA en 96 pour un PhD en immunologie aux USA sur les maladies auto-immunitaires (communication entre thymocytes ou cellules T et lymphocytes ou cellules B), le tout à University of Iowa). En fait, elle voulait être écrivain. Elle intègre donc un MFA à University of Iowa. Depuis, elle se marie et a deux fils. Ils vivent à Oakland, Californie et elle enseigne en anglais à University of California, Davis.
Les 1001 Nuits sont une première révélation pour elle.
2 romans de publiés
« The Vagrants » (09, Random House, 352 p) traduit en « Un beau jour de printemps » (10, Belfond, 456 p).
« A Thousand Years of Good Prayer » (05, Random House, 240 p) (Un millier d’années de bonnes prières) recueil de nouvelles.

Et quelques nouvelles
« Immortality » (03, Paris Review)
« Gold Boy, Emerald Girl » (08, The New Yorker), Un vieux professeur chinois arrange un marriage entre son fils Hanfeng (44 ans) et une ancienne étudiante Siyu (38 ans). La mère de Hanfeng a été la professeur de zoologie au collège de Siyu.
« A Man Like Him » (08, The New Yorker) un instituteur chinois, Fei, à la retraite se prend d’affection pour une jeune fille (19 ans) qui a des problèmes avec son père, face à sa mère.
« Alone » (09, The New Yorker), courte histoire d’une femme qui rencontre un homme plus âgé dans une station de ski et lui raconte sa triste jeunesse.


« Un beau jour de printemps » est donc son premier roman. Le titre original « The Vagrants » devrait se traduire par « Les Vagabonds ». Le titre adopté, qui fait référence au printemps, doit il être considéré comme une référence, quelque peu humoristique, à la campagne des Cent Fleurs de Mao en 57, ou au Printemps de Pékin et au Massacre de la place Tian'anmen en 89.
Car c’est bien de cette époque que traite le livre, qui commence le 21 mars 79, donc au printemps. Dans une petite ville de l'extrême nord chinois « Rivière-Boueuse », la population est invitée à assister à l'exécution de Gu Shan. Il s’agit d’une ex-garde rouge de 28 ans, enrôlée à l’âge de 14 ans, mais qui est devenue une critique virulente du régime.
Décervelage collectif et ravages de l’'idéologie communiste pour transformer les gens en marionnettes. Le vieux père de Gu Shan ne peut plus rien faire et courbe tout au plus l’échine. Sa mère est recluse et enfermée dans des superstitions. La speakerine de la radio officielle locale, Kai, mais mariée à un responsable politique, se demande si elle doit continuer à abrutir le peuple en diffusant la propagande du régime. En écho à l’exécution de Gu Shan on a les bruits des manifestations de Pékin autour du « Mur de la démocratie ».

-------------------------------- Dinaw Mengestu --------------------------------------------

Dinaw Mengestu, né en 1978 à Addis-Abeba, Ethiopie émigre avec sa famille en 80 pour fuir le régime dictatorial de Mengistu Haile Mariam. La famille s’installe à Chicago.
Etudes d'anglais à Georgetown University, à Washington, puis littérature (MFA) à Columbia University. Professeur d'anglais à Georgetown, il travaille aussi comme journaliste dont un bon reportage sur le Darfour dans Rolling Stone.
Un premier roman « The Beautiful Things that Heaven Bears » (07, Penguin Riverhead, 240 p), mais sous le titre « Children of the Revolution » (07, Jonathan Cape, 228 p), et traduit en français (« Les Belles Choses que porte le ciel » (07, Albin Michel, 303 p).
Etant domicilié à Paris en ce moment, il écrit un second roman sur une petite ville du Midwest Américain.

« Les Belles Choses que porte le ciel ». Le roman contient incontestablement une forte part autobiographique. Il commence par un incipit tiré de « La Divine Comédie », lors de la sortie de l’Enfer. « Par un pertuis rond je vis apparaître / Les belles choses que porte le ciel / Nous avançâmes et, une fois encore, vîmes les étoiles. ».

Sepha Stephanos, 36 ans, a fui la révolution éthiopienne à la mort de son père. Il émigre aux Etats-Unis pour vivre enfin le rêve américain. Pour réussir là où il a échoué dans son pays, il fait des petits boulots pour payer ses études. Il abandonne ses études, il ne sait pas trop ce qu'il veut faire, et sur les conseils d'un ami, africain comme lui, il ouvre une épicerie dans un quartier proche de Logan Circle, autrefois bourgeois, aujourd'hui noir et pauvre. Pas trop motivé, il n’ouvre son magasin que quand il en a envie. Deux amis font cependant quasiment partie du magasin. Joseph Kahangi (Jo-Jo ou Joe du Congo, ou encore Congo-Joe), un congolais donc de la RDC, et Kenneth (Ken le Kenyan), donc du Kenya.
Ensemble ils se réunissent et regrettent leur pays tout en reconnaissant que la vie là-bas aurait été pire. Le jeu des dictateurs est leur jeu favori. Cela consiste, à partir d’un nom, Bokassa, Mobutu, Amin Dada, la liste est longue, ou d’une date, à resituer un coup d’état avec son protagoniste, son pays et son année. Ils ont tous trois une certaine expertise en la matière.
Stephanos a vu son père assassiné sous ses yeux par les insurgés, avant qu’il quitte l’Ethiopie. Kenneth a quitté le Kenya pour trouver un peu plus de liberté et se construire un avenir digne de ses capacités. Joseph a choisi l’exil quand Mobutu a fait régner la terreur au Congo, ou au Zaïre.
Sephal retourne parfois chez son oncle, qui l'avait accueilli à son arrivée d'Ethiopie, mais c’est pour y réveiller les fantômes du passé. « Je n'étais pas venu en Amérique pour trouver une vie meilleure. J'étais arrivé en courant et en hurlant, avec les fantômes d'une ancienne vie fermement attachés à mon dos. Mon objectif, depuis lors, avait toujours été simple : durer, sans être remarqué, jour après jour ». Kenneth a accumulé les diplômes mais finalement se résoudre à singer son patron « Il croit au pouvoir d’un costume bien taillé, pour attirer l’attention et le respect de ceux qui autrement ne le regarderaient même pas ». Joseph, lui se rêve en poète et réécrit inlassablement le même vers tout en sachant qu'il n'en sera jamais satisfait.
Tout va pas trop mal pendant 17 ans, jusqu’à ce que Judith achète la maison voisine de Sepha. Judith est blanche et a petite fille métisse, Naomi. Cette dernière va passer beaucoup de temps à lire les Frères Karamazov dans la boutique de Sepha. Va-t-il fonder une famille ?

J’ai déjà cité l’incipit, qui fait référence à Dante. On parle aussi beaucoup de littérature dans le livre, avec Dostoïevski James Joyce et V.S Naipaul.

Il y est aussi beaucoup question de solitude (« Un homme coincé entre deux mondes vit et meurt seul »), d'exil et d'immigration« Combien de temps m’a-t-il fallu pour comprendre que je ne retournerais plus jamais en Ethiopie ? » Le roman aborde aussi les conflits en Afrique, le problème des relations Nord/Sud, la fin du rêve américain « Personne, ici, ne te donnera rien pour rien. Cela se passe comme ça, en Amérique. » « Où est le grand récit de ma vie ? ». Le fait que l’histoire se passe près de Logan Circle est aussi significative. Ce quartier s’est tout d’abord paupérisé, vite devenu pauvre et noir, mais il est actuellement en voie de réhabilitation, et surtout très prisé des bobos blancs bien sûr. C’est un questionnement capital pour DM, qui devrait être abordé par les Américains. Dans un pays où les inégalités économiques se creusent à mesure que le pays s’enrichit, la société se déséquilibre rapidement. On ne devient plus riche par le travail ou par don. C’est donc la fin du rève américain. De plus comme le dit DM dans un interview, la plupart des immigrants actuels viennent de pays en voie de développement d’Afrique, d’Asie ou d’ailleurs. La visibilité de ces populations est alors notable en terme d’accent, de couleur de peau ou de religion. Leurs cultures sont plus difficilement assimilables. Le rejet est donc d’autant plus évident à terme.

------------------------------------ ZZ Packer ---------------------------------------------------
ZZ Packer, née en 73 à Chicago. Son prénom réel est « Zuwena », un mot Swahili qui signifie « bon », mais elle a toujours été appelée ZZ. A 5 ans sa famille part pour Atlanta, où elle reeste pendant 6 ans. Après le divorce de ses parents, elle part à Louisville, Kentucky, avec sa mère. Etudes à Seneca High School, à Louisville, puis Yale University, Johns Hopkins, Baltimore, et enfin MFA à University of Iowa. Elle enseigne actuellement à Stanford, Californie.

Ses auteurs favoris sont Toni Morrison, Richard Ford
Elle travaille actuellement sur des nouvelles tirées de la Guerre de Sécession.
Le sujet en serait les Buffalo Soldiers qui ont quitté leur Louisiane pour aller vers l’Ouest. L’opposition entre un Ouest, où il n’y a pas beaucoup de noirs et ces soldats rend le sujet encore plus intéressant.
Autre nouvelle en chantier à propos de la période de Reconstruction (1865-1877), juste après la Guerre de Sécession, l’un des épisodes les plus violents de l’histoire américaine. Cette période, commence sous Abraham Lincoln (et son assassinat) pour se poursuivre sous Andrew Johnson. Elle voit l’opposition farouche des Freedmen (hommes de la Liberté), récemment arrivés dans le Nord (les Carpetbaggers), and les blancs Southerners (anciens Sudistes) qui approuvent la Reconstruction (Scalawags), spécialement dans le Sud. C’est aussi le début du Ku Klux Klan avec ses soirées enflammées, auxquelles certains noirs étaient conviés et participaient activement.

Premier livre, recueil de nouvelles « Drinking Coffee Elsewhere » (03, Riverhead Books, 2003), traduit et publié en France sous le titre « La vie ailleurs » (04, Stock, 322 p), après que la nouvelle qui donne le titre au livre ait été publiée dans Publishers Weekly.
8 nouvelles donc
« Scoutes » (Brownies) Un groupe de filles scoutes, à la peau colorée sont confrontées au racisme latent par un autre groupe de blanches. Laurel, une afro-américaine raconte l’histoire de ses parents confrontés à une famille Mennonite. Juste des faits, pas de conclusions. Par contre il y a dans le texte un moment savoureux qui est la chanson du donut (ou donought), le gâteau bien connu. « La vie sans Jésus, c’est comme un donut ! - comme un donut !- comme un donut ! La vie sans Jésus, c’est comme un donut ! – Il y a un trou béant – Dan mon âme, en plein dedans ! ».
« Toute langue confessera » (Every Tongue Shall Confess) Sœur Clareese a des règles douloureuses, et cela pendant un prêche important du pasteur Everett. Elle se rattrapera en faisant un prosélytisme actif auprès des malades qu’elle soigne. A-t-elle converti Cleophus Sanders, avec ses béquilles ?
« Notre-Dame-de-la-Paix » (Our Lady of Peace) Linnea, professeur dans une école de filles, n’arrive pas (ou plus) à maitriser sa classe. Jusqu’à ce que Sheba, une nouvelle intègre le groupe et surprise se voit charger de faire régner un semblant d’ordre.
« La fourmi du moi » (The Ant of the Self) Les relations entre Million Man March et son ex-beau père.
« La vie ailleurs » (Drinking Coffee Elsewhere) Dina et Heather, nouveaux étudiants à Yale
« Le don des langues » (Speaking in Tongues) Une jeune fille parcourt Atlanta à la recherché de sa mère dont on ne sait si elle s’adonne à la drogue ou à la prostitution. Quand elle parvient à la localiser et à lui téléphoner, sa mère ne la reconnait pas.
« Les oies » (Geese) L’histoire d’une jeune femme noire « perdue dans la traduction » (lost in translation) au Japon.
« Doris va venir » (Doris Is Coming) Une jeune femme lutte contre la complaisance de sa communauté, et veut rejoindre les mouvements des droits civils pour l’amélioration de la vie des Afro-Américains


------------------------------- Gary Shteyngart ----------------------------------------------------------

Gary Shteyngart, né en 1972, à Leningrad (ou comme il le dit lui-même « St-Leningrad ou St-Leninsbourg »), quitte l’URSS en 78 sous Brejnev.

Il émigre avec ses parents aux USA en 79, mais s'adapte difficilement et retourne en Europe (Prague) après un diplôme en sciences politiques à Oberlin College, Ohio. Il retourne aux USA et passe un MFA (Master of Fine Arts) à Hunter College de la City University of New York. Il y est remarqué par Chang-rae Lee, alors à Princeton l’auteur de « Native Speaker» (95, Riverhead, 368 p) «Langue natale»), «The Surrendered » (10, Riverhead, 480 p) «Les sombres feux du passé»). Ce dernier le dirige lors de son MFA. Il habite actuellement dans Manhattan, New York, et enseigne à Hunter College, ainsi que des cours d’écriture à Columbia University et Princeton University. Deux romans à présent « The Russian Debutante's Handbook » (03, Riverhead, 496 p) soit « Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes russes (06, Seuil, 475 p) et « Absurdistan » (07, Random House, 333p) soit « Absurdistan ») (06, L’Olivier, 416 p).

« Absurdistan » (06, L’Olivier, 416 p). C’est son second roman. Micha Borisovich Vainberg est héritier de la 1238eme fortune de Russie. Malgré ses 150 kilos et ses deux mètres(on l’appelle aussi Snack Daddy), il la dilapide joyeusement et engueule ses domestiques. « Le sujet de ce livre, c'est l'amour ».
Son père est cependant abattu par un gang rival, et Micha se voit signifier une interdiction de séjour aux Etats-Unis qui l'empêche de rejoindre sa copine du Bronx. Pas trop grave car cette dernière est sous le charme d’un certain Jerry Shteynfarb, « émigré russe parfaitement américanisé qui était parvenu à utiliser ses douteuses références russes pour se hisser dans les rangs de la fac et coucher avec la moitié du campus par la même occasion ». C’est accessoirement l’auteur de « Traité de branlette à l'usage des jeunes archivistes », en référence au premier livre de Gary.
Après avoir consolé la jeune veuve de son père, Micha part finalement pour un périple et échoue en Absurdistan, territoire situé sur les rives de la Caspienne. Il aboutit là en vue d’acquérir un faux passeport belge qui devrait lui ouvrir les frontières du rêve américain, l'affaire se conclue dans une ruelle derrière le McDonald's local. En Absurdistan, deux ethnies rivales, les Sevo et les Svanï se partagent le pays. Une vieille querelle les divise qui concerne « l'épineuse question de l'orientation du repose-pieds sur la croix christique ». Ils recoivent cependant Micha en ami, comme le veut la coutume locale concernant les hôtes de confession judaïque. « Il porta la main à son cœur et me dit que les Juifs et l'Absurdistan avaient en commun une histoire longue et pacifique et que mon ennemi était aussi le sien, cependant que sa mère était ma mère et sa femme ma soeur ».
Mais un conflit armé éclate entre les deux communautés. Micha se voit rapidement bombardé responsable de l'amitié sevo-juive par le nouveau gouvernement. Il va esquisser les bases d'un projet architectural à caractère éducatif. « Des études ont prouvé qu'il n'est jamais trop tôt pour traumatiser un enfant avec des images de squelettes et de femmes nues pourchassées par des chiens dans la neige polonaise ».

Roman russe qu’ils disent…. Un certain humour et une vision sans concessions de l’actuelle société russe. Sans plus.

------------------------------------------ Nell Freudenberger ---------------------------------------------

Nell Freudenberger, née en 75 à New York. Diplôme à Harvard. Elle voyage ensuite pas mal en Asie, à Bombay entre autres, et est professeur d’anglais en Thailande pendant un an. Mariée, elle vit maintenant à New York.
Sa première nouvelle « Lucky Girls » paraît dans The New Yorker en juin 01, puis trois autres nouvelles dans Granta. « The Tutor » (le Tuteur), été 03, « God and me » (Dieu et moi) au printemps 06, « Where the East meets West » (où l’Est rencontre l’Ouest), été 07, et enfin « Grandmother’s House » (La maison de grand-mère) dans The New Yorker.
Quelques articles de voyage essentiellement dans la revue Travel + Leisure, tels que « The Beijing Art Scene », conseils et indication sur où aller et que faire en Chine. Ou encore la courte nouvelle chez Powell « How I Became Afraid of Bugs» (comment je suis devenue terrifiée par les cafards).
Deux livres aussi pendant cette période, le recueil de nouvelles « Lucky Girls » (03, Harper Perennial, 256 p) au titre éponyme en français « Lucky Girls » (08, Quai Voltaire, 331 p ) puis un roman « The Dissident » (07, Ecco, 427 p) lui aussi traduit, en « Le Dissident Chinois » (10, Table Ronde, 450 p). Un autre roman en préparation « The Newlyweeds » (Les nouvelles semences).
Ses préférences pour les auteurs qui ont pu l‘inspirer vont à Grace Paley (« The Little Disturbances of Man » (59, Penguin) « Long Walks and Intimate Talks » (93, The Feminist Press at CUNY), auteur essentiellement féministe, et R.K. Marayan (Rasipuram Krishnaswami Narayanaswami) « The Man-Eater of Malgudi » (61, Penguin) (« Le Mangeur d'homme » ‘81, Acropole) et « Under the Banyan Tree » (85, Viking), traduit en « Sous le banian » (94, Belfond) deux romans sur la vie quotidienne en Inde du Sud.

Les nouvelles et articles courts
« The Tutor » l’histoire d’une américaine à Mumbai (Bombay).
« God and Me ». Comment dessiner Dieu (avec une chemise de pirate, des pantalons de harem violets, et un fez rouge et en dessous une coupe de cheveux au bol).
« Where East meets West ». Un livre à la mémoire de la grand-mère de NF, Martha Clapp Freudenberger, professeur de latin, décédée à 97 ans, et collectionneuse passionnée d’argenterie et de timbres de passeport. Les changements de mentalité et des habitudes des américains vus par une retraitée.
« Grandmother’s House » Une très courte nouvelle, qui commence dans un avion, avec la lecture de « The Hungry Tide » (La marée affamée) de Amitav Ghosh, qui se passe dans le sud du Bangladesh, autour du delta du Gange. Invitation à la visite par la voisine de siège et découverte de la maison de la grand-mère.

« How I Became Afraid of Bugs». Pourquoi a t’on (les femmes surtout) peur des cafards (on pas des petits, mais des grosses blattes d’eau (et pourquoi arrivent ils à passer dans des interstices aussi peu épais) ? Le livre de William Glass est pourtant un des écrits les plus remarquables à ce sujet « Order of Insects » (nouvelle dans « Au cœur du cœur de ce pays » (95, Rivages) (la femme du narrateur est fascinée par les blattes d’eau - Periplaneta orientalis-) (c’est également l’auteur de « le Tunnel » (07, Cherche Midi, 720 p) très bel ouvrage à lire). Donc pour en revenir à la nouvelle, quand la narratrice n’a plus d’insecticide à portée de mains, que fait-elle ? Elle se rappelle un vieux souvenir à Delhi, où leur appartement était envahi de blattes. La propriétaire leur conseille alors de répande du Lakshman Reika (du nom tiré du Ramayana). (Lakshman est chargé de prendre soin de sa belle sœur, Sita, dans la forêt, pendant que Ram part chasser le daim doré- qui est, on l’a deviné, un démon. –cercle magique atour de Sita et promesse de ne pas en sortir. – démon tentateur. – et ce qui devait arriver advint.). Dans la nouvelle le produit n’a pas la même efficacité que dans le poème (Hélas tout fout le camp de nos jours).
Après encore bien des essais, on en vient à l’écriture d’une sombre nouvelle indienne (envoyée au New Yorker) à la suite de laquelle NF devient l’auteur que l’on connait à présent.

« Lucky Girls » Premier recueil de 5 nouvelles de NL. On vient de voir la transition (très habilement emmenée) entre les séjours asiatiques de NL et son gout pour l’écriture. Donc, premier recueil, en 03, traduit en 08 chez Quai Voltaire.

« Lucky Girls » (Filles chanceuses) Première nouvelle qui donne le titre au recueil. Une américaine, la trentaine environ, peintre, vient de passer cinq and en Inde. Réminiscences de Arun, un Indien dans la belle cinquantaine, rencontré aux US lors d’une visite à une amie originaire de Delhi. Départ pour Delhi où elle devient la maitresse d’Arun, mais bientôt mort de ce dernier. La nouvelle débute par la rencontre avec la mère d’Arun, après sa mort. Rencontre plutôt froide (« Est ce une forme de préjugé ». Retour sur ses raisons de partir « Cela parait difficile de décider où l’on doit revenir ». Les parents ? « Il est exclu que ce soit Boston –le père- ou la Californie –la mère ». L’Inde ? aucun atome crochu avec la famille d’Arun. En conclusion cette « lucky girl » (fille heureuse) semble terriblement isolée, perdue et seule.
« L’orphelin » (The Oprhan) Alice et Jeff se sont séparé, il y a six mois, mais ils n’en ont encore rien dit à leurs enfants, pourtant adultes. La fille est partie à Bangkok, et téléphone à sa mère que son petit ami thaïlandais l’a battue et violée. En fait, une méprise liée à la différence de culture (« a misunderstanding... a cultural thing, actually. »). Un peu plus tard, Alice et Jeff décide d’aller en Thailande pour Noël – en particulier pour parler de leur divorce. En fait c’est tout autre chose qui se passe lorsqu’ils rencontrent le copain de leur fille. Quelques mois plus tard, alors qu’Alice et Jeff partent ensemble en Thaïlande rejoindre leur fille et leurs fils pour un court séjour, ils ont l’intention de leur parler du divorce à venir, mais c’est tout autre chose qui se passe. Notamment à propos d’une restaurant au nom mal prononcé «C’est ce à quoi ressemble la démocratie » ('This is what democracy looks like), ou alors paroles pour le moins malencontreuses du père « Nous ne sommes pas riches. On est à l’aise. On donne à Yale » (We're not rich. We're comfortable. We give to Yale.). En bref, une incommunicabilité totale.
« Le tuteur» (The Tutor). Une nouvelle à propos de Zubin, un tuteur indien et Julia, une fille d’un patron lycée américain qui a des difficultés pour finir d’écrire son test d’admission en lycée (et éventuellement en terminer aussi avec sa virginité). « Quand je suis ici, je veux écrire sur l’Amérique, et quand je suis en Amérique, je veux toujours écrire à propos d’ici » (When I'm here, I want to write about America, and when I'm in America, I always want to write about being here).
« Hors de la porte orientale » (Outside the Eastern Gate). Retour à Delhi d’un écrivain américain, la quarantaine, exactement 30 ans après que sa mère soit partie d’Inde vers Istanbul dans un bus orange rempli d’objets d’art et de tablettes de chocolat. Le narrateur n'est pas tant à la recherche de sa mère que celle ci est à la recherche d'une explication. Pourquoi sa sœur aînée a été emmenée, puis laissée en route. Retour ensuite aux USA et suicide de la mère. « Retourner aux USA ressemblait à un réveil du plus beau rêve que tu ais jamais eu » ('Going back to America was like waking up out of the most beautiful dream you'd ever had).
« Lettre du dernier bastion » (Letter From The Last Bastion). Un vétéran, Henry Marks, de la guerre du Vietnam devient écrivain reconnu « D’avoir eu un tel paquet d'expériences, à la fois personnelles et typiques de sa génération, il lui est donc possible d'écrire à la fois sur sa propre vie et sur la vie du siècle en Amérique» (to have had discreet packets of experience, which are both personal and typical of his generation, so he's able to write about his own life and the century in America at the same time.). (Pas si modeste que cela l’écrivain). Il reste cependant partagé entre la vie dans une petite ville américaine et les réminiscences de la guerre. Le bastion en question est Lancaster, en Pennsylvanie « Le dernier bastion de la décence dans les états de l’Amérique moyenne» (the last bastion of decency in the mid-Atlantic states). La nouvelle prend la forme de lettres écrites par une fille de 17 ans, qui veut devenir optométriste et le vétéran qui veut écrire sur les adolescents.

« Le Dissident Chinois » (10, Table Ronde, 450 p). Roman, publié tout d’abord aux USA « The Dissident », (06, Ecco, 464 p), puis en Angleterre et traduit en France sous le titre « Le dissident chinois ».
« Il y a plusieurs types de mensonges » selon Yuan Zhao, le narrateur. Celui-ci, dissident chinois, est à Los Angeles pour un an, dans le cadre d’un échange artistique et donne des cours d’art à St Anselm’s, une école de jeunes filles. Il est hébergé par la famille Travers composée par Cece, la mère et Gordon, psychiatre passionné de généalogie et professeur à UCLA en un ménage qui part un peu à la dérive, plus deux enfants Olivia et Max. Olivia est obsédée par sa taille, qui doit rester mince, d’où calcul permanent des calories ingurgitées et dépensées, tandis que Max, arrêté en possession d'une arme à feu (« l’accident ») est soumis à des travaux d’intérêt général. Le retour à Los Angeles de Phil, le frère de Gordon qui a une relation ambigüe avec Cece sème un plus le trouble dans le ménage. Phil est scénariste pour Hollywood et occasionnellement découvreur de races animales inconnues. Il faut rajouter Freud et Prométhée, les deux chiens du couple.

Le roman est basé sur l’alternance de deux récits, celui de Yuan Zhao (à la 1ère personne), et celui de Cece (à la 3ème personne). Le jeune chinois évoque surtout la mouvance artistique de l’East Village, un quartier de Pékin au début des années 90. (Le village, lieu de création – et de dissidence- est finalement rasé en 01). On découvre ainsi son talentueux cousin X et June une jeune écolière américaine, chinoise de naissance. Cela donne lieu à des réflexions intéressantes sur l’art et son sens. Qu’est ce que l’art et qu’est ce qui n’en est pas? En tant qu'œuvre éphémère la photo d’une performance artistique, seule témoin qui subsiste, appartient elle à l’artiste ou au photographe? (Un génial photographe de l’East Village, Rong Rong, est maintenant mondialement reconnu). Il n’est cependant pas sûr que Yuan Zhao soit du même gabarit que les autres artistes de l’East Village. J’y verrais plutôt un pale copiste.
Le récit de Cece est d’un tout autre registre. Cette américaine est surtout partagée entre la préservation de l’unité familiale, qui vacille fortement et ses propres désirs envers Phil en particulier.
Désirs inassouvis, opportunités ratées et faux semblants, tout le roman vise à faire découvrir le coté caché des choses, à mi chemin entre identité vraie et apparence. « Une part de nous-mêmes ne demande qu’à être démasquer ». Et ceci est autant valable pour Cece que pour Yuan Zhao. La présence, et la confrontation de deux cultures n’est finalement pas tellement abordée. On reste sur sa faim, et ceci d’autant plus que la passé et le vécu de NF, ainsi que « Lucky Girls » semblaient se focaliser sur cette pluriculture.
La dichotomie imposée par le découpage entre Pékin et Los Angeles, rythmée par des chapitres courts, facilite la lecture. La partie chinoise est pleine de création et d’inventivité, notamment dans le questionnement sur « la politique et l’art et même la mort ». par opposition la partie américaine reste souvent beaucoup plus terre à terre

Écrit par : jlv-20 under 40-3 | vendredi, 16 juillet 2010

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20 Under 40 -4
Pour changer, par rapport à la sortie des livres. Le magazine New Yorker (numéro du 7 juin 10) publie la liste des vingt auteurs du monde entier, de moins de quarante ans, qui comptent aujourd’hui dans le monde. (http://www.newyorker.com/fiction/20-under-40/writers-q-and-a ).

Je termine donc avec les cinq auteurs Philipp Meyer, Nicole Krauss, Chris Adrian et Daniel Alarcón, Joshua Ferris

------------------------------ Philipp Meyer --------------------------------------------------------

Philipp Meyer, né en 74, à Baltimore. Parcours assez diversifié (mais habituel pour un américain, donc je donne en détail des fois que cela puisse donner des idées…). Ses parents, Eugene enseigne la biologie à Loyola College (University of Maryland) et Rita, peintre Meyer, lui reconnaissent une certaine indépendance d’esprit « We wouldn't give him toy guns as a child. So he made his own out of paper. » avoue sa mère. (on ne lui a pas donné de pistolets pour jouer quand il était petit. Alors il s’est créé les siens propre avec du papier).
Etudes au Baltimore City College High School, jusqu’à l’âge de 16 ans. Puis il devient mécanicien en bicyclettes et occasionnellement volontaire au Baltimore’s Shock Trauma Center, pour le transport des blessés (Service des Urgences). A 20 ans il décide de devenir écrivain. Il quitte le domicile familial et finalement à 22 ans il intègre Cornell University et passe un diplôme d’anglais. Il prend également un travail à Wall Street pour payer ses études. Il entre alors chez UBS avec des stages à Londres et Zurich, et fait partie d’un groupe de traders « genius desk » (le bureau des génies). Il rêve toujours d’être écrivain. Il se place comme technicien en urgences médicales et se réserve une seconde carrière paramédicale pour assurer ses arrières. Il intègre alors le Michener Center for Writers à Austin, Texas. A peine arrivé à Austin, l’ouragan Katrina s’abat sur la Nouvelle Orléans. Il bourre sa voiture de produis médicaux d’urgence, conduit toute la nuit et arrive en plein milieu de l’ouragan. Il passe deux jours à faire de l’urgence avec un groupe de police locale. Retour ensuite à Austin, et MFA en 09. Diverses bourses lui sont accordées et il vit actuellement à Austin.
Auteurs favoris ou étant à la source de PM. Des grands auteurs comme James Joyce, William Faulkner, Virginia Woolf et Ernest Hemingway. Des contemporains aussi comme James Kelman (« Le Poinçonneur Hines », « How late it was, How Late »). Colm Tóibín (« la Bruyère incendiée » « L'Épaisseur des âmes ») qui a été son mentor et Alistair MacLeod « Cet Héritage au goût de sel » « La Perte et le Fracas », ainsi que les poètes Jack Gilbert et B.H. Fairchild.
« American Rust » (09, Siegel & Grau, 284 p) est son premier roman, traduit en « Un arrière-goût de rouille » (10, Denoël, 537 p).
Auparavant, on lui doit quelques nouvelles et autres articles
« Working as an EMT during Hurricane Katrina » The Austin Chronicle (05)
« The Wolf » The Iowa Review (06)
« One Day This Will All Be Yours » The Best of McSweeney's (06)
« Mother » Esquire (09).
« Working on Wall Street » Independent (09)
« What You Do Out Here, When You're Alone » The New Yorker (10).
« The United States of McSweeney's: Ten Years of Accidental Classics ». Un volume de compilation édité par Hornby Nick & Horowitz Eli (10, Hamish Hamilton)
« If Hitler ask you to electrocute a stranger, Would you ? Probably » Esquire (10).

« Working on Wall Street » (09, The Independent) (Travailler à Wall Street). L’histoire commence par un réveil difficile (aux alentours de minuit) sur un balcon d’un hôtel chic des Alpes suisses. Un de ses collègues se soulage depuis le balcon, alors qu’un autre a volé la cireuse à chaussures et joue avec. Le reste des convives dégouline, car ils viennent de plonger tout habillé dans la piscine.
C’est le seul littéraire du lot. Son seul problème est de rembourser les frais d’inscription de son université. Il sait qu’en quelques années il peut y arriver. Par chance, UBS l’a à la bonne et l’a placé sur le marché des produits dérivés –contrats financiers en principe basés sur (dérivés de) un produit réel. Ils sont supposés apporter de la stabilité au marché. Mais au fil du temps c’est devenu de la spéculation pure. (C’est étrange on croirait entendre la confession d’un certain trader). Bref vie facile et gains importants, avec en plus le respect du aux vertus cardinales de l’argent et les politiques à vos pieds.
PM raconte alors en partie son enfance à Baltimore, dans un quartier ouvrier durement touché par la délocalisation des industries lourdes - sidérurgie, textile, construction navale. Avec des parents de la classe moyenne mais aisés. Lui passe son temps à lire et son frère à écouter de la musique classique. Etudes pui après trois refus d’inscription dans une université de la Ivy League (les 8 universités de la cote est, l’élite) et divers petits boulots il entre à Cornell.
Son premier travail à Cornell est en relation entre UBS et le marché boursier. Et il entame une réflexion sévère et lucide sur le métier. « When your paycheck could cover the salaries of a few hundred nurses or teachers, you need some explanation for why that’s okay. The only one that really works is that life is a pure meritocracy. That whether rich or poor, we’re all getting what we deserve. (Lorsque votre chèque de salaire pourrait couvrir ceux de quelques centaines d'infirmières ou d’enseignants, vous avez besoin d'explications pour justifier ce qui est correct. La seule qui vaille la peine, c'est que la vie est une méritocratie pure. Que l’on soit riche ou pauvre, nous devenons tous de ce que nous méritons.) ».
Ce genre de réflexion le tracasse. Il a par ailleurs commencé à écrire un second roman, « Un enfant de province qui vient à Wall Street et qui est à la fois attiré et horrifié par le culte de l'excès. » .
Ceci dit, lors de sa première année à UBS, il a pris 25 kilos. Régime riche, restaurants de qualité, menus en qualité (et en quantité). Ainsi il cite une « norme d’environ une demi-douzaine de hors-d'œuvre, plus un steak et du homard, ainsi que quelques desserts et de vin autant que je pouvais en boire, tant qu'il était en dessous de quelques centaines de dollars la bouteille. Suivi d'un digestif, généralement un porto de 30 ans. ». Iil reconnait aussi avoir bu « une bouteille de Margaux 1983 ($ 2,000) ».
Il se sent tout de même un peu coupable de tout cela. Sur un coup de tête il assiste à une manifestation contre la Banque mondiale. « My guilt from doing this became so intense that on a whim I once went to a protest against the World Bank. I got sprayed with a little pepper gas and it felt good. » (« J’ai été aspergé d'un peu de gaz lacrymogène et je me suis senti mieux). »

« Working as an EMT during Hurricane Katrina » The Austin Chronicle (05)



« If Hitler ask you to electrocute a stranger, Would you ? Probably » Esquire (10).



J’en viens à son premier roman en « Un arrière-goût de rouille » (10, Denoël, 537 p).
Le roman se passe à Buell, petite ville de Pennsylvanie (je pense imaginaire). Par contre, les autres lieux, Charleroi, Belle Vernon Fayette (où il y a la prison), California (où il y a la California University of Pennsylvania), Monessen ou Brownsville tous existent réellement, le long de la rivière Monongahela, qui coule vers le nord avant de rejoindre l'Allegheny à Pittsburgh pour former l'Ohio. Ces précisions géographiques étant faites, venons en au livre.
Cette région, très industrielle, autour de Pittsburgh, et plus généralement des Grands Lacs (ici l’Erié) était un des cœurs actif de l’Amérique jusqu’aux années 70. Mines d’anthracite, de fer, d’où de gigantesques cokeries. Puis vinrent en 73 et 79 les deux crises énergétiques. (« Crisis is the moral equivalent of war » disait Jimmy Carte à l’époque (la crise est l’équivalent moral de la guerre).
La crise économique touche Pittsburgh au début des années 80, et le taux de chômage passe de 6 % en 79 à 15 % en 83. Les grosses usines de l’industrie lourde ferment, et la population migre vers le sud, la Louisiane et ses plateformes pétrolières. Cokeries, laminoirs vont bientôt devenir des friches industrielles que la rouille envahit et ronge. C’est dans ce contexte que s’ouvre « Un arrière gout de rouille ».
Deux « presque » familles dans cette petite ville, les Poe et les English. Chez ces derniers, la mère s’est suicidée en 87, laissant son mari, Henry, travailleur, puis chômeur et invalide, avec les deux enfants Lee et Harris. Lee vient de se marier avec Simon, après des études droit à Yale. Isaac a beaucoup hésité avant les études, pour finalement ne rien faire d’autre qu’être un bon lanceur au base-ball. Son rêve est de partir à Berkeley en Californie. Il est très lié à Billy Poe, lui-même ancien flirt de Lee. Ce dernier vit avec sa mère Grace, couturière, dans un mobil home. Le père Virgil, fait de brèves apparitions et préfère l’ambiance des bars. Billy est sur le point d’entrer à l’université California, voisine, essentiellement à cause de ses qualités de footballeur. Grace a une liaison avec Harris (Bud), le chef de la police locale qui vit seul avec son chien Poilu. Dans le passé, Bud s’est déjà fortement mouillé pour tirer Billy d’une sale affaire au cours de laquelle il avait un peu fortement frappé un autre gamin lors d’une bagarre. Il a aussi fermé les yeux sur des vols de bobines de cuivre de Virgil. Tout cela pour ne pas attirer d’ennuis à Grace.
Billy et Isaac ont la velléité de fuguer vers l’Ouest, et pour cela Isaac vole tout d’abord les économies de son père (4000 $) que celui-ci gardait en cas de coup dur (« le fonds spécial coup durs , comme il l’appelait »). Les choses tournent mal dès le début, puisque dans une usine voisine dans laquelle les deux fugueurs ont trouvé refuge, ils ont maille à partir avec trois vagabonds. L’un deux est tué par une bille de fer lancée par Isaac. Billy s’en tire avec une belle estafilade au cou, mais c’est sur lui que vont peser tous les soupçons.
PM nous raconte alors sur presque 500 pages la cavale de Isaac, l’arrestation et l’enferment de Billy, les questionnements de Harris, pendant que Grace, Lee et Henry ont leurs états d’âme. Le livre est très bien construit, 6 livres (grandes parties, chacune divisées en chapitres qui portent le nom d’un des personnages. Les chapitres sont de plus en plus courts au fil du récit. Cela permet d’entretenir le suspens. Cela laisse aussi la possibilité de sauter directement de l’un à l’autre pour aller au plus vite vers le dénouement (mais je ne crois pas que cela ait été le but de PM).
Mes critiques portent essentiellement sur la longueur, bien que, emporté par le récit et face à une écriture facile, on ne se lasse pas du récit, et que l’on arrive assez vite au bout des 538 pages. Certaines scènes ou passages auraient pu être coupé, ou raccourci sans nuire au récit. En fait on est un peu en porte à faux tout au long du récit. Portrait de l’Amérique en crise ou en post crise ; oui certes, mais soit il y en a trop (et PM se fige sur le récit) soit il n’y en a pas assez pour faire un roman social.
On découvre cette Amérique en crise via diverses scènes. Celles des usines fermées et inoccupées qui rouillent lentement, celles des maisons qui ne sont plus que l’image de ce qu’elles ont été. Ainsi la maison en brique, avec muret des English, à comparer avec celle en bois de Harris, ou le mobil-home de Grace. Scènes également des gens, avec Lee, issue de Yale, qui a quitté la région et a un bon job ; opposée à Harris qui voit le nombre de ses collègues se réduire comme une peau de chagrin, ou Grace, ouvrière qui rame pour tenir les cadences. Ceci s’oppose aux deux jeunes, en voie de marginalisation car ils refusent les études, ou ces vagabonds croisés soit lors des rixes, soit lors de l’escapade d’Isaac en train de charbon.
Quelques citations qui m’ont plu, et qui finalement représentent bien l’Amérique de nos jours.
« C’est le pays entier qui morfle, l’âge d’or est derrière nous. »
« Voiture japonaise de McGeevy, elle a gagné parce qu’elle a tenu le choc. »
« La police doit faire preuve de plus d’agressivité, disaient les gens- jusqu’au jours où vous pinciez leur fils en train de voler une voiture et que vous lui tordiez un peu violement le bras- là vous étiez un monstre, un violateur des libertés publiques ».
« Dix « Je vous salue Marie » et une pipe. » « Tu peux branler nos enfants, tu n’ébranleras pas notre foi ».
« Mais le rêve américain l’exigeait. On n’était pas censé perdre son boulot quand on le fait bien.et si tous ces immeubles qui ont été rachetés et transformés en HLM, on les avait plutôt brulés, disons vers 1985, si toutes les habitations vides avaient été rasées avant que ces gens viennent s’installer… La base imposable serait exactement la même, avec moitié moins de monde et aucun des problèmes actuels. »

---------------------------------- Nicole Krauss -------------------------------------------------
Nicole Krauss, née en 74 à New York, d’une mère anglaise et d’un père américain, émigré d’Israel. Ses grand parents maternels sont d’origine allemande et ukrainienne, alors que ceux du coté paternel sont originaires de Hongrie et de Slonim en Biélorussie (ville que l’on retrouve dans « Histoire de l’amour ») avant d’émigrer aux USA. Jeunesse à Long Island, à coté de New York, puis études ensuite à Stanford, où elle rencontre Joseph Brodsky et la poésie. Puis Oxford et à l’Institut Courtauld, à Londres. Thèse à Oxford sur le sculpteur Joseph Cornell (on rappelle que son mari, Jonathan Safran Foer a lui aussi travaillé sur ce sculpteur, éditant un livre à ce sujet (« A Convergence of Birds » John Burghardt, Mary Caponegro, Lydia Davis, Jonathan Safran Foer (éditeurs associés) (01, Bianco & Cucco, 160 p). A l’Institut Courtauld, à Londres, elle passe un MAH (Master in Art History), spécialisé sur la peinture flamande du XVII et une thèse sur Rembrandt.
Elle vit à New York avec Jonathan Safran Foer et ils ont deux enfants. Ils font partie de ces couples littéraires, comme Paul Auster et Siri Hustvedt ou Salman Rushdie et Marrianne Wiggins, ou encore Marie NDiaye et Jean-Yves Cendrey.

Premier roman en 02 suivi d’un second en 05 et quelques nouvelles
Man Walks Into a Room (2002)
The History of Love (2005) l'Histoire de l'amour,
Great House (2010)
Future Emergencies” Esquire, 2002 (Included in Best American Short Stories 2003)
The Last Words on Earth, The New Yorker, 2004
My Painter, Granta, 2007
From the Desk of Daniel Varsky, Harper's, 2007 (Included in Best American Short Stories 2008)
The Young Painters, The New Yorker, 2010


« Man Walks into a Room », le roman commence par un prologue qui décrit une des expériences d’explosions nucléaires dans le Test Site du Nevada. Puis on pase à l’histoire proprement dite.
Samson Greene, est professeur d’anglais à Columbia University. On le retrouve errant dans le désert du Nevada, amnésique. A force de tests, on retrouve pu à peu son identité et son passé. On lui découvre surtout une tumeur au cerveau. Un médecin se propose de l’opérer, mais le résultat fait qu’il ne peut retrouver sa mémoire après qu’il ait eu 12 ans. Retour à New York où il vit, mais ses amis et sa femme sont inconnus de lui.

« The History of Love » traduit en « l'Histoire de l'amour ».
Une histoire à trois (ou quatre) personnages. Un vieil homme, Léo Gursky, vit dans ses rèves à New York avec pour seule compagnie, ou à peu près, Bruno. Il essaye d’écrire un roman, traitant d’une certaine Alma, dont on ne sait pas trop bien au début si ce fut sa compagne. Elle a émigrée au début des années 40, soit à la guerre, aux Etats Unis, mais Leo n’a plus de nouvelles de ce qu’elle a pu devenir. Elle a fini par se marier et vivre aux Etats Unis. Une autre Alma entre en scène, une fille de d’année14 ans. Elle va entretenir une correspondance avec Leo, alors que sa mère traduit un livre d’un auteur « L'histoire de l'amour » également juif, vivant au Chili. C’est le troisième personnage, Zvi Litvinof, a fui la Pologne et la Shoah dans les années 40 et s'est exilé au Chili où il a publié cet unique roman. Pour en revenir à Alma, la fille, elle a un frère, Bird qui se prend pour un des personnages élus, un lamed vovnik, un des 36 élus qui attendent la Shekhina dans la Kabbale, ou du moins dans la tradition talmudique.
Pour simplifier, ou ne pas perdre le lecteur, chaque « voix » est rappelée dans chaque chapitre par une icône, un cœur (Leo), un bateau, je dirais volontiers l’Arche de Noé, (Bird), une boussole (au moins dans l’édition de poche que j’ai pu avoir, les anglophones parlent d’une horloge) (Alma) et un livre ouvert (Lvi).
Le roman commence par Leo « je ne laisserai qu’un appartement plein de merde ». C’est un peu le coté provoc de NK (sous influence de son mari, Jonathan Safran Foer ?) (les icônes procèdent, je le crois, de la même influence). De même certains chapitres ont des titres quelque peu désarmant ou ne font qu’une ligne (surtout pour ce qui concerne Alma et son journal de bord).
Le roman est fort bien écrit, toujours oscillant entre ces différents personnages. Finalement les différents films se croisent et forment une trame qui trouve son dénouement en fin de livre. J’ai bien aimé, mais aurai quelques réserves.
J’avais en fait d’autres commentaires, mais j’ai perdu ces notes et ce fichier, j’ai donc été obligé de refaire tout cela en partie de mémoire (désolé).



------------------------------------ Chimamanda Ngozi Adichie ---------------------------------

Chimamanda Ngozi Adichie, née en 77 à Enugu au Sud-Est du Nigéria. Elle passe sa jeunesse à Nsukka, la ville universitaire, à une cinquantaine de kilomètres plus au nord. Son père était professeur de statistiques et sa mère y travaillait également à la scolarité. À 19 ans, elle quitta le Nigeria pour les USA (96), Drexel University à Philadelphie, puis à Eastern Connecticut State University, Windham, Connecticut aux cotés de sa sœur, qui exerçait la médecine à Coventry afin de poursuivre des études de communication et sciences politiques (01). Elle fait ensuite un master de lettres à Johns Hopkins, Baltimore, puis intègre un MA d’études africaines à Yale.
Trois romans de publiés « Purple Hibiscus » (03, Anchor, 307 p) traduit en français par « L’Hibiscus Pourpre » (04, Anne Carrière, 416 p) suivi par « Half of a Yellow Sun (07, Anchor, 560 p) également traduit en « L'autre moitié du soleil » (08, Gallimard, 499 p) et plus récemment un recueil de nouvelles « The Thing around Your Neck » (09, Knopf, 240 p).

Des nouvelles également dans plusieurs revues, poèmes et pièces.
« For Love of Biafra » (Pour l’amour du Biafra) (99, Spectrum, 112 p)
« Decisions » (97, Minerva Press), (Décisions)
« Sheer Beauty », (96, Prime People). (Beauté Absolue)
« We dream » (98, Poetry Magazine). (On rève)
« Visiting Nigeria », (01, Poetry Magazine). (Visite au Nigéria).
« New Husband », (03, Iowa Review ) (Nouveau mari).
« Ghosts » (04, Zoetrope: All Story ) (Fantomes).
« Jumping Monkey Hill », (06, Granta) (En sautant la colline du singe)
« Cell One » (07, The New Yorker) (Cellule Numéro 1)
« The Headstrong Historian » (08, The New Yorker) (L’historien tétu).

« L’Hibiscus Pourpre » est son premier roman.
On pourrait croire à un roman autobiographique. L’action se passe à Enugu, grosse ville du sud est du Nigéria, et Nsukka, la ville universitaire un peu plus au nord. Ce sont effectivement les lieux de naissance et de jeunesse de CNA. Le milieu, l’ethnie ibo, avec le père Eugène, riche industriel et propriétaire du journal (d’opposition) « The Standard », la tante Tatie Ifeoma, universitaire, correspondent plus au moins au milieu dans lequel CNA a passé son enfance. Sauf que son père n’avait rien de la rigueur d’Eugène. De plus le roman se déroule une dizaine d’années avant la naissance de CNA. Les premiers poêmes de CNA sont cependant imprégnés de grande
La narratrice, une jeune fille d’une quinzaine d’années, Kambili, vit avec son frère Jaja, sous la coupe d’un père extrêmement religieux, voire intégriste, sous l’emprise stricte du catholicisme des pères (prière de 20 minutes avant les repas « Tu veux manger ton riz froid ? », sévices corporels pour purifier les esprits…). Il terrorise ainsi ses enfants, leur défendant d’aller dans une maison où vit un païen non converti – en l’occurrence son père. Ceux-ci ont tout de même le droit d’aller voir leur tante à Nsukka, et d’y rester à la suite de troubles à Enugu, au cours desquels l’éditeur en chef, Ade Cooker, du journal d’Eugène est assassiné.
Le livre est globalement construit en trois grandes parties, avant, pendant et après ce séjour. Avant, on nos décrit le milieu familial, régi par la peur du péché (écouter la radio, vivre ou rencontrer des païens, laisser son corps s’exprimer) (« c’était un péché pour une femme de porter un pantalon ») Pendant le séjour, c’est naturellement une autre ambiance qui s’installe, avec une relation trouble entre Kambili et le Père Amadi, et des discussions entre les enfants, Jafa et Kambili, avec Obiora et Amaka. La rencontre avec le grand-père, Papa-Nnukwu, est également source de découverte de l’autre ; avec une sensibilité différente. La séquence du réveil matinal et du salut aux éléments du Papa-Nnukwu est une découverte pour Kambili. La mort du grand –père est également un moment fort du livre. Enfin, après cette visite, c’est la révolte qui s’installe chez les deux adolescents, révolte sévèrement punie pour Kambili.
Le tout est sur fond de crise politique dans le pays, on est juste avant la sécession et la guerre du Biafra (67-70). La corruption fait rage (l’épisode de la remise d’un billet par le chauffeur lors d’un barrage de police). La population manque de tout (bonbonnes de gaz, essence, aliments). Les libertés sont restreintes (un seul journal d’opposition).
On découvre aussi une société nigériane coupée en deuxn découvre aussi une société nigériane coupée en deux. D’un coté, les riches, dont Eugène qui ont maison et nourriture en abondance, même s’ils distribuent une partie de leur richesse « Le titre de Papa était Omelora, après tout : « celui qui œuvre pour la communauté » ». Ceux-ci ont vioitures 3mercedes ou Lexus », « des chaines hi-fi ,des livres de cours et des frigos »De l’autre coté, et c’est le cas de la tante, Tatie Ifeoma, on manque de presque tout et la nourriture est plus que rationnée. Idem pour les déplacements à l’intérieur du pays.
Le livre dénonce aussi cette double catégorie de gens via les torts que cela engendre pour l’avenir politique et économique du pays. « A quoi nous sert un diplôme, si nous ne trouvons pas de travail ». C’est le problème des classes instruites qui partent du pays « Les gens instruits s’en vont, les gens qui ont le potentiel pour redresser les torts. Ils abandonnent les faibles derrière eux. Les tyrans continuent de régner parce que les faibles n’ont pas la force de résister ». Mais d’un autre coté, leur situation en tant qu’expatrié n’est pas mieux là où ils vont « Toutes les années que j’étais à Cambridge, j’étais considérée comme un singe qui a développé la capacité de raisonner ».

Second roman « L'autre moitié du soleil ». Le titre est déjà en soi tout une histoire. Cela correspond au drapeau de la république éphémère du Biafra, trois bandes horizontales rouge, noir vert et un demi-soleil jaune dans le noir. Ce dernier a onze rayon, pour symboliser les onze provinces par opposition, le drapeau du Nigéria est constitué de trois bandes verticales, vert, blanc, vert. Le roman est emprunt de politique, dans la mesure où NCA y rappelle notamment le rôle de la Grande-Bretagne dans la genèse du conflit, et les intérêts économiques qui amenèrent la dissolution forcée de la jeune république. Cependant NCA évite d’en faire un livre historique ou polémique, bien qu’elle décrive les massacres qui vont faire plus d’un million de victimes.

La crise débute par une alliance des ethnies Haoussas, en majorité musulmans et des conservateurs Yorubas, qui s’opposent aux Ibos, catholiques ou chrétiens.
Fin mai 67, Ojukwu proclame l'indépendance de la République du Biafra avec Enugu pour capitale. Les compagnies pétrolières Shell et BP décident de lui verser directement les royalties et non plus au Nigeria. C’est vraiment le début de la guerre, d’ailleurs soutenue par la France (les French Doctors, mais aussi le SDECE, ses mercenaires et Bob Denard. Famine de la population et finalement un cessez le feu est signé début 70.
Le roman expose la situation vue de trois personnages différents. Les scènes se passent à Lagos, la capitale. Olanna, jeune femme provenant d'un milieu aisé (voire très aisé) avec son mari Odenigbo, mathématicien. Ugwu un adolescent (13 ans) qui travaille comme domestique pour Odenigbo. Enfin, Richard, un anglais fasciné par l'art ibo qui vit avec Kainene, la sœur jumelle d'Olanna.
Le livre est passionnant et très prenant. On peut suivre les velléités d’indépendance du pays ibo par rapport aux « vandales » de l’ouest et du centre. Cela se marque tout d’abord, et bien sûr, par la langue. Et NCA joue très bien de ce registre en intercalant beaucoup de dialecte dans son ouvrage. Cela se lit très bien et l’on n’a pas besoin de traduction pour comprendre les liens d’amitié, de tendresse, qui unissent les deux sœurs jumelles, même si au début on peut sentir un lien très distendu entre une Kainene quasiment affairiste et sa sœur beaucoup plus femme. Ce sentiment d’appartenance à une ethnie est encore renforcé par Richard, blanc, mais qui pale finalement ibo, et qui adopte beaucoup plus la cause des « dissidents » que son beau frère.
Le terme du soleil vient de ce que, au début de la sécession, après l’adoption du drapeau, les soldats biafrais cousent sur leur manche le demi-soleil, symbole de leur pays.
Un très grand roman.



--------------------------- Chris Adrian -------------------------------------------------------

Chris Adrian, né en 70 à Washington.
Etudes (Batchelor en anglais) à University of Florida en 93 et master ensuite à Eastern Virginia Medical School en 01, puis membre résidant (hématologie-pédiatrie) à l’University of California at SanFrancisco (01-05) puis Children’s Hospital in Boston (05-08) avant de retourner à San Francisco. En parallèle, un MFA à University of Iowa (95). Bref une carière étudiante bien remplie.
En plus de son implication journalière médicale, c'est-à-dire entre la vie et la mort, il s’intéresse à l’après-vie et au coté spirituel des choses. Actuellement, son habitat partagé est entre Boston et San Francisco.

Un certain nombre de nouvelles publiées, dont 9 regroupées en un recueil « A better Angel » (06, Farrar, Strauss & Giroux, 227 p)
et d’autres encore plus ou moins confidentielles.
« You Can Have It » (96, The Paris Review).
« Grief » (97, Story)
« Every Night for a Thousand Years » (97, The New Yorker)
« Horse and Horseman » (98, Zoetrope)
« The Glass House » (00, The New Yorker)
« The Stepfather » (05, McSweeney's)
« A Tiny Feast » (09, The New Yorker)
« The Black Square » (09, McSweeney's)

Trois romans ou recueil de nouvelles « A Better Angel » (06, Farrar, Strauss & Giroux, 227 p), « The Children's Hospital (06, McSweeney's, 615 p) et « The Great Night » (à paraitre fin 10, Broasway, 368 p).

Les nouvelles isolées tout d’abord.
« You Can Have It » (Vous pouvez l’avoir).

« Gob’s Grief » (La Douleur de Gob).
Le Dr Gob Woodhull a inventé une machine a remonter le temps et voudrait s’en server pour arrêter la mort, et en particulier faire revenir à la vie les milliers de morts de la guerre de Sécession, ainsi bien sur que son frère jumeau Torno. Dans son jeune age, Gob a rencontré une créature diabolique (the Urfeist) qui lui a indiqué comment revenir à la vie après la mort. La construction de cette machine a braver la mort va devenir l’obsession de Gob.

« Every Night for a Thousand Years » (Toutes les nuits pendant mille ans). Un remake de la guerre de Sécession américaine. He dreamed his brother’s death at Fredericksburg. General Burnside appeared as an angel at the foot of his bed to announce the tragedy: “The Army regrets to inform you that your brother George Washington Whitman was shot in the head by a lewd fellow from Charleston” (il révait de son frère, mort à Fredericksburg. Le Général Burnside lui apparu comme un ange au pied de son lit pour lui annoncer la tragédie “l’Arnée a le regret de vous annoncer que votre frère George Washington Whitman a été tué par un tir ami près de Charleston)

« Horse and Horseman » (Le cheval et son cavalier)
« The Glass House » (La serre)
« The Stepfather (Le beau-père)

« The Vision of Peter Damien » (La vision de Peter Damien) on ne sait plus bien si l’on est dans une très ancienne ferme de l’Ohio ou en Irak. C’est un monde où « les morts ne partent pas » . Ambiance glauque.
A Tiny Feast » (Une petite fête). Titania et son mari, Oberon, viennent d’apprendre du Dr Blork que leur enfant avait une leucémie. Cet enfant, en fait ils l’on dérobé. Par chance le Dr Blork réussi à guérir l’enfant, « ce qui est une bonne nouvelle », mais « pas très vite, ce qui est une mauvaise nouvelle »

« A Better Angel » (06, Farrar, Straus & Giroux, 227 p). Recueil de 9 nouvelles, déjà parues auparavant en individuelles dans des revues. A ma connaissance, elles n’ont pas encore été traduites en français. Souvenirs pénibles du 11 septembre.

« High Speeds » (Grandes Vitesses).un graçonnet de 9 ans est agacé car personne ne se souvient de son anniversaire (le 9 septembre).
« The Sum of Our Parts » (La somme de nos parties). Beatrice a essaye de se suicider, on la connait sous le nom de « the jumping lady » (la dame qui saute). Elle est en attente d’une transplantation du foie « that part of her which was not her broken body» (la seule partie en elle qui ne soit pas son corps brisé).
« Stab » (Le coup de poignard) le protagoniste essaie de rejoindre son frére mort en tuant des créatures toujours plus grandes.
« The Vision of Peter Damien » (La vision de Peter Damien) On ne sait plus bien si l’on est dans une très ancienne ferme de l’Ohio ou en Irak. C’est un monde où « les morts ne partent pas » . Ambiance glauque.
« A Better Angel » (Un meilleur ange)
« The Changeling » (La girouette) un père un peu déboussolé se tranche la jambe à la hache pour rappeler la psychose de son fils mort dans les Twin Towers le 11 septembre
« A Hero of Chickamauga » (Un héros de Chickamauga) durant la guerre de Sécession, un ange hante un homme qui essaie de construire une machine pour affronter et vaincre la mort.
« A Child's Book of Sickness and Death » (le livre des maladies et de la mort des enfants). Une jeune fille a des problèmes d’intestin, et doit aller à l’hôpital toutes les semaines pour être sûre que ce qu’elle mange est bien absorbé. Tous les problèmes de l’adolescence qui ne comprend pas comment son corps peut être aussi son ennemi.
« Why Antichrist? » (Pourquoi l’Antéchrist ?). Un home, mort durant le11 septembre prétend connaitre l’antéchrist. C’est un camarade de classe de Condy, sa fille avec qui il communique. « Why Antichrist. What matters time when time is soon to end? My suffering is great but yours will be greater. » (Pourquoi l’Antéchrist ? Qu’importe le temps quand les temps sont proches de la fin. Ma souffrance est grande, mais la votre sera encore plus grande).

------------------------------------ Daniel Alarcon ---------------------------------

Daniel Alarcón, né en 1977 à Lima, Pérou, voit toute sa jeunesse depuis l'âge de 3 ans à Birmingham, Alabama puis un diplôme d'anthropologie à Columbia University. Il vit aujourd'hui à Oakland, Californie. Il est également directeur adjoint de Etiqueta Negra, LE mensuel littéraire de Lima.
Deux romans « War by Candlelight» (05, Harper-Collins, 208 p) et aussi «Lost City Radio » (07, Harper Collins, 272 p) traduit en français (08, Albin Michel, 330p).
Nombreuses nouvelles

Désolé, encore. Le bouquin m’est arrive très tard et je n’ai pu le lire avant ce commentaire

Écrit par : jlv-20 under 40-4 | dimanche, 25 juillet 2010

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20 Under 40-fin
Le magazine New Yorker (numéro du 7 juin 10) a donc publié la liste des vingt auteurs du monde entier, de moins de quarante ans, qui comptent aujourd’hui dans le monde (http://www.newyorker.com/fiction/20-under-40/writers-q-and-a ).

La liste de cette année inclue

Chimamanda Ngozi Adichie
Chris Adrian
Daniel Alarcón
David Bezmozgis
Sarah Shun-lien Bynum
Joshua Ferris
Jonathan Safran Foer
Nell Freudenberger
Rivka Galchen
Nicole Krauss
Yiyun Li
Dinaw Mengestu
Philipp Meyer
C.E. Morgan
Tea Obreht
ZZ Packer
Karen Russell
Salvatore Scibona
Gary Shteyngart
Wells Tower


J’ai donc essayé de faire une lecture, quelquefois rapide et non exhaustive des œuvres de ces auteurs. Cela m’a valu de chercher tout d’abord un certain nombre de textes en anglais ou en espagnol (un peu moins) dans la mesure où des traductions n’étaient pas disponibles en français. Ce n’est pas trop gênant pour moi. C’est ainsi que j’ai trouvé un certain nombre de petites nouvelles dans des journaux ou revues. Cela m’a conduit aussi à chercher, lire et synthétiser des bibliographies, des reviews et des critiques diverses. Ayant lu (et essayé d’assimiler tout cela), je vais maintenant essayer d’en tirer des conclusions.

Tout d’abord le choix de ces 20 auteurs et là, il convient d’aller voir aussi les critiques à propos de l’éditrice de The New Yorker, Deborah Treisman. Le choix des 20 n’est pas anodin, dans la mesure où il y a 10 hommes et 10 femmes. La balance est respectée (n’oublions pas que l’on est aux Etats Unis). On constate que la liste de 99 était de 15 hommes et 5 femmes. La commmission US de l’Equal Employment Opportunity (EEOC) est passée par là.
Seconde sélection entre américains et étrangers. Là le nombre chute fortement de un quart d’étrangers pour le reste d’auteurs étant ou vivant aux USA (et je suis large). Même considération pour ce qui est des auteurs juifs (new yorkais) un cinquième (n’oublions pas que c’est The New Yorker). Ceci étant établi, reste à voir si les 20 auteurs ont été choisi par leur notoriété, ou si ce choix va influer sur leur notoriété (Les critiques américains posent parfois les bonnes questions).
La dernière liste (99) comprenait des auteurs peu connus comme Nathan Englander (« Le ministère des affaires spéciales », ou « Pour soulager d’irrésistibles appétits »), Jhumpa Lahiri (« 'L' Interprète des maladies » ou « Un nom pour un autre ») et Junot Diaz (« La brève et merveilleuse vie d'Oscar Wao »). D’autres sont plus établis, tels Michael Chabon (« Les Extraordinaires Aventures de Kavalier & Clay » ou bien « Le Club des policiers yiddish »), Jeffrey Eugenides (« Les vierges suicidées ») ou David Foster Wallace (« Brefs entretiens avec des hommes hideux » ou « La fonction du balai »).
Parmi les non retenus, on peut noter Colson Whitehead, né en 69 il est vrai (« The Intuitionist » (L’Intuitionniste), « John Henry Days » (Ballades pour John Henry), « The colossus of New York » (Le colosse de New York) et « Apex hides the Hurt » (Apex) (tous chez Gallimard). Ou encore Dave Eggers, né lui en 70 avec « You Shall Know Our Velocity », (Sauve qui peut), « A Heartbreaking Work of Staggering Genius » (Une œuvre déchirante d'un génie renversant), « What Is the What: The Autobiography of Valentino Achak Deng » (Le Grand Quoi : Autobiographie de Valentino Achak Deng), le tout aussi chez Gallimard. Ou encore aussi Aleksandar Hemon, lui né en 65, dont le « Love and Obstacles » (Non traduit), « Nowhere Man » (L'espoir est une chose ridicule), « The Question of Bruno» (De l'esprit chez les abrutis), « The Lazarus Project » (Le Projet Lazarus), tous chez Robert Laffont.

Mais bon, il faut bien faire une liste…..

La sélection s’est faite également sur des niveaux de textes différents. Soit il s’agit de textes divers, d’extraits de roman, ou de nouvelles publiées. Il est alors difficile quelquefois de se faire une idée sur une seule nouvelle, ou sur un extrait de roman. De même que dans un recueil de nouvelles, il y en a toujours des qui sont moins fortes que d’autres. C’est souvent ce qui m’a quelque peu limité pour apprécier pleinement un auteur.
Je dois reconnaitre que en matière de nouvelles, on a rarement fait mieux qua Ambrose Bierce (« An Occurrence at Owl Creek Bridge » (Ce qui se passa sur le pont de Owl Creek) ou « Fantastic Fables » (Contes fantastiques), quasi introuvables maintenant. Ou encore plus brèves « Les nouvelles en trois lignes » de Félix Fénéon (c’était chez Gallimard, mais cela vient en partie de reparaître (09, Cent Pages, je crois).
Là je dois tout de même faire référence au rôle de l’Internet. J’ai pu avoir accès à nombre de nouvelles publiés online, et encore non traduites. Ets ce bien ou un mal (selon que l’on se place du point de vue du lecteur ou du libraire).il est évident aussi que l’on ne peut s’abonner à toutes les revues qui existent, et donc on ne peut tout lire.
Je note aussi le rôle joué par les revues et journaux anglophones. Là aussi, il me parait vain d’entrer dans des processus de classement ou de jugement. Je note simplement que les critiques françaises reprennent souvent le quatrième de couverture, sans plus. L’abondance et la variété des critiques anglophones est quelquefois déconcertante. Deux ou trois pages de critiques ne sont pas rares. Evidement il y a du pour et du contre. Doit on passer plus de temps à lire les critiques qu’à lire l’œuvre ?
Ceci montre tout de même une vitalité littéraire qui manque apparemment en France. La page littéraire du Financial Time est vraiment de bonne tenue. Serait ce à dire que le FT est un journal littéraire ? (je doute que Les Echos aient une page de cette tenue).

Que retenir de cette liste. Mais là cela devient un jugement personnel.
Je garderais (sans ordre) Chimamanda Ngozi Adichie, Jonathan Safran Foer, (Nicole Krauss), Dinaw Mengestu; Philipp Meyer et Salvatore Scibona.
Je mets Daniel Alarcón à part car je ne l’ai pas lu.

Je mettrais hors du lot, pour diverses raisons Jonathan Safran Foer. C’est une nouvelle écriture. Spécialement son (avant) dernier roman « Extrêmement fort et incroyablement près ». Il y une recherche certaine d’une nouvelle approche typographique.
Deux de ses nouvelles « About the Typefaces Not Used in This Edition» (The Guardian, 2 décembre 02) et « A Primer for the Punctuation of Heart Disease » (The New Yorker, 10 juin 02) font états également de cette préoccupation.
Dans la première nouvelle « About the Typefaces Not Used in This Edition» (A propos des polices non utilisées dans ce texte), JSF se lance dans une étude et explication quelquefois assez bizarres de polices susceptibles de rentrer dans la ménagerie actuelle des imprimeurs. Ainsi Elena, qui s’efface au fur t à mesure que le mot devient plus utilisé ou Tactil qui permet de mettre l’emphase sur certains mots ou les trois Trans (Trans-1, Trans-2 etTtrans-3) qui remplacent éventuellement un mot par son synonyme, antonyme ou lui-même (on devrait soumettre cela à l’Oulipo). Ou encore cette police Iceland (pourquoi ce nom) pour rappeler que le nombre de mot du texte est égal à celui de la population du pays le 11 avril 06 à 22 :13 :36 exactement. Evidement c’est une police à usage unique.

Dans « A Primer for the Punctuation of Heart Disease » (Un guide de la ponctuation à l’usage des maladies cardiovasculaires) tout commence par deux blancs, l’un normal, l’autre intentionnel. Cela permet au texte de respirer. Cela se poursuit par le double point d’interrogation et le point d’exclamation inversé, naturellement suivi par et le double point d’exclamation inversé et le double point d’interrogation inversé. Tout cela forme un complexe amas de silences et d’attentes. Puis viennent le flocon de neige et le smiley, avant d’attaquer d’autres figures encore plus étonnantes, comme les ciseaux et la toile d’araignée. Le tout est naturellement à, usage de la discussion familiale pour éviter les prises de tête.

J’ai mis Nicole Krauss entre parenthèse, car je ne suis pas sûr qu’il y ait eu relecture et ré-écriture de son bouquin.

Pour ce qui est de Chimamanda Ngozi Adichie, c’est surtout à la lecture de « L’autre moitié du soleil » que j’ai apprécié. Un texte sur le drame du Biafra, sur les querelles ethniques, vécu bien sur de l’intérieur de la communauté Ibo, malgré une situation de famille privilégiée (universitaires et dirigeants économiques). A travers tout cela, on ressent le grand vide (et tout le mal) fait par la domination et colonisation anglaise. A ce propos le premier bouquin « L’Hibiscus pourpre » est un bel exemple de dérision par l’humour de cette culture et religion imposée par les blancs.
Les deux bouquins de Philipp Meyer (« Un arrière-goût de rouille » et Salvatore Scibona (« La Fin ») sont de très bonnes descriptions de l’Amérique post-industrielle. Tout un passé glorieux mis à bas par une économie qui laisse derrière elle tout un cortège de déceptions et d’amertume des laissez pour compte.

Je retiendrai de cette liste, le besoin de mémoire qui s’en dégage. Est-ce un contrecoup du 11 septembre, où tout d’un coup les gens se sentent obligés de se forger un passé. Cela est valable aussi pour les passés juifs d’Europe Centrale, que j’ai déjà notés plus haut. Cela est vrai également pour le Biafra, ou pour plus simplement le passé de ces émigrés qui se retrouvent à New York, ou dans d’autres villes américaines et qui reforment une colonie d’émigrés.
Besoin de mémoire, moment intéressant de l’histoire, au moment ou au Chili, ou je suis actuellement, l’Eglise essaye de faire oublier les années Pinochet. Intéressant que cela soit l’Eglise (et j’ai mis un E) car c’est toute l’institution qui s’y colle. Même devoir de mémoire pour le Biafra, mais n’est ce pas déjà oublié depuis longtemps, enfoui dans les tumultes pétroliers post décolonisation. Idem pour l’ex Yougoslavie avec les nouvelles de Léa Obreht.

Écrit par : jlv-20 under 40-fin | dimanche, 08 août 2010

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La dernière « livraison » annonçait la liste du New Yorker (numéro du 7 juin 10) publie la liste des vingt auteurs du monde entier, de moins de quarante ans, qui comptent aujourd’hui dans le monde.
("http://www.newyorker.com/fiction/20-under-40/writers-q-and-a" ). Je commence donc par cinq auteurs Téa Obreht, Wells Tower, Karen Russell, Jonathan Safran Foer et David Bezmozgis (les deux derniers ayant le même genre d’histoires juives en Europe orientale).
En fait cela fait un certain nombre de fois que j'essaye d'envoyer ce premier lot.
finalement en faisant un nombre certain de changement (passer par un fichier texte, suppression des liens hypertexte...) je vais peut être y arriver.
Désolé pour la perte de ces liens et peut être d'une part de la mise en page.

----------------------- Tea Obreht -------------------------------------------
Un peu de bibio pour commencer. Téa Bajraktarevic qui maintenant se nomme Téa Obreht est native de Belgrade (en 85), d’où elle est partie en 92 quand la guerre a commencé. Chypre tout d’abord puis les USA en 97. Elle habite actuellement Ithaca, état de New York es premiers écrits remontent à quand elle avait 8 ans et qu’elle volait devenir écrivain. Etudes aux USA donc avec un MFA (Master of Fine Arts degree) à Cornell University. C’est là qu’elle commence à rédiger son livre « The Tiger’s wife », (La femme du tigre). Une première version s’intitulait d’ailleurs the Tiger’s daughter, (la fille du tigre). C’est une saga familiale qui se passe dans une province imaginaire des Balkans, dans laquelle une narratrice parle de ses relations avec sa grand-mère, médecin. On assiste donc aux descriptions de la vie et du métier des médecins, et en particulier de leurs relations à la mort lors de ces guerres des Balkans. En partie donc un récit vécu, dans la mesure où TB a passé un été en Croatie avec sa grand-mère à cette époque, laquelle personne vit toujours en Croatie. Elle revendique une influence de Gabriel Garcia Marquez (« Cent ans de solitude » entre autres) and Tom Coraghessan Boyle (« Histoires cruelles », « America »).
Sa toute première publication « The Laugh, le rire » est parue dans la revue The Atlantic. C’est un travail issu d’une collaboration avec T.C. Boyle, alors en poste à l’USC (University of Southern California, Los Angeles). Après son livre « The Tiger’s wife » elle doit écrire un article sur les croyances liées aux vampires serbes pour le Harper’s Magazine cet été. Issu de la même cuvée du MFA de Cornell, un autre auteur Alexi Zentner risque fort de faire parler de lui dans les années qui viennent. Il a déjà publié des courtes nouvelles (« Trapline » (08, Narrative Magazine), « Touch » (prix O’Henry des nouvelles, 08), « The Adjuster » (The Southwest Review) et « Furlough » (vie de famille US après – ou pendant- la guerre d’Irak). Le tout devrait sortir l’année prochaine en librairie. Pour en revenir au livre « The Tiger’s wife ». Le récit se passe dans un petit village des Balkans, qui vient d’être bombardé par les allemands en 41. A ce moment l’histoire s’interrompt et se transforme en une fiction à propos d’un tigre et de son rôle dans la vie du village pendant cette horrible période de l’invasion allemande. Vue du point de vue du tigre, la guerre n’a pas vraiment de sens, et il n’y comprend rien. « En avril 41, sans déclaration ou avertissement, les bombes allemandes ont commencé à tomber sur la ville et cela n’a pas cessé pendant trois jours. Le tigre ne savait pas que c’étaient des bombes. ». Sa seule chance c’est qu’après avoir jeuné un certain temps, le bombardement a effondré une partie des murs, lui permettant de sortir de sa quasi prison. Une fois les neiges venues, ce qui coupe le village du monde et le protège jusqu’au printemps, les habitants, ou ceux qui ont survécus, vont devoir cohabiter avec la bête. Vladisa, le berger, veille. L’intérêt du roman est que l’histoire et racontée par une jeune femme médecin, Natalia, qui raconte en fait l’histoire de son grand père, le tout encadré par une sorte de chœur du village. S’y rajoute une femme musulmane, Muhammadan, l’épouse du boucher, Luka, qui fait un peu pendant au village chrétien. Mais pourquoi se sont ils mariés ? Et qui va bien sûr devenir pour le village « la femme du tigre ». « Ayant tout parcouru, j’ai entendu parler du tigre et de sa femme. Je peux vous assurer que tout cela est vrai ». Cela est vrai, mais après un double filtre de la grand-mère et ensuite du petit garçon. Donc que reste t’il de vrai dans tout cela. L’histoire du grand-père, alors enfant, n’est pas sans rappeler celle de Kim et de Shere Kan dans Kipling. Natalia part alors à la recherche de cet homme, rationnel en diable, qui a passé ses derniers jours à la recherche de « l’homme sans mort ». C’est alors qu’elle va buter sur l’histoire de la femme du tigre. On passe alors de l’histoire du tigre à celle de son épouse.
On associe alors le désarroi du tigre avec celui du village assiégé, les deux étant dans le même esprit d’incompréhension de ce qui se passe. Il parait alors évident que le personnage du tigre est à rapprocher du nom des chars allemands (Panzerkampfwagen VI Tiger), bien que ceux-ci n’apparaissent qu’en aout 42 pour le siège de Léningrad. Se greffe ensuite une histoire dans laquelle une mystérieuse jeune femme raconte la passion de son arrière-grand-mère pour les tigres, et ceci bien après la guerre, alors que le fameux tigre et les allemands sont partis depuis longtemps, mais ont laissé le village dans cette expectative et incompréhension qui ont prévalu tout au long de la guerre. C’est tout le problème de la séparation entre les faits et la mémoire qui en reste. La première nouvelle de TO « The Laugh » (Le rire) est en fait une terrible histoire qui pourrait s’intituler « Hyènes », mais « Le rire » est plus incisif. ("http://www.theatlantic.com/magazine/archive/2009/08/the-laugh/7531/" ).
L’action se passe près de la petite ville de Longido, en Tanzanie, dans une ferme où vivent trois blancs, Neal, sa femme Femi et Roland. Le couple a un bébé Nyah et une gouvernante noire Mrs Halima. Neal vient de perdre sa femme, qui s’est perdue de nuit, par malchance au milieu d’un troupeau d’antilopes, que cernaient des hyènes. On devine la suite. La nuit après la mise en bière, lors d’une coupure de courant, Mrs Halima prévient, avec tout son passé de la région « Elles vont venir la chercher ». Nouvelle courte (13 pages, sans doute moins une fois imprimée). Style bref et concis, alternance du récit avec des aller-retour dans le temps, belle écriture, sans fioriture.

----------------------------------- Wells Tower ------------------
Wells Tower, américain, né à Vancouver (Canada) en 74, mais ayant passé sa jeunesse à Chapel Hill en Caroline du Nord. MFA (Master of Fine Arts) à Columbia University. Il habite actuellement à Brooklyn, New York et est membre dans le Creative Writing Program de Columbia. « Everything Ravaged, Everything Burned” (10, Picador, 256 p) est son premier roman. Il revendique l’influence de John Cheever (“Déjeuner de famille » (07, Joelle Losfeld, 312 p) « On dirait vraiment le paradis (09, Joelle Losfeld, 128p) ou de Richard Yates (« la fenètre panoramique (09, Laffont, 532p), adapté au cinéma sous le titre « Les noces rebelles » (une bombe littéraire lors de sa parution en 61). « Tout piller, tout brûler » de Wells Tower (10, Albin Michel, Paris, 2010). Le livre commence par un titre bizarre, qui ne fait pas écho à l’original « Everything Ravaged, Everything Burned: Stories » soit « Tout Pillé, Tout Ravagé ». Pourquoi ce changement du participe passé à l’infinitif ?
Neuf histoires de famille drôles et violentes.
Un homme est mis à la porte par sa femme qui a découvert l’empreinte d’un pied qui n’est pas le sien sur le pare-brise intérieur de leur voiture. Une étrange histoire d’aquarium et une limace de mer s’ensuit (La cote de brun, en fait « The Brown Coast », la côte brune dans le titre original). Deux frères qui se haïssent partent en week-end ensemble dans un chalet pour une partie de chasse commune. Il n’en ressortira qu’un cadavre d'une bête malade (Un lien fraternel). Une famille recomposée ou l’on confond le prénom du fils, Burt, et le bruit de la bière que l’on boit burrt, burrt, burrt (Exécutants d’énergie importantes). Un homme va faire des heures de voiture (et plus) pour aller chercher l'amant blessé de sa femme qui l’a quitté et l'emmener se faire soigner (En bas dans la vallée). Une sombre histoire de faux suicide et de léopard qui rode, et qu’on ne voit pas (Léopard). Comme quoi surveiller ses voisins (ou plutôt sa voisine) peut être trompeur (Une porte dans l’œil). Une adolescente un peu grassouillette est prête à coucher avec n'importe qui pour se venger de l’arrivée de sa cousine, sublime, mais une vraie peste (Amérique sauvage). Un jeune homme débarque dans une fête foraine après une bagarre avec son beau-père (A la fête foraine). Des maraudeurs vikings envahissent une île souvent pillée dans l’espoir que quelques massacres les aideront à dissiper l’ennui de l’hiver. (Tout piller, tout bruler).
Donc 9 histoires de familles américaines détraquées, à plein pot de bière, de chasse et de voisinage malsain d'où émergent à la fois de la colère et beaucoup de violence. Mais bon c’est dans la tradition des grands espaces (même si c’est le voisinage immédiat), des bières fraiches (et le plus souvent glacées), tout cela pour amener le lecteur au bord du malaise. OK, c’est dans la tradition des Faulkner, Roth et autres. Familles de marginaux, déjantés de toute sorte, pères malheureux et enfants rebelles, drogués et alcooliques. Certaines scènes sont essentiellement glauques « parmi toutes les bêtes de la forêt, tu as réussi à abattre sans doute la seule qui avait la lèpre. Ne touche pas à cette saloperie » (Un lien fraternel). « Elle baissa la tête puis posa ses lèvres sur le levier de changement de vitesse qu'elle prit ensuite dans sa bouche grande ouverte » (En bas dans la vallée). Ou encore la description de l’aquarium (La cote de brun). Est-ce le sens du « Tout piller, tout brûler » ? Franchement, cela ne m’a pas emballé.

------------------ Karen Russell --------------------------------
Karen Russell, née en 81 à Miami, Floride, puis MFA (Master of Fine Arts) à Columbia University. Elle vit actuellement dans Washington Heights, New York. Un recueil de nouvelles publié « St. Lucy’s Home for Girls Raised by Wolves » (06, Knopf, 256 p). Elle aurait voulu l’intituler « Hitchcock meets the swamp » (Hitchcock à la découverte du marais).
Deux œuvres en préparation.
Un recueil de nouvelles « Swamplandia! » (11, Knopf, 320 p) et une nouvelle sur une ville imaginaire, durant la grande sécheresse (Dust Bowl drought). Ses auteurs favoris sont George Saunders, Kelly Link, Joy Williams, Ben Marcus, Jim Shepard, Kevin Brockmeier et bien sûr Flannery O'Connor.

Dans « Swamplandia» (Le pays des marécages) on devrait retrouver la fameuse « Bigtree Family Wrestling Dynasty » (déjà évoquée dans la nouvelle « Ava Wrestles the Alligator»).
La dynastie des « Bigtree Family Wrestling Dynasty » est sur le déclin, dans les Everglades, en Floride. De même que Swamplandia!, leur ile où ils logent, ainsi que leur parc d’attraction, lequel doit faire face à la rude concurrence d’un autre parc, le Monde de l’Obscur (the World of Darkness). Ava doit s’occuper des 70 alligators, sa mère est (toujours) morte depuis la nouvelle précédente (« Ava Wrestles the Alligator»), sa sœur, Osceola, est maintenant en amours avec un fantôme, le dragueur de fond (the Dredgeman). Pour ce qui concerne les males, son frère est secrètement passé à l’ennemi (le Monde de l’Obscur), ceci dans un dernier effort pour maintenir la famille à flot et son père est porté déserteur (AWOL). Pour sauver ce qui reste de la famille, Ava doit s’en aller explorer une partie dangereuse du marais, le Sous-Monde (Underworld). A paraitre bientôt (11, Knopf, 320 p).
On voit que la plupart des nouvelles de KR se passent dans les Everglades, une région de marais, plus ou moins connectés à la mer, avec des mangroves. Aussi une région où l’on vite fait de se perdre et où les chenaux changent de forme avec les courants. « St. Lucy’s Home for Girls Raised by Wolves» (La maison Ste Lucy pour enfants-loups), (06, Knopf, 256 p), pas encore traduit à ma connaissance. Le livre consiste en une série de 10 nouvelles qui se passent dans la région très marécageuse (donc pleine d’histoires fantasmatiques et de fantômes) des Everglades en Floride. « Ava Wrestles the Alligator». Où l’on découvre la remarquable “Bigtree Wrestling Dynasty” (la dynastie combattante des Bigtree) avec le grand-père (Grandpa Sawtooth), l’actuel male dominant (Chief Bigtree) et la petite dernière, âgée de 12 ans (Ava). Celle-ci vit chez son grand-père en attendant que le père revienne. La famille est propriétaire de Swamplandia!, la grande île du Parc à thème (Gator Theme Park and Café). Sa maxime “Feed the gators, don’t talk to strangers. Lock the door at night (Nourrir les alligators, Ne pas parler aux étrangers, Fermer la porte à clé le soir). Ava reste seule avec sa sœur, Osceola, dont il n’est pas sûr qu’elle ait eu des relations sexuelles avec un succube (ou alors son copain, Luscious). Elles sont en charge des alligators (ils s’appellent tous Seth qu’elles doivent élever et nourrir). Avec la rencontre de l’Homme Oiseau (Bird Man), elle va découvrir que cela peut être difficile pour un enfant de révéler des secrets de polichinelle à ceux qui vous tuerait pour les conserver.

« Haunting Olivia» (Obsédante Olivia). Deux jeunes garçons, Timothy Sparrow (12 ans) and Waldo Swallow Heartland, (ou Wallow en abrégé), 14 ans, les frères de Olivia Lark, font une virée de nuit à un cimetière de bateaux de Gannon à la recherché de leur sœur morte il y deux ans (ou 24 lunes). Ils ont des lunettes spéciales (3D) qui doivent leur permettre de voir ce que l’on ne peut voir. D’habitude ils gardent leur grand-mère (Granana, 84 ans), ou réciproquement. Olivia est réincarnée dans le squelette d’un crabe géant. Ce qui parait normal vu que les gamins font de la luge dans des carapaces de crabes, et que c’est pendant un de ces jeux qu’elle a disparu.
« Z.Z.’s Sleepaway Camp for Disordered Dreamers» (ZZ Camp de sommeil pour dormeurs indisposés) Un garçon a des rêves prémonitoires. On l’envoie en camp d’été, dans lequel les autres personnes ont des troubles du sommeil. Les différentes cabines sont éloquentes à ce sujet (Cabine 1 : Narcoleptiques, Cabine 2 : Apnées du sommeil, Cabine 3 : Somnambules…).
« The Star-Gazer’s Log of Summer-Time Crime». Dans lequel Raffy et Martha exploitent Petey, albinos, de façon surprenante.
« Children Reminiscences of the Westward Migration » (Souvenir de la migration des enfants vers l’ouest). Lors de la grande migration Jacob et Clem, deux garçons jouent ensemble, ainsi que deux sœurs Maisy et Dotes. Le père de Jacob est le Minotaure. Mais ce dernier n’a t’il pas refilé des poux à Jacob. « Lady Yeti and the Palace of Artificial Snow» (Madame Yeti et le Palace de la neige artificielle). Les pratiques et connaissances interdites (parce que sensuelles) des adultes, vues par les enfants.
« The City of Shells» (La cité des Coquillages). Enfant restent coincés dans un coquillage géant (the Giant Conch) au parc d’amusement de la Cité des coquillages (the City of Shells).
« Out to Sea» (En mer). Où l’on retrouve Sawtooth, retraité, et son obsession de satisfaire Angie, son visiteur favori. « No Elder Person is an Island Volunteer Program».
« Accident Brief». (Brève d’accident). L’histoire s’un garçon, Tek, qui accompagne un muet (Rangi) lors d’une tournée de la chorale des garçons (Weitiki Valley Boys' Choir). On envoie les garçons chanter (« The Pirate's Conquest ») au sommet du glacier Eokeora où se trouvent cachés des trésors de pirates (the Inland Pirates). Accident d’avion et les voilà prisonniers des glaces. A l’arrivée de l’hélicoptère, les deux garçons se cachent. Retrouveront-ils les trésors ?
« St. Lucy’s Home for Girls Raised by Wolves» (La maison Ste Lucy pour enfants-loups). Nouvelle qui donne le titre au livre. Un groupe de 15 filles, élevées par les loups, sont retirées de leur milieu familial (la meute) pour être rééduquées par des sœurs afin de réintégrer la société. Le passage dans lequel ces filles vont donner la patée aux canards est plus que savoureux. En prime une autre nouvelle « The Barn at the End of Our Term » (La grange à la fin de notre terme) parue dans Granta en mai 07
(http://weekendamerica.publicradio.org/display/web/2007/05/05/karen_russell_in_granta/).
Un élevage de chevaux quelque part dans le Kentucky. Avec pour « héros » un cheval particulier, puisqu’il est la réincarnation de Rutherford Birch Hayes (1822-93), le 19eme président des USA. En fait dans cette écurie de 22 stalles, il y a, selon Rutherford, 11 autres présidents des USA (on va croiser James Garfield, James Buchanam, Warren Harding et Eisenhower).
« Et si la grange était Dieu » ? Point de conclusion de cette nouvelle dans laquelle les présidents deviennent étalons (Existera-t-il une version poney dans la traduction française?) Ainsi qu’une autre dans Zoetrope « Vampires in the Lemon grove » (Vampires dans la citroneraie) "http://www.all-story.com/issues.cgi?action=show_story&story_id=374" Le narrateur, un homme âgé (nonno) et sa femme regardent les ramasseurs de citron. Il en existe trois variétés de citron, les primofiore (premiers fruits) en mars, puis le jaune bianchetti, suivi en juin, par le vert verdelli. Et pourtant ce vieil homme, c’est un vampire.

------------------------- David Bezmozgis ----------------------
David Bezmozgis, né en 73 à Riga (Lettonie), soviétique à l’époque, il émigre en 80, comme de nombreuses familles juives, à Toronto où il vit actuellement. Etudes à McGill, Montréal, puis MFA (Master of Fine Arts) à l'USC, Los Angeles (University of Southern California). Il publie une série de nouvelles « Natasha and Other Stories » (04, Farrar, Straus and Giroux, 160 p), traduit en « Natasha et autres histoires » (05, Bourgois, 162 p). Pour les amateurs, on trouve online deux autres nouvelles « The Russian Riviera » issue en 05 dans The New Yorker et « A new Gravestone for an Old Grave » parue en 05 dans Zoetrope All-stories. Il a également tourné un film en 99 (« L.A. Mohel »). Ses nouvelles font souvent référence à la vie dans les villages juifs de son pays natal. Il revendique d’ailleurs une parenté avec Mordecai Richler (are The Apprenticeship of Duddy Kravitz (69, McClelland & Stewart), « Joshua Then and Now » (80) soit « Joshua au passé, au présent » (89, ed. Quinze, Montréal, 538 p) et « Jacob Two-Two » (09, Tundra Books, 85 p) ou « Jacob Deux-Deux et le dinosaure ». (87, Montréal : Québec/Amérique, 160 p.) et de Philip Roth dans « Portnoy et son complexe », ou plutôt « Pastorale américaine » et « Le Complot contre l'Amérique ». Il est actuellement au Cullman Center Fellow, à la bibliothèque de New York (New York Public Library) où il travaille sur « The Betrayers » (Les Traitres) une nouvelle à propos d’un illustre dissident juif et russe, qui après la chute de l’URSSS rencontre l’homme qui l’a dénoncé. « Natasha », ce sont sept nouvelles qui ont les mêmes personnages, juifs lituaniens fuyant l’URSS, comme fil conducteur pour s’installer à Toronto. On suit donc l’histoire de la famille Berman, avec le père qui travaille dans une usine de barres chocolatées et essaye d’ouvrir un cabinet de masseur, la mère et Mark, le fils qui va grandir de petit garçon à jeune homme au fil des nouvelles. « Tapka » Première nouvelle, qui ne traite pas directement de la famille Berman, mais de Tapka , petite chienne que les enfants Berman, Mark (6 ans) et sa cousine (8 ans) sortent tous les soirs pour la promener autour du pâté de maison. Jusqu’à ce que la chienne leur échappe. Drame à la maison, et surtout chez le couple d’immigrés, les maitres de Tapka, pour qui la chienne était comme la chair de leur chair. D’où grande tristesse. « Roman Berman, masseur ». Le père, maintenant. Il travaille dans une usine de barres chocolatées et essaye d’ouvrir un cabinet de masseur, son ancien job lorsqu’il était à Riga, employé dans une grosse boite, avec responsabilités. Entraineur – arbitre de l’équipe d’haltérophilie, avec des compétitions de Tallinn à Sochi. Il arrive à monter son cabinet, mais quand le téléphone sonne pour des rendez vous, ce sont plus souvent ses amis qui lui demandent comment cela se passe. Jusqu’au jour où il rencontre les Kornblum, riche industriel, dont la femme à des problèmes de dos. « Ex-roi de la force ». ». Où l’on revoit le père, redevenu temporairement arbitre pour une compétition avec d’anciens champions qu’il a connu. Il va recevoir des anciens champions russes (et leur accompagnateur du KGB), dont Sergei Federenko. Retrouvailles, qui font l’émerveillement de Mark, qui voue un culte à Sergei. Héla, ce dernier n’est plus ce qu’il était et doit passer la main à son suivant, Krutov, un plus jeune qui gagnera la compétition. « Outrage à la mémoire ». Les études du jeune Mark danbs une école hébraïque. Et provocation de la part de ses copains le jour de la Shoah, ce qui provoque la colère du Rabbin Gurvich. Celui-ci le force à hurler « Je suis juif » pour lui faire prendre conscience de son état. « Natasha ». L’arrivée de la nouvelle cousine de Mark va mettre celui-ci en émoi. C’est la fille de Zina, la nouvelle femme russe de son oncle. « Natasha ». L’arrivée impromptue de cette jeune russe, nouvelle cousine de la famille Berman. Les déboires de l’oncle avec sa nouvelle femme, Zina. Peut être la nouvelle la plus construite du livre. « Choynski ». La maladie et la mort de la grand-mère de mark, avec la rencontre de ce docteur Chyonsky. Que faire lorsque sa grand-mère est enterrée sans son dentier. « Minyan » Le grand père a maintenant des colocataires. Pour son emménagement dans un nouvel appartement il cohabite avec deux personnages nouveaux Herschel, lituanien, rescapé de la Shoah, et Itzik, chauffeur de taxi d'Odessa. Il va falloir revenir aux traditions religieuses juives. Dans ses nouvelles, fait OB s’inspire de ce qui est réellement arrivé à sa famille mais il en fait de la fiction. Son père est vraiment masseur à Toronto et il a subi de telles aventures à l’école où il était. Donc à partir de ses souvenirs réels, il bâtit de l’imaginaire.

Écrit par : jlv-20 under 40-1-1 | dimanche, 08 août 2010

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j'y suis presque arrive-manque plus que Jonathan Safran Foer

Jonathan Safran Foer (né en 77), il habite Brooklyn avec sa femme, la romancière Nicole Krauss (elle aussi classée dans les 20 auteurs du New Yorker). Famille d’origine très aisée, avec un père avocat de métier, mais n'ayant jamais exercé en tant que tel, fondateur de l’American Antitrust Institute et une mère, d’origine polonaise, présidente d‘une société de relations publiques FM Strategic Communications. Le père lisait un livre tous les deux jours. Trois enfants, dont l’ainé est maintenant l’éditeur en chef de The New Republic, et le cadet journaliste en free lance. Etudes à Princeton, et cours d’introduction à l’écriture avec Joyce Carol Oates. C’est elle qui dirigera sa thèse (99) sur son grand-père, survivant de la Shoah, et pour laquelle il gagne son premier prix et qui deviendra par la suite "Everything Is Illuminated » (02, Houghton Mifflin , 288 p), soit « Tout est illuminé » (03, l’Olivier, 332 p), dans lequel un jeune écrivain juif part en Ukraine à la recherche de la femme qui aurait sauvé son grand-père des nazis. C’est sa propre expérience en 99. (Très belle présentation sur le site "http://www.whoisaugustine.com/I_Will_Make_You_Sorry/i_am_sorry.html" ). On en tire un film. Second livre en 05 avec « Extremely Loud and Incredibly Close », (05, Houghton Mifflin Harcourt, 368 p) soit « Extrêmement fort et incroyablement près » (05, l’Olivier, 448 p). L’action se passe après le 11 septembre, et Oskar Schell, 9 ans, erre dans New York à la recherche de la serrure qu'ouvrirait la clé qu'il a trouvée dans les affaires de son père, disparu dans le World Trade Center.
Dans son dernier ouvrage, « Eating Animals » (09, Little, Brown and Company, 352 p), il plaide contre l'élevage industriel et l'abattage des animaux (il est végétalien à ses heures). On peut encore signaler « A Convergence of Birds: Original Fiction and Poetry Inspired by Joseph Cornell », (01, Distributed Art Publishers, 190 p). Il s’agit d’ un ouvrage collectif de John Burghardt, Mary Caponegro, Lydia Davis, Joseph Cornell, John Yang, Jonathan Safran Foer et Erik Anderson Reece. Ouvrage fait à l’initiative de JSF alors à Cornell, et qui a demandé à une vingtaine de poetes, nouvellistes et illustrateurs de faire ce livre sur les oiseaux (Un régal pour les yeux, et dans la lecture et l’illustration). Il y a d’ailleurs une certaine confusion dans tous ces Cornell. L’un est le nom de l’université (fondée en 165 par Ezra Cornell entre autre) et où on à mis au point la fameuse Cornell Box, outil utilisé en imagerie digitale. Cet outil, il convient de ne pas le confondre avec la Joseph Cornell Box, celle là inventée par ledit Joseph (celui à qui le livre précédent est dédié) et qui est un surréaliste, célèbre pur ses collages à la Max Ernst (et ses boites).
Enfin le rapport aux oiseaux vient également du Cornell Lab of Ornithology, célèbre laboratoire, le plus important en fait dans l’étude des oiseaux. Enfin il convient de signaler le « Project Museum », un projet de musée souterrain, sous le métro de Manhattan, avec entrée à la station de jonction des lignes ACE de la 42eme rue ( "http://www.jonathansafranfoer.com/" ).
Dans « Tout est illuminé » (03, L’Olivier, 332 p), son premier roman, on est confronté à plusieurs histoires imbriquées. Un certain Alex, fils du gérant de l’agence Heritage Touring, est chargé de prendre en charge un certain Jonathan Safran Foer jeune écrivain juif américain qui veut retrouver la femme qui a sauvé son grand-père des persécutions nazies dans le petit ( ?) village de Trachimbrod, du coté de Loutsk. Mais avant, il faudra faire le voyage de Lvov à Loutsk.… Ce qui surprend le plus, c’est la langue. Il y a tout un travail, y compris dans la traduction (merci à Jacqueline Huet et à Jean-Pierre Carasso), dans lequel on emploie un mot légèrement décalé pour un autre. « Légalement, je m’appelle Alexandre Perchov. Mais mes nombreux amis me surnomment tous Alex, version plus flasque à articuler de mon nom légal. ». Il a un frère « miniature » et leur « mère besogne dans un café ». Cet Alex aime « être charnel avec une fille » et « disséminer tant de numéraire dans les boites de nuit ». JSF admet et revendique par ailleurs cette ré-invention de la langue et conçoit la littérature comme « un désordre des dents ». Un passage d’une lettre d’Alex à JSF explique les à-peu-près « C’est très utile pour moi de connaitre les expressions correctes. C’est nécessaire. Je sais que tu m’as pas demandé de ne pas altérer les fautes parce qu’elles font humoristique, et qu’humoristique est la seule véridique façon de raconter une histoire triste. » On se fait très vite à cet idiome, vraisemblablement en correspondance avec un anglais approximatif d’Alex, le traducteur de l’américain qui le lui demande « en manufacturant un mouvement ». On va suivre la tournée de cet américain, guidé par Alex, et piloté par son grand père et un chien nommé Sammy Davis Junior, Junior « officieuse chienne voyante de non-voyant d’Heritage Touring », le tout à la recherche du village de ses ancêtres juifs. En parallèle à cette tournée actuelle, on nous raconte l’histoire du shtetl appelé Trachimbrod depuis le 18 mars 1791 jusqu’à 18 juin 1941, jour où le village est détruit par les allemands, et dont il ne reste qu’une pierre tombale « en russe, ukrainien, hébreu, polonais, yiddish, anglais et allemand ». Ce sont donc des aller-retour incessants entre le voyage assez surréaliste, des gens de Heritage Touring et du double de JSF d’une part, et les épisodes de la vie du shtetl, d’autre part, le tout étant entrecoupé des lettres d’Alex à JSF. L’histoire du village, situé au bord de la rivière Brod, avec ses quartiers « Yiddish et Humains » ressemble beaucoup aux nouvelles de Isaac Bashevis Singer « Le Magicien de Lublin » (65, Stock, 340 p) ou « La couronne de plumes et autres nouvelles » (09, Stock, 1616 p).
On voit intervenir la « douce Brod », une nymphe qui va devenir l’ange gardien du village. Par ailleurs, la communauté juive est divisée entre « Verticalistes et Avachistes », un homme vit avec une scie dans la tête, une maison de treize pièces, en fait une double maison, dont les deux parties sont reliées par le grenier, et le roman commence avec un bébé qui émerge des eaux, et qui sera d’ailleurs l’arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grand-mère d’Alex. : «Les Eskimos ont quatre cents mots pour neige et les Juifs quatre cents pour schmock (crétin en yiddish).». Ces alternances transforment le livre en un roman gigogne. « Les images de ses passés infinis et de ses avenirs infinis se déversèrent sur lui, tandis qu'il attendait, paralysé, dans le présent. ». En fait ce premier roman relate le voyage que fait en 99 le jeune JSF, il a dix neuf ans, et part en Ukraine à la recherche de celle qui sauva son grand-père de la barbarie nazie. Il ne la trouve d’ailleurs pas. . «Je n'aurais pas écrit le livre », explique t’il. « En ce sens que j'avais découvert un trou en Europe de l'Est et que raconter ce qui s'est passé n'a été que l'effort de remplir ce trou, plutôt de créer quelque chose de neuf. J'y ai poussé des mots pour le combler, je les y ai plantés. C'est la déception qui m'a, en partie, poussé à écrire.». Cependant, hormis l’histoire et le rythme du récit, ce qui fait l’intérêt de ce livre reste dan son écriture même. On débute relativement lentement avec cet espèce de triptyque, qui alterne le récit lui-même du voyage, les lettres de Sacha à Jonathan, et l’histoire du shtetl. Et puis au fur et à mesure du récit, et de l’approche de Trachimbrod, le récit se transforme progressivement. Cela commence dans la narration de la vie du shtetl, avec les récits des personnages, et leurs dialogues qui se répondent, souvent marqués en italique dans le récit. Puis la typographie varie (par exemple pour faire coïncider la rapidité de l’avance des armées allemandes avec une intensité d’un poste de radio.
Il y a également ces inclusions (les différentes catégories de rêves) ou « le Livre des antécédents » et ces deux pages « Nous écrivons… Nous écrivons… Nous écrivons… Nous écrivons… Nous écrivons… » qui reviennent comme une litanie. Puis les paragraphes et ensuite les phrases qui prennent de la longueur (le chapitre « Illumination ») au fur et à mesure que l’on découvre les atrocités allemandes, pour se terminer en mélange entre orgasme et bombardement, et son étonnante fin, dans un paragraphe entrelardé de pointillés. En même temps, le récit se fait plus poignant et plus sensible (ce n’est plus les rabelaiseries du début, d’ailleurs le sujet lui-même ne s’y prête plus). On retrouve tous les éléments, atroces, dans ce genre de récit (cf Curzio Malaparte, « Kaputt » ou plus près de nous Mathias Enard « Zone »), mais dans le cas de JSF, on sent comme une très grande pudeur dans cet exposition de corps suspendus aux arbres, ou flottant dans les airs, habitants brûlés dans des villages. Il ne reste rien de Trachimbrod, tout a été rasé. Seuls subsistent l'amour et la fiction pour le reconstruire. C’est un peu la vision de JSF, dans l’écriture de ce livre. Son titre, « Tout est illuminé », fait d'ailleurs référence à une scène de liesse villageoise et à la lumière qu'émet le corps des amoureux quand ils s'aiment. Il paraîtrait même que ces lueurs soient visibles depuis la lune. Reste à lire ensuite le deuxième roman de Jonathan Safran Foer « Extremely Loud and Incredibly Close », (05, Houghton Mifflin Harcourt, 368 p) traduit en « Extrêmement fort et incroyablement près » (05, L’Olivier, 448 p). Au vu du livre, avec de nombreuses planches, y compris en couleurs (dans l’édition de L’Olivier), je pense qu’il me faudra y revenir (d’autant que les encore 15 auteurs du New Yorker ne peuvent attendre). De plus j’ai réussi à avoir une bonne dizaine de ses autres textes (70 pages), tous plus passionnants les uns que les autres, mais qui demandent réflexion (typographie et autres). Je vous tiendrai au courant.

Écrit par : jlv-20 under 40-1-2 | dimanche, 08 août 2010

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