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mardi, 15 septembre 2009
L'Histoire de Sarah la pas belle
Après maintes relectures on a envie encore et encore de retrouver Sarah, les enfants Witting, Jacob leur père et ce grand-père revenu après un si long silence. La publication de leur histoire a démarré en 1985 pour s’achever en 2008 et plus de dix années ont séparé l’écriture du premier volume de celle du second, c’est dire si l’auteur n’a pas voulu écrire une série et que sa démarche est de l’ordre de la nécessité. Le premier tome s’ouvre sur une question que le jeune Caleb pose à sa grande sœur Anna : « Est-ce que maman chantait tous les jours » ? D’emblée Patricia MacLachlan nous touche au cœur. Pas de scène d’exposition ni de présentation des personnages, elle va à l’essentiel et nous faisons ainsi intimement connaissance avec ce qui rassemble la famille Witting : le manque de cette mère morte trop tôt. Mais parce que la vie continue, Jacob, le père, entame une relation épistolaire avec Sarah, la jeune fille du Maine, « grande et pas belle ». L’échange épistolaire concerne bien vite toute la famille et ce premier volume montre alors joliment comment les uns et les autres s’apprivoisent par lettre avant de s’adopter.
On touche là à l’une des spécificités de cette saga : l’écriture y tient une place essentielle. Chaque volume est un journal tenu par l’un des enfants. La narratrice des deux premiers volumes c’est Anna, Caleb est celui du troisième volume, Cassie est celle des deux derniers. L’auteur recourt parfois à l’italique pour retranscrire le début du journal et surtout pour mettre en avant les pensées les plus intimes du narrateur et nous transmettre sa sensibilité. Cassie ne raconte pas comme Caleb et lui-même ne raconte pas comme Anna. Un grand souci de vérité guide Patricia Maclachlan et c’est avec précision qu’elle décrit la vie quotidienne d’une famille de fermiers dans l'ouest des Etats Unis au XIXème siècle. Le concret est présent à chaque instant permettant au jeune lecteur de « voir » la réalité de la vie difficile de la famille Witting ; pour autant l’histoire de Sarah la pas belle n’est pas un roman historique de plus. Les descriptions sont utiles et elles sont là, juste à leur place, mais ce qui domine dans l’écriture c’est la peinture des sensations. L’auteure habite chacun de ses personnages, elle est Caleb le petit garçon à qui sa maman manque tant, et en même temps elle est Anna qui souffre et le réconforte, elle est Sarah bien sûr, pleine d’amour, de confiance et de force, elle est Cassie la petite fille facétieuse, elle est aussi dans le regard attentif des deux chiens Nick et Lottie.
En fin du cinquième volume, expliquant comment elle s’est nourrie de souvenirs racontés par son père comme de ses souvenirs du Dakota et du Wyoming, Patricia MacLachlan dit qu’inventer une famille à Sarah l’a rapprochée de son passé. C’est là la force de ces cinq beaux livres : réussissant à faire que de jeunes lecteurs s’approprient cette dure vie de fermiers située dans une autre époque et bien loin d’ici, elle les rapproche de ce qui est si important dans le secret de leur coeur et qui concerne l’histoire familiale de chacun d’eux.
L’histoire de Sarah et de sa famille élargie s’achève sur le mariage d’Anna et sur la mort du grand-père : «Grand-père est toujours parmi nous» dit Cassie à la fin de son journal ; Sarah la pas belle et sa rude et tendre famille aussi, pense le lecteur aussitôt, lecteur qui a les larmes aux yeux quand Cassie écrit :
« Les rires et les voix sont de petits cailloux
Tout autour de nous.
Nous les ramassons et les serrons fort,
Dans nos mains jusqu’à la mort »
Claude
L’Histoire de Sarah la pas belle :
Sarah la pas belle
Sarah la pas belle se marie
Le journal de Caleb
Un cadeau pour Cassie
La Ferme de grand-père
Patricia MacLachlan
Ill. de Quentin Blake
Trad. Camille Todd puis Anne Krief
Gallimard jeunesse, folio cadet
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